On en parle depuis une quinzaine d’années mais que met-on exactement sous le terme de bioéconomie ? Quels en sont les principaux moteurs et les nouvelles perspectives ?

 

La bioéconomie désigne les activités de production et de transformation de la biomasse – les ressources issues du vivant – destinées à l’agro-alimentaire, à la chimie (cf. composés et produits biosourcés en alternative aux pétrosourcés) et à la production d’énergie (biogaz et biocarburants issus de co-produits ou déchets). Ces bioressources (végétaux, animaux, champignons, micro-organismes) peuvent être prélevées ou cultivées puis transformées ou donner lieu à l’extraction de composants d’intérêt.

De son côté, l’Europe définit la bioéconomie comme l’utilisation de ressources biologiques renouvelables (biomasse) provenant de la terre et de la mer pour produire des denrées alimentaires, des matériaux et de l’énergie.

Nous nous focaliserons ici sur les composés et produits biosourcés et les biotechnologies, soit l’application liée à la chimie et aux matériaux.

 

Une décennie d’avancées

En 2013, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a identifié la valorisation des matériaux biosourcés et la chimie verte comme deux des 19 filières stratégiques de l’économie verte porteuses de croissance et d’emplois. Un Plan Chimie verte et biocarburants a ensuite été adopté (2014) et une des dispositions de la loi TECV de 2015 a encouragé l’utilisation de matériaux biosourcés lors de la construction ou la rénovation des bâtiments.

D’une manière plus spécifique, la France a présenté une stratégie Bioéconomie début 2017 et l’a accompagnée d’un plan d’action 2018-2020. Elle a ensuite adopté une stratégie d’accélération « Produits biosourcés et biotechnologies industrielles – carburants durables » (décembre 2021) de manière à « assurer leur développement pour contribuer à la souveraineté du pays et parvenir aux objectifs environnementaux ». Cette stratégie a été assortie de plusieurs appels à projets.

Début 2022, le pôle de compétitivité IAR (Industries et Agro-Ressources) est devenu Bioeconomy for Change (B4C) qui se veut le catalyseur de l’innovation biosourcée et de l’industrialisation dans les territoires. Couvrant cinq domaines spécifiques (Bio-resources ; Food & Feed ; Bio-based Molecules and Related Processes ; Bio-based Materials ; Bioenergies), B4C a pour ambition de faire de la France l’un des leaders de la valorisation de la biomasse.

 

Produits biosourcés et biotechnologies : deux éléments clés de la bioéconomie

Les produits biosourcés sont des produits industriels non alimentaires obtenus à partir de matières premières issues de la biomasse, donc renouvelables(1). Ils sont fabriqués par des procédés chimiques traditionnels ou via des biotechnologies industrielles (v. ci-dessous).

Un rapport réalisé en 2016 par la DGEC avait identifié 314 produits finis biosourcés dans de nombreux domaines : matériaux de construction, produits de nettoyage et sanitaires, pièces et produits de maintenance pour véhicules, fournitures de bureau et matériel d’impression, entretien des espaces verts, emballages / sacs plastiques et couverts jetables, produits cosmétiques et à usage médical. Depuis, d’importantes évolutions ont vu le jour et, grâce à une R&D soutenue, les composés issus du vivant se multiplient avec des applications de plus en plus larges dont des produits intermédiaires.

 

Une norme européenne Produits biosourcés

En octobre 2014, une norme a été élaborée pour fixer le vocabulaire lié aux produits biosourcés*. Cette norme (NF EN 16 575) définit un produit biosourcé comme étant « entièrement ou partiellement issu de bio-ressources » mais n’indique pas de taux minimum. Autrement dit, il suffit d’incorporer 1 % de matière biosourcée pour déclarer un produit biosourcé. Face à cela, un professionnel du bâtiment a créé en 2017 un label Produit biosourcé pour distinguer les matériaux biosourcés intégrant une part significative de biomasse en certifiant leur contenu (cf. seuils minimum d’intégration par famille de produits : isolants, béton…). Un nouveau label a été ajouté en 2021, le label Produit Biosourcé +, pour mettre en évidence les produits dont la teneur en biosourcé est supérieure à 80 %.

* NB : La norme est axée sur les domaines autres que les denrées alimentaires pour la consommation humaine ou animale et les applications énergétiques.

 

 

Un produit biosourcé est-il nécessairement durable ?

En tant qu’alternatives aux produits issus du pétrole, les produits biosourcés contribuent à décarboner l’économie et à limiter, voire supprimer, la toxicité de certains produits. Cependant, comme le souligne l’Ademe dans son Avis sur les produits biosourcés de février 2025, « le caractère biosourcé ne confère pas une plus-value environnementale de manière systématique. » L’Agence identifie de fait quatre points de vigilance. Le premier point (approvisionnement) recommande de respecter l’équilibre entre production de biomasse et maintien des services écosystémiques comme l’alimentation, la biodiversité, le captage de carbone, l’épuration de l’eau, etc. Le deuxième point (fabrication) invite à optimiser de manière systématique les procédés de transformation (ex. : valorisation en cascade pour exploiter tous les coproduits et sous-produits) et à rendre les équipements capables de s’adapter aux différentes qualités de biomasse. Le troisième point (usage) engage à prioriser les usages où le passage au biosourcé est le plus bénéfique tout en tenant compte des priorités d’usage, notamment en favorisant les produits à longue durée de vie. Et le quatrième point (communication) préconise de fournir une information réelle et vérifiable sur la teneur en matière biosourcée.

