La mobilité durable entre ambitions et réalité

Fin 2020, la Commission européenne dévoilait sa stratégie de mobilité durable et intelligente destinée à « mettre les transports européens sur la voie de l’avenir. » Volet transport du Pacte vert, cette stratégie proposait trois axes d’actions : rendre tous les modes de transport plus durables, faire en sorte que des alternatives durables soient largement disponibles dans un système de transport multimodal et mettre en place les mesures d’incitation appropriées pour favoriser la transition. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Une stratégie ambitieuse

La feuille de route fixée couvre des ambitions fortes dans tous les domaines de la mobilité. Elle prévoit à l’horizon 2030 de faire rouler sur les routes européennes au moins 30 millions de véhicules zéro émission et 80 000 camions zéro émission, de doubler le trafic ferroviaire, de rendre neutres en carbone les déplacements collectifs programmés de moins de 500 km au sein de l’UE, de déployer à grande échelle la mobilité automatisée, de lancer la commercialisation des navires zéro émission et, plus globalement, de compter 100 villes européennes climatiquement neutres.

Elle prévoit aussi que les aéronefs de grande capacité à zéro émission seront prêts à être commercialisés à l’horizon 2035. Et elle envisage de rendre zéro émission la quasi-totalité des voitures, camionnettes, autobus et véhicules utilitaires lourds neufs, de doubler le trafic ferroviaire de marchandises, de tripler le trafic ferroviaire à grande vitesse et de faire en sorte que le réseau transeuropéen de transports multimodal (RTE-T) équipé pour des transports durables et intelligents dotés d’une connectivité à haut débit soit opérationnel pour le réseau global d’ici 2050.

Quels leviers pour une mobilité durable et bas carbone ?

Report modal, efficacité énergétique, sobriété des déplacements, modes actifs, logistique urbaine durable, électrification et carburants ou vecteurs alternatifs (bioGNV, biocarburants liquides, hydrogène), taux de remplissage mais aussi révision des plans d’urbanisation et d’aménagement… : les leviers pour tendre vers une mobilité durable et bas carbone sont déjà connus. Ces différents domaines voient des avancées concrètes mais cela ne va pas assez vite par rapport à l’objectif fixé pour 2050 de réduire de 90 % les émissions du secteur par rapport à 1990. C’est en tout cas ce que montre le rapport sur l’état de l’environnement en Europe publié le 29 septembre dernier par l’AEE(1).

Des progrès depuis 1990 mais peut mieux faire

Selon les auteurs du rapport, si des gains en efficacité ont été réalisés dans l’ensemble du secteur (passagers et marchandises), le niveau total de l’activité de transport dans l’UE a fortement augmenté, ce qui contre-balance en partie ces améliorations.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur ont augmenté de 26 % entre 1990 et 2022 et ont atteint 28,9 % de l’ensemble des émissions de l’Europe des 27 en 2022. Plus précisément, les émissions de la plupart des polluants atmosphériques en lien avec le transport (particules, oxydes d’azote et oxydes de soufre) ont diminué depuis 1990 mais les émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac ont augmenté.

Parallèlement à son empreinte carbone, le secteur a aussi une forte empreinte matière et hydrique. Par exemple, produire un véhicule – et a fortiori un véhicule électrique – a des impacts à chaque étape du cycle de vie de ce véhicule (extraction de matériaux et métaux critiques, rares ou stratégiques, utilisation d’eau et de produits chimiques dans les process de production, distribution, usage, fin de vie).

Encore d’importants défis à relever

Il reste donc encore d’importants défis à relever pour renforcer la circularité dans la construction automobile, navale et aéronautique et parvenir à une mobilité durable en Europe. Atteindre d’ici 2050 l’objectif fixé par le Pacte vert de réduire de 90 % des émissions de GES liées au transport par rapport à 1990 nécessite de modifier en profondeur le mode de fonctionnement et d’alimentation des voitures, poids lourds, avions et navires et de revoir l’ordre de priorité accordé aux différents modes de transport. Cela nécessite aussi de travailler sur d’autres points clés comme le développement des infrastructures de recharge et de ravitaillement, l’amélioration des services ferroviaires longue distance et transfrontaliers (trains à grande vitesse, trains de nuit) et la maturité des nouvelles technologies dont les carburants durables pour l’aviation et le maritime.

Le rôle clé de l’innovation pour accélérer

Face à cela, l’apport de l’innovation est fondamental. C’est ce que soulignent les organisateurs du salon Pollutec qui, pour cette édition 2025, consacrent une journée entière à la mobilité. Organisée avec Cara, le cluster européen des solutions pour la mobilité et Make a Move, média pour des villes et entreprises durables, cette journée propose un programme d’interventions de haut niveau (ex. : « quelles transitions pour nos mobilités d’ici 2050 ? », « la mobilité individuelle peut-elle être neutre en carbone ? », « décarboner le secteur des véhicules industriels », « la planification territoriale, une nécessité pour une vraie transition », « transitionner nos transports en commun : un défi technique et économique ». Elle sera conclue par une séance de pitchs d’entreprises innovantes dans la mobilité et le transport.

Le salon accueille également plusieurs conférences présentées par des exposants parmi lesquelles « les routes pour rafraîchir les villes », « l’évolution de la mobilité dans la métropole de Lyon », « adapter la ville et les infrastructures », « repenser la ville face aux changements climatiques », « villes en transition : innover pour gérer l’eau, ré-inventer la mobilité et adapter nos usages au climat », « décarboner le transport de marchandises »…

Et côté exposants, les solutions présentées couvrent l’ensemble des enjeux du secteur. Par exemple, pour faire face à la demande croissante de métaux stratégiques ou critiques, des acteurs comme Mecaware et Weeecycling se spécialisent dans la valorisation et purification des métaux, ce qui autorise leur réinjection dans les process industriels. Plusieurs acteurs présentent leurs solutions en matière d’électrification : nouvelles gammes de moteurs électriques (Weg), vélos cargos électriques et remorques professionnelles pour la collecte des déchets (FlexiModal), bennes à ordures ou véhicules municipaux électriques (Gourdon, Groupe Vincent, Hantsch, Scania France…), véhicules et engins électriques rétrofités (UpcY-Mobilités). D’autres dévoilent leurs solutions en lien avec les biocarburants : Energo, Saipol, Falaize Energies Alternatives ou encore HVO Suisse qui valorise le plastique en biocarburant. D’autres encore relèvent plus du recyclage et de la valorisation des véhicules en fin de vie (Hubency : valorisation des airbags, HVO France : valorisation des pneus, Newell Recycling Equipments : déchiquetage des moteurs, etc.).

Soulignons également la solution de recharge déployable en trois jours sans travaux proposée par Mob-Energy et le système unique breveté capable d’aspirer les particules de frein directement au niveau des plaquettes développé par Tallano Technologies : cette innovation de rupture anticipe la future norme Euro 7 (les normes précédentes ne portaient que sur les gaz d’échappement).

Enfin, SNCF Réseau présente ses démarches et solutions pour transformer le ferroviaire. L’opérateur lance cette année la nouvelle filière ferroviaire 2025 destinée à accompagner la hausse de la part modale du rail avec un impact maîtrisé.

1) « Rapport sur l’état de l’environnement en Europe en 2025 », Agence européenne de l’environnement, 29 09 2025 disponible sur https://www.eea.europa.eu/en

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