Aujourd’hui, la lutte contre l’encrassement organique des bateaux et autres structures immergées passe encore majoritairement par l’application de peintures antifouling. Cependant, même si celles-ci sont moins toxiques qu’avant, elles contiennent toujours des biocides organométalliques ou organiques. Si des solutions alternatives existent déjà, la recherche continue.

Le fouling (ou ‘biofouling’) désigne l’encrassement causé par la colonisation de la surface immergée d’un bateau ou d’une structure par des organismes végétaux ou animaux : particules organiques, bactéries, spores de macro-algues, larves d’organismes supérieurs mais aussi vers marins, algues et mollusques. Cet encrassement pose des problèmes majeurs aussi bien pour le climat que pour la biodiversité.

D’une part, en s’accumulant sur les coques, les salissures biologiques augmentent la rugosité de la surface de ces coques. Ceci génère des frottements qui, eux-mêmes, induisent une baisse de l’hydrodynamisme du bateau, d’où une augmentation de sa consommation d’énergie et de ses émissions de GES. Une étude menée par la Global Industry Alliance for Marine Biosafety indique qu’une couche de 0,5 mm d’épaisseur couvrant jusqu’à 50 % de la surface d’une coque peut entraîner une augmentation des émissions de GES de 20 % à 25 %, selon les caractéristiques du navire et sa vitesse.

D’autre part, cette bioaccumulation peut contribuer à l’introduction d’espèces envahissantes, à l’image de la crépidule originaire de la côte Est des Etats-Unis et arrivée sur les plages de Normandie lors du débarquement de juin 1944. Selon l’OMI, « l’encrassement biologique des navires est responsable de 55,5 % à 69,2 % des espèces invasives côtières et estuariennes établies dans le monde.

Ces espèces exotiques envahissantes (invasive aquatic species) peuvent dominer les habitats benthiques, s’attaquer aux communautés indigènes, les concurrencer et les perturber, et déplacer les espèces locales. Elles ont causé des dommages importants à l’environnement marin et côtier et sont considérées comme l’une des principales causes de la perte de biodiversité marine. Une fois établies dans un environnement marin, elles sont très difficiles voire impossibles à éradiquer ou à un coût prohibitif ».

 

Des remèdes pires que le mal ?

La prise de conscience de ce phénomène d’encrassement n’est pas nouvelle. Dès l’Antiquité, des plaques de cuivre ou de plomb étaient apposées sur les coques. On est ensuite passés à l’application d’un mélange de cire et de graines. Puis, à l’avènement de l’ère industrielle, sont apparues les peintures à base de métaux lourds (cuivre, arsenic, cadmium, mercure) suivies, dans les années 1960-1970, par des peintures à base d’organoétains (TBT) qui ont été ensuite interdites du fait de leur haute toxicité. Aujourd’hui, plus de 90 % des peintures antifouling comprennent des biocides organométalliques (cuivre, zinc) et/ou organiques (fongicides, algicides, bactéricides).

Mais face à l’évolution des connaissances sur la toxicité de nombreux produits chimiques et leur classement dans la catégorie substances dangereuses (cf. ECHA), d’autres types d’antifoulings sont proposés comme les adhésifs (v. encadré), les systèmes à ultrasons, les méthodes mécaniques (brosses, nettoyeurs haute pression…) et les peintures sans biocides. Une étude spécifique(1) menée sur plusieurs années par le Parc naturel marin d’Iroise et Finistère 360° estime toutefois que, en dehors des procédés mécaniques sur coque nue, aucun dispositif n’est inoffensif pour la faune et la flore. Certains ont même des impacts sur l’homme, en phase d’application ou de ponçage.

 

Un adhésif anti-fouling bio-inspiré


Plusieurs solutions d’adhésifs existent déjà sur le marché à l’exemple du MacGlide, revêtement anti-adhérent en silicone proposé par Mactac. Le Néerlandais Finsulate a quant à lui mis au point un adhésif composé de fibres de Nylon qui constituent de minuscules épines et agit ainsi de façon mécanique en s’inspirant des piquants d’oursins. La solution a été plusieurs fois primée lors du 2e Ocean Pitch Challenge en mai 2022.

 

Aller plus loin dans les solutions alternatives

La recherche continue d’avancer en vue de développer des solutions à moindre impact. Par exemple, certains organismes et laboratoires travaillent à découvrir de nouvelles molécules actives pour remplacer les biocides. De telles recherches supposent de bien connaître les mécanismes utilisés par les micro-organismes marins pour adhérer et développer un biofilm sur une surface. C’est notamment ce à quoi s’attache le projet MAIB mené par le laboratoire MAPIEM de l’Université de Toulon.

Après la signature de l’avenant de leur contrat de filière début décembre 2021, les industriels de la mer ont proposé plusieurs feuilles de route correspondant à chacun des grands axes de recherche prioritaires retenus. La feuille de route SmartYard(2) prévoit de nouvelles solutions innovantes dans la catégorie « Matériaux & Procédés » d’ici 2028 dont un « procédé de revêtement pour état de surface antibiofouling » dès 2025.

Au niveau international, l’OMI a signé fin 2021 avec Norad (l’Agence norvégienne de coopération pour le développement) un accord visant à développer des projets de démonstration de solutions techniques permettant de stopper l’introduction d’espèces exotiques envahissantes via les bateaux et de réduire les émissions de GES de ces bateaux. Prévu sur quatre ans, ce TEST (Transfer of environmentally sound technologies) Biofouling Project complète le GloFouling Partnership Project lancé il y a déjà plusieurs années en vue de soutenir les pays partenaires dans l’application des recommandations de l’OMI publiées en 2011(3). Seront notamment étudiés dans ce cadre des robots sous-marins de nettoyage opérés à distance ou encore des caméras sous-marines permettant de contrôler l’état du revêtement antifouling.

 

Un phénomène toujours plus investigué par les professionnels des EMR


Le biofouling impacte les installations EMR à différents niveaux : il peut alourdir les structures, modifier la réponse hydrodynamique, affecter les échanges thermiques, bloquer des fonctions mécaniques, augmenter la fatigue de certains matériaux, générer ou accélérer la corrosion et la biodégradation, causer des instabilités fluide/structures non prévues… Il est donc nécessaire de l’intégrer dans le dimensionnement même de ces structures.

France Energies Marines mène plusieurs projets collaboratifs sur le sujet : ABIOP (vulnérabilité des liaisons fond-surface), OMDYN2 (effets sur les comportements des câbles), MONAMOOR (influence des types d’ancrage sur la bio-colonisation), MHM-EMR (impact sur le comportement des composants sous-marins). L’institut a par ailleurs réalisé un Atlas bibliographique du biofouling qui synthétise les connaissances disponibles sur la bio-colonisation au niveau des côtes françaises.

 

1) « Antifouling et environnement : Où en sommes-nous ? », Parc naturel marin d’Iroise et Finistère 360° (Tourisme, Nautisme & Territoires), Avril 2019.

2) Feuille de route Nouveaux matériaux et chantier/usine intelligente (SmartYard). Les trois autres feuilles de route portent sur les bateaux intelligents et systèmes autonomes (SmartShip), la décarbonation et les navires écologiques (GreenShip) et l’industrie off-shore nouvelle génération (Next-Gen Offshore Industry).

3) Ces « Biofouling Guidelines » sont en cours de révision à l’OMI.

 

À lire  : L’ingénierie maritime en pleine évolution

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