Les applications satellitaires destinées à l’observation de la Terre ne sont pas nouvelles – Meteosat(1) par exemple aura 50 ans en 2027 – mais elles connaissent actuellement des évolutions considérables. Par exemple, à elle-seule, l’année 2025 compte un grand nombre d’avancées aussi bien en termes de mise sur orbite que de nouvelles approches. En parallèle, la récente ouverture des données offre de multiples perspectives dont s’emparent un nombre croissant d’entreprises innovantes.
Applications satellitaires et observation de la Terre
Les applications satellitaires ont plusieurs rôles majeurs dont celui de suivre l’état de l’environnement. Dans ce domaine, certains satellites sont consacrés aux pollutions (Sentinel, Calipso), d’autres à la mesure des émissions de GES (Merlin, IASI, MicroCarb ou GHGSat et Tropomi pour le méthane), à l’adaptation au changement climatique (CO3D), aux courants océaniques (Jason, Smos, CFSat), aux zones humides (Swot), etc.
2025 : une année riche
En janvier 2025, un satellite de démonstration (GEN1) de la constellation GESAT a été lancé dans le but de détecter les émissions de méthane. Quelques mois plus tard, c’est une nouvelle génération d’IASI(2) qui a été lancée : IASI-NG. Avec son instrument de sondage atmosphérique très haute performance, il permettra dès 2026 des mesures encore plus précises de température, d’humidité et de concentrations de GES grâce à un grand nombre de composés analysés à de très faibles seuils. Et cet été, le premier MicroCarb a été lancé dans le cadre de la mission franco-britannique du même nom afin de mesurer précisément la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre et cartographier les flux entre les différentes sources d’émissions anthropiques et les puits naturels de carbone comme les océans et les forêts. MicroCarb devrait servir de précurseur à une mission européenne dédiée à la mesure du CO2 et du méthane.
Autre avancée notable, la 3e conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3) tenue à Nice en juin a vu le lancement officiel de l’alliance Space4Ocean (S4O) destinée à mieux articuler le spatial et le maritime. L’idée est de soutenir la gestion durable des océans et des zones côtières grâce aux données spatiales (ex. : surveillance des océans, des ressources halieutiques et des aires marines protégées, développement de services liés à la pollution…). Cette plateforme internationale d’action coordonnée doit contribuer à l’application des cadres politiques mondiaux.
Le rôle crucial des données
En 2022, le Conseil européen soulignait l’importance que revêtent les données d’observation de la Terre pour la sécurité et la résilience de l’UE et plaidait en faveur de l’utilisation des données spatiales pour soutenir les transitions écologique et numérique. Dans une nouvelle communication de mai 2025, il insiste sur la nécessité d’utiliser toutes les données satellitaires disponibles pour mieux faire face au changement climatique, aux catastrophes et aux crises ayant une incidence sur la sécurité européenne et mondiale et sur la nécessité de renforcer la coopération entre Etats membres et industrie.
Un accès désormais facilité
Depuis quelques années, l’UE offre la gratuité des données de ses deux programmes phares : Copernicus (avec les images issues des satellites Sentinel) et Galileo (géo-positionnement). Les données Swot (topographie des eaux de surface) sont, elles, librement accessibles depuis juin 2024 et une nouvelle plateforme Geodes donnant l’accès aux données d’observation de la Terre a été lancée fin 2024.
De multiples perspectives
Un nombre croissant d’entreprises se saisissent de cette opportunité et développent de nouveaux procédés ou solutions dans de nombreux domaines. C’est le cas, par exemple, de BWI, CarbonFarm, CityClimateX, CoolRoof, Grasp, Netcarbon et Pixstart dans, respectivement, l’eau, l’agriculture, l’adaptation, le bâtiment, l’air, l’aménagement urbain et les territoires).
BWI collecte des données issues de satellites d’observation, de stations hydrométriques, de prévision météo ou d’observation locales, elle les stocke puis les traite avec des modèles spécifiques et l’apprentissage automatique. Ce qui lui permet de fournir des prévisions hydrologiques précises. BWI travaille aussi sur une constellation de dix satellites équipés d’altimètre miniaturisés en lien avec le CNES. De son côté, CarbonFarm propose de décarboner la riziculture en offrant aux agriculteurs des incitations à adopter des pratiques durables, via l’utilisation des données satellitaires et l’IA. CityClimateX utilise quant à elle les données satellitaires et la modélisation pour atténuer l’impact du changement climatique dans les projets de développement urbain (ex. : sélection des déplacements, analyse des îlots de chaleur ou du confort thermique…). CoolRoof développe une plateforme combinant imagerie thermique satellitaire, simulation énergétique et suivi en temps réel capable d’offrir une vision inédite et multi-échelle des toitures. Cela peut s’appliquer à l’entretien préventif, la végétalisation ou la pose d’installations PV ou de solutions thermoréflectives. Grasp travaille à partir de données satellitaires, aéroportées et au sol et une constellation privée de nanosatellites MAP à polarisation multi-angulaire pour produire des cartes cohérentes en quasi temps réel sur les concentrations de PM2,5 et PM10. Netcarbon développe une appli SaaS qui croise des données satellitaires à des modèles scientifiques pour évaluer des indicateurs clés comme les stocks et flux de carbone, les îlots de chaleur, la biodiversité, l’occupation des sols ou le ruissellement. L’appli peut s’utiliser pour la renaturation urbaine, la désimperméabilisation, la végétalisation (voirie, cours d’écoles), l’immobilier et les infrastructures durables. Enfin Pixstart propose des solutions pour la surveillance et la gestion de l’écologie des territoires via la géo-observation (ex. : gestion des masses d’eau, surveillance des infrastructures, gestion durable des espaces forestiers, analyse des espaces urbains ou protection des territoires difficiles d’accès). Pixstart est engagée depuis début 2025 avec le BRGM dans le projet ZH Scan dédié à l’analyse des zones humides par la synergie de données satellitaires et de données terrain.
Ces quelques exemples montrent le vaste potentiel de l’utilisation des données satellitaires d’observation de la Terre. On n’en est qu’au début de la coopération entre les administrations, le monde universitaire et l’industrie dans le domaine mais cela progresse vite. Face à la quantité phénoménale des données, l’utilisation de l’IA et d’autres technologies devrait être utile pour en améliorer le traitement. L’IA pourrait par exemple identifier des constantes et des anomalies, intégrer des images obtenues à haute altitude ou développer des systèmes de modélisation. Affaire à suivre…
1) On en est aujourd’hui à Meteosat-12, satellite-sondeur qui balaie la totalité du disque terrestre toutes les dix minutes et constitue la principale source de données satellitaires géostationnaires en temps quasi réel pour l’Europe, l’Afrique et les océans qui les bordent. Meteosat-12 s’inscrit dans le programme Meteosat Third Generation (MTG) Imager 1 de l’agence européenne Eumetsat.
2) IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge) est un spectromètre IR qui mesure différents polluants gazeux (O3, CO, CO2, NH3). Trois IASI survolent la Terre depuis 2006 et établissent deux fois par jour une carte des polluants de la totalité de l’atmosphère.