Entrepreneuriat dans la greentech : une tendance qui reste dynamique

Les défis de la décarbonation et de la restauration de la compétitivité en Europe sont inscrits comme prioritaires dans le rapport Draghi. On sait aujourd’hui que ces deux enjeux vont de pair. De plus en plus de solutions en faveur de la transition, notamment innovantes, contribuent à renforcer la compétitivité des entreprises. Et l’effet est même confirmé sur le plan macroéconomique. Tout récemment, un responsable de l’Ademe rappelait que même si certains engagements constituent des coûts sur le plan microéconomique, sur le plan macroéconomique la transition écologique ne modifiait pas la croissance, voire la consolidait. Ce constat contribue donc à renforcer l’écosystème des éco-entreprises et notamment à stimuler l’entrepreneuriat qui continue à être très dynamique en dépit d’un contexte économique et politique incertain.

 

La belle dynamique de création et développement de jeunes entreprises, en particulier innovantes, s’illustre clairement sur le salon Pollutec. La nouvelle édition 2025 affiche déjà officiellement la participation de130 startups, mais le nombre de jeunes entreprises et PME innovantes effectivement présentes est autrement plus élevé (notamment grâce aux stands collectifs). Pollutec est ainsi un reflet de la réalité de la tendance entrepreneuriale positive dans les greentech en France mais aussi en Europe. Derrière cette illustration, il y a des chiffres qui confirment qu’en dépit d’un climat économique et politique pour le moins complexe, la filière des éco-entreprises affiche une belle résilience, notamment tirée par l’innovation et les nouveaux projets. Au printemps dernier, Bpifrance rendait public les résultats de son observatoire des startups greentech (données 2024), recensant 2900 entreprises, en progression par rapport à 2023. Autre illustration de cette émulation, on compte 51 % de greentech parmi les lauréats du FrenchTech 2030, un programme qui vise à accompagner les acteurs émergents qui répondent à de grands enjeux de société. Et on pourrait tout aussi bien citer la part massive des projets entrepreneuriaux à portée environnementale dans la plupart des grands concours nationaux et régionaux (à commencer par les concours publics i-Lab, i-phD, voire les dispositifs Pepite), souvent bien au-delà des seules catégories purement « greentech ». La tendance est identique au plan européen, comme l’illustre en particulier le dispositif EIC Accelerator. Dans la dernière relève de 2024 (dévoilée au printemps 2025), ce sont 40 % des projets retenus qui ont une portée environnementale directe (pour la plupart) ou indirecte, et la première relève 2025 est encore plus marquante. 55 % des lauréats portent des solutions à impact environnemental et mobilisent 84 % des soutiens octroyés.

 

Côté financements en France, la structure des levées de fonds illustre aussi l’émergence de nombreux projets : sur 150 opérations de levées de fonds répertoriées par France Invest sur 2024, 129 sont des premiers tours ou du capital innovation. « C’est le signe qu’il y a toujours des projets qui se lancent. Et la tendance structurelle reste la même sur le premier semestre 2025 » a ainsi précisé Simon Ponroy, directeur des études économiques et statistiques de France Invest lors de la récente journée Ecotech Finances organisée par le Pexe – Les éco-entreprises de France. Sur les montants engagés dans les levées de fonds, la résilience des greentech est aussi notable. L’an dernier, en dépit d’une baisse significative des montants totaux levés par rapport à 2023 et 2022 (2,4 Md€ levés – équivalent au niveau de 2021), les startups de la transition écologique et énergétique ont plutôt bien résisté en comparaison d’autres secteurs. L’année 2025 s’annonce elle a minima comme une période de stabilisation, donc de résilience dans un contexte économique plutôt morose. Mieux, après avoir vu les montants mobilisés plutôt se réduire par levée au cours de deux semestres 2024, le niveau des levées se relève avec un nombre stable d’opérations, laissant donc augurer une année 2025 plus positive. Selon les premières estimations, les deux premiers trimestres ont déjà permis de lever près de 900 M€ dans le secteur cleantech. A son échelle, la journée Ecotech Finances du Pexe consacrée aux levées de fonds qui a attiré environ 80 startups et PME (et quelques ETI en développement), confirme cette tendance, avec un montant moyen recherché par startup de 7,7 M€ (hors entreprises recherchant plus de 50 M€), bien supérieur à celui des années précédentes.

 

Autre signe rassurant, l’entrepreneuriat greentech continue de couvrir une grande diversité de thématiques. Si on s’en tient aux levées de fonds, les startups des énergies renouvelables sont les premières accompagnées, suivies de celle de la mobilité, de l’hydrogène et de l’efficacité énergétique, mais tous les autres domaines sont représentés (chimie durable, éco-matériaux, traitement et valorisation des déchets, air, agro-écologie, eau etc.). Le quarté de tête reste le même pour le premier semestre 2025, montrant d’ailleurs qu’un peu à rebours des commentaires fréquemment entendus, l’hydrogène tient son rang. Cinq projets plutôt « early stage » (1er tour ou amorçage) ont d’ailleurs déjà levé des fonds en 2025, preuve d’une continuité dans l’émergence de nouvelles solutions, même sur un marché aval ayant un peu marqué le pas en 2024.

