Le réchauffement climatique, la pollution des eaux par les micropolluants, les problèmes de santé liés à la bioaccumulation de substances chimiques nocives ou encore le dérèglement du fonctionnement hormonal par les perturbateurs endocriniens sont autant de conséquences essentiellement liées aux activités humaines. Mais elles ne sont pas les seules.

L’eutrophisation des milieux aquatiques est un autre sujet préoccupant, aussi bien pour la santé des personnes que pour l’environnement ou le système économique. Avec ses marées d’algues vertes, la Bretagne, terre d’élevage, inquiète d’ailleurs. Il en va de même de la prolifération des cyanotoxines dans les eaux de baignades.

Qu’est-ce que l’eutrophisation ? Quelles en sont les causes et les conséquences ? Des solutions existent-elles ? Voici des éléments de réponse.

Comprendre l’eutrophisation des milieux aquatiques

Les éléments nutritifs tels que le phosphore et l’azote sont essentiels au développement des plantes aquatiques. Mais lorsqu’ils sont apportés en quantité excessive, certaines algues sont « dopées » et se multiplient plus vite qu’elles ne le devraient. Le passage de la lumière est obstrué et les bactéries nécessaires à leur dégradation prolifèrent à leur tour, consommant alors de plus en plus d’oxygène, jusqu’à créer un déséquilibre de l’écosystème, voire « l’asphyxier ». C’est ce que l’on appelle l’eutrophisation des milieux aquatiques.

Bien que l’eutrophisation soit un phénomène naturel, les activités humaines, qu’elles soient domestiques (eaux usées), industrielles ou agricoles, provoquent des situations d’eutrophisation « artificielle » préjudiciables aux écosystèmes aquatiques en modifiant progressivement leur équilibre biologique.

Eutrophisation des milieux aquatiques : quelques chiffres

Les deux éléments nutritifs essentiellement responsables de la pollution des eaux sont l’azote et le phosphore que l’on trouve principalement dans les engrais et les eaux usées. Bien au-delà des quantités que peuvent absorber les plantes, ces nutriments terminent donc leur course dans les eaux et y provoquent l’eutrophisation.

Avec une consommation mondiale d’engrais azotés de synthèse qui a été multipliée par neuf depuis les années 1960, la teneur en nitrates des eaux augmente considérablement. En France, elle dépasse aujourd’hui la norme retenue par l’Organisation mondiale de la santé, soit 50 milligrammes par litre. Cette pollution par les nitrates provient à 66 % de l’agriculture, à 22 % des collectivités locales et à 12 % de l’industrie.

Quelles sont les causes de l’eutrophisation des milieux aquatiques ?

L’utilisation d’engrais azotés, les effluents d’élevage et les eaux usées industrielles et domestiques sont en majeure partie responsables de la pollution des milieux aquatiques. Les marées d’algues vertes en Bretagne en sont un exemple éloquent : le ruissellement des eaux de pluie draine l’azote et le phosphore contenus dans les lisiers, fumiers et engrais avant de rejoindre les cours d’eau et les lacs et les eaux côtières.

Les quantités de nutriments que contiennent les eaux usées industrielles et domestiques sont également en cause, surtout si elles ne sont pas correctement traitées.

Autres responsables de l’eutrophisation : l’urbanisation, l’utilisation des sols et les modifications des cours d’eau. Les surfaces imperméables (routes, toits, etc.) augmentent le ruissellement des eaux chargées de ces polluants vers les cours d’eau. La déforestation et la suppression des végétaux ont quant à eux un double effet négatif : ils accentuent l’érosion des sols et favorisent le transport de sédiments riches en nutriments par les eaux de pluie vers les cours d’eau ; les bocages et bandes herbées, véritables « zones tampons » disparaissent, ne limitent plus le ruissellement des eaux de pluie et ne retiennent plus les nutriments. Enfin, les modifications apportées aux rivières (déplacement, redressement, dragage, stabilisation, etc.) peuvent donner lieu à une instabilité des berges qui favorise également l’érosion.