Par ailleurs, l’Ademe considère qu’utiliser de la biomasse dans un produit « peut être un levier pour réduire son impact mais cette réduction doit être objectivée par une évaluation environnementale associée à une démarche d’écoconception ». Elle précise à cet égard qu’il ne faut pas oublier la phase de fin de vie. Car, parfois, le recyclage peut être plus compliqué pour un matériau composite qui intègre une part végétale que pour un mono-matériau. Il ne s’agit donc pas de faire un transfert d’impact à la fin de vie du produit. Enfin, l’Agence ajoute que le développement des produits biosourcés doit s’inscrire au préalable dans une démarche de sobriété pour réellement substituer les matières fossiles sans simplement augmenter les volumes par une nouvelle production ni avoir d’effets rebonds.

 

Biotechnologies, un secteur en émergence

Les biotechnologies désignent un ensemble de technologies qui utilisent des organismes vivants ou certains de leurs composants pour créer ou améliorer des produits dans divers domaines (pharmacie, chimie, énergie, agriculture). Elles sont pour une grande part basées sur la fermentation (modification des sucres par des microbes, des champignons ou des bactéries). D’autres exploitent la catalyse enzymatique, les probiotiques ou encore les acides aminés.

Dans ces différents domaines, la France occupe une bonne place en matière de recherche et d’innovation : elle compte de nombreux acteurs spécialisés qui transforment la biomasse en produits à haute valeur ajoutée. Parmi ces spécialistes figurent Afyren (technologie de fermentation basée sur un modèle circulaire pour la production d’acides pour la nutrition, les arômes et parfums, les matériaux, etc.), Carbiolice (solutions enzymatiques pour rendre le plastique biosourcé -PLA- 100 % compostable et recyclable), Fermentalg (solutions et ingrédients actifs issus des microalgues pour la nutrition, la santé et l’environnement), Metabolic Explorer (production d’ingrédients par fermentation : acides aminés pour nutrition animale, autres produits pour la cosmétique ou les biopolymères), Ecoat (résine alkyde pour peintures) et bientôt Mycrophyt (ingrédients issus de microalgues), Futtero (PLA à base d’amidon de blé) ou Global Bioénergies (isobutène biosourcé pour la cosmétique). Notons aussi Eranova (résines et composites issus des algues vertes d’échouage) qui, comme Afyren, bénéficie du dispositif « Première usine » de France 2030.

 

Chimie du végétal : une filière pour défossiliser la chimie

Composante majeure de la bioéconomie, la chimie du végétal désigne les activités industrielles de production et de formulation de matériaux et produits utilisant des matières premières végétales en alternative, ou en complément, de matières premières fossiles*. Près de 70 acteurs de la filière** sont regroupés au sein de l’Association Chimie du Végétal (ACDV) créée en 2007. Ils représentent un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros par an et la filière enregistre une croissance de 5 % par an.

* Elle se distingue donc de la chimie verte, concept lancé en 1998 pour rendre la chimie plus sûre et plus durable (cf. moins de substances dangereuses utilisées, introduction de matières premières renouvelables, moins de réactifs consommés, moins de sous-produits ou rejets générés et, si possible, suppression de produits auxiliaires comme les solvants).

**Formulateurs, chimistes, entreprises de biotechnologies industrielles, agro-industriels, pôles de compétitivité…

 

 

Un nouveau soutien européen pour les entreprises innovantes de la biotech

En résumé, on peut parler de bioéconomie dès qu’il y a de la création de valeur à partir des ressources naturelles vivantes. Au-delà de la bioéconomie classique basée sur l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et la sylviculture et de la bioéconomie destinée à la production énergétique (biocarburants ou biogaz), la bioéconomie particulièrement novatrice basée sur les biotechnologies est promise à un bel avenir.

D’ailleurs, consciente de cette croissance rapide de la biotechnologie et de son potentiel pour révolutionner la santé, l’agriculture, l’alimentation humaine et animale et l’industrie, la Commission européenne a lancé fin janvier un pôle spécifique Biotech et Biofabrication(2) pour aider les entreprises, en particulier les jeunes pousses et les PME, à commercialiser leurs produits innovants sur le marché européen et accroître leur compétitivité. La plateforme aidera aussi les entreprises à déterminer le soutien dont elles peuvent disposer (sources de financement, infrastructures de recherche, etc.).

 

1) Certains y ajoutent parfois les produits géosourcés, i. e. issus de ressources d’origine minérale comme la pierre ou la terre crue.

 

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