Le caractère deeptech d’un nombre conséquent de jeunes entreprises innovantes est également à souligner. L’observatoire Greentech de Bpifrance publié au printemps relève que 20 % de ces startups sont des deeptech, donc apportant des solutions de rupture. Un autre observatoire, celui des deeptech (tous secteurs économiques), confirme que le mouvement se poursuit. Selon les données disponibles sur cette base, on peut ainsi estimer à une soixantaine le nombre de nouvelles startups de rupture dans la transition écologique et énergétique créées en 2024 et à une quinzaine celles déjà fondées au seul premier trimestre 2025 (dernière mise à jour disponible), donc parfaitement sur le rythme de l’année précédente.

 

Enfin, pour avoir une vision plus large de cet entrepreneuriat, il est intéressant d’en suivre l’activité, notamment une fois la startup engagée dans la réalisation de chiffre d’affaires. C’est ce que fait la Banque de France dans son rapport annuel sur l’état des startups en France, ciblant volontairement un périmètre bien défini de startups à potentiel de croissance grâce à l’innovation et réalisant au moins 750 k€ de CA ou ayant levé 3 M€. On y apprend ainsi que les chiffres d’affaires générés par les startups « environnement et énergie » se taillent la part du lion, avec un chiffre d’affaires cumulé d’un peu plus de 3 Md€, juste derrière les startups Software & data (dont certaines peuvent d’ailleurs servir aussi la transition écologique, comme on le voit largement se développer sur le marché). Seule nuance, ce chiffre d’affaires des startups a quasiment stagné sur 2024 là où beaucoup d’autres filières ont vu leur CA se développer. Mais si on inclut les données de la filière des mobilités (presque 2 Md€ , en croissance de 12,7 %), les startups de la transition écologique et énergétique sont nettement le premier secteur de l’entrepreneuriat, avec pour ces jeunes entreprises déjà au stade commercial, un ratio d’autonomie financière (capitaux propres/total bilan) satisfaisant. En outre, la prise de conscience de l’intérêt économique des investissements environnementaux (compétitivité, souveraineté, pérennisation des activités, etc.), est un mouvement de fond que les experts estiment durable, consolidant donc ces jeunes entreprises dans le temps en dépit du contexte économique global. On peut aussi s’appuyer sur les dernières données de créations d’usines de startups industrielles (premiers sites ou démonstrateurs), qui étaient globalement en net rebond au premier trimestre 2025, dont 10 projets sur 16 avaient une portée environnementale. Globalement depuis novembre 2022, le dispositif « Première usine » a soutenu pas moins de 55 projets d’usines de la Greentech. Autant d’arguments qui contribuent sans doute à expliquer le caractère optimiste de cette filière relevé au printemps par l’enquête annuelle de l’observatoire du Pexe (avec une note particulièrement élevée de 4,5/5). Mieux, ce sont des domaines qui embauchent (+7% d’effectif pour la catégorie Environnement/énergie et presque +16% pour la mobilité dans l’enquête BdF), tendance confirmée par l’enquête du Pexe.

 

Ainsi, à ce jour le rythme de croissance de l’entrepreneuriat environnemental reste globalement soutenu. La créativité est là, laissant entrevoir de nouveaux sauts de compétitivité des éco-technologies, et l’éco-système permettant d’accompagner l’émergence et la maturation de ces projets est également solide (maturation, incubation, accélération), impliquant des acteurs économiques de tous profils, publics et privés. Mieux, les experts de l’accompagnement financier estiment qu’il n’y a pas réellement de contrainte forte sur l’accès au financement pour cet entrepreneuriat « écologique ». Reste que dans un contexte économique et politique incertain, des exigences plus fortes sont à attendre. Certains experts de l’accompagnement par exemple incitent fortement les porteurs de projets à se concentrer prioritairement sur la consolidation de leurs innovations, de leur propriété industrielle, des modèles économiques mais aussi sur la recherche des validations des marques d’intérêt marché (voir l’amorçage des revenus) avant d’aller chercher des fonds. L’observatoire des éco-entreprises du Pexe souligne ainsi qu’avant les financements, c’est le soutien dans le business qui est recherché par les jeunes entreprises des filières écotech (pour 70% d’entre elles contre 52 % en recherche de financement). Selon un responsable de l’Ademe s’exprimant tout récemment sur ce sujet, le véritable enjeu semble de « penser grand », de changer d’échelle dans les projets à porter, et d’aller chercher les effets de masse avec des projets durables et rentables. Ce défi et cette ambition imposent que les porteurs d’initiatives entrepreneuriales continuent de gagner en visibilité auprès des donneurs d’ordre : un objectif auquel entend contribuer Pollutec, avec une vision systémique sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la transition écologique et énergétique.

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