Quelles conséquences liées à l’eutrophisation ?

Cette forme de pollution constitue une menace pour l’environnement, la santé et l’économie d’un pays, notamment dans les secteurs de la pêche et du tourisme :

  • Une concentration élevée d’azote et de phosphore dans les eaux bénéficie à certaines espèces de plantes et d’algues au détriment d’autres espèces privées d’une quantité d’oxygène et de lumière suffisante. Elle entraîne ainsi une perte de biodiversité qui peut être dramatique.
  • La qualité de l’eau potable est également affectée puisqu’en trop forte concentration, les nitrates deviennent toxiques, en particulier pour les nourrissons.
  • Une présence excessive de nutriments dans les plans d’eau de baignade engendre quant à elle une quantité anormale de cyanobactéries. Celles-ci synthétisent de puissantes toxines, les cyanotoxines qui, après ingestion, contact ou inhalation, peuvent provoquer des troubles digestifs, voire avoir atteindre le foie, le système nerveux, les systèmes reproducteurs ou les muqueuses des baigneurs. Lorsque les valeurs seuils de cyanobactéries toxinogènes sont dépassées, les autorités sont d’ailleurs souvent amenées à fermer les plans d’eau de loisir.

Les poissons issus de la pêche en eaux polluées peuvent également devenir impropres à la consommation.

La déseutrophisation, une solution de lutte curative

La déseutrophisation est le processus inverse de l’eutrophisation. Cette solution curative vise à dépolluer les écosystèmes en réduisant les apports en nutriments. L’épuration des eaux peut se faire par lagunage (phytoépuration ou bioremédiation, notamment), mais également par la suppression mécanique, chimique ou biologique des algues et autres plantes indésirables ou encore par l’introduction d’espèces aquatiques herbivores. Toutefois, cette solution doit être totalement maîtrisée afin de ne pas inverser les concentrations d’éléments nutritifs au-delà des seuils normaux. Les solutions préventives sont donc à privilégier.

Des solutions préventives de lutte contre l’eutrophisation

En France, l’arrêté du 30 janvier 2023 relatif aux programmes d’actions Nitrate impose de bonnes pratiques agricoles sur les zones vulnérables : fertilisation équilibrée, périodes d’interdiction d’épandage d’engrais azoté, couverture automnale des sols par des cultures intermédiaires dites « pièges à nitrates), bandes enherbées obligatoires le long des cours d’eau et capacités minimales de stockage des effluents d’élevage. Ces programmes peuvent être orientés par les outils de planification comme les SAGE et les SDAGE. La planification peut également intégrer des mesures d’aménagement de l’espace et des sols pour limiter le ruissellement, l’érosion et les transferts de polluants, par exemple.

Mais ces solutions préventives ne peuvent se cantonner aux zones vulnérables et à l’agriculture. La préservation et la restauration des sols (berges enherbées, haies bocagères, etc.) doivent s’appliquer à tous les milieux. L’utilisation des engrais comme l’usage des produits ménagers ou industriels se doivent d’être raisonnés, au moins limités. Le traitement des eaux usées et des lisiers d’élevage doit être amélioré pour mieux éliminer l’azote et le phosphore avant leur rejet dans l’environnement.

Lutte contre l’eutrophisation : mieux vaut prévenir que guérir

Essentiellement provoquée par l’activité humaine et son utilisation excessive de produits chimiques, l’eutrophisation des milieux aquatiques peut avoir de lourdes conséquences sur l’environnement, la santé humaine et l’économie mondiale.

Si la dépollution des eaux est possible, elle n’est qu’une solution curative et ne peut être durable. La lutte contre l’eutrophisation doit donc impérativement passer par la prévention. Elle est l’affaire de tous et doit faire l’objet d’actions collectives.

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