Le bruit, une pollution aux impacts multiples

Le bruit rend non seulement malade (bien au-delà des seuls problèmes auditifs) mais il est aussi la cause de milliers de décès prématurés. En France, la lutte contre le bruit est financée à près de 80 % par les ménages qui, pour l’essentiel, assurent le traitement et le renforcement acoustique de leur logement, en curatif. Le reste se répartit entre les entreprises (17 %) et les administrations publiques (5 %). Mais une partie seulement des financements va vers la réduction à la source.

 

Un risque majeur pour la santé

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le bruit ambiant(1) est l’un des principaux risques environnementaux pour la santé physique et mentale et le bien-être et il contribue de manière significative à la charge de morbidité.

Un rapport publié fin juin par l’Agence européenne de l’environnement (AEE) indique que plus de 20 % des Européens (soit près de 112 millions de personnes) sont exposés à des niveaux de bruit dangereux pour la santé. Cela monte à 30 % (150 millions) si l’on tient compte des seuils fixés par l’OMS, les limites fixées par l’UE étant moins contraignantes que celles de l’OMS.

La source principale du bruit est le bruit des transports (routier, ferroviaire et aérien). Dans l’UE, le bruit des transports se situe au troisième rang des menaces environnementales sur la santé, derrière la pollution de l’air et les facteurs liés aux températures. Le bruit du transport routier affecte 92 millions d’Européens au delà du seuil de 55 dB (v. encadré Niveaux de bruit), contre 18 millions pour le bruit ferroviaire et 2,6 millions pour le bruit aérien.

 

La législation Bruit en 2025

En France, la Loi Bruit (1992) impose principalement de réaliser un classement sonore des voies et d’assurer la protection des riverains. Au niveau européen, la directive Bruit (2002) impose de cartographier le bruit et d’établir des plans de prévention des bruits dans l’environnement. Plus récemment, le Zero Pollution Action Plan adopté par l’UE en 2021 a fixé l’objectif de réduire de 30 % le nombre de personnes perturbées par le bruit des transports de manière chronique d’ici 2030 par rapport à 2017. Parvenir à ce niveau d’ambition va nécessiter de nouvelles mesures réglementaires et législatives.

 

 

Bruit des transports : quels effets ?

Le bruit causé par les transports affecte la santé des populations exposées de différentes manières : perturbation du sommeil (4,6 millions de personnes concernées au sein de l’UE), troubles de l’apprentissage de la lecture chez l’enfant (560 millions d’enfants), troubles du comportement (63 000), risque accru d’infarctus du myocarde, hypertension artérielle, obésité, aggravation des risques de désordres psychologiques comme la dépression ou l’anxiété…

Dans son rapport de juin 2025, l’AEE précise que, en 2021, près de 17 millions de personnes étaient gênées sur le long-terme et 4,6 millions souffraient de perturbations graves du sommeil. Elle indique aussi que 2021 a vu l’apparition de 22 000 nouveaux cas de diabète de type 2 et de 50 000 nouveaux cas de maladies cardiovasculaires, que la pollution sonore liée aux transports a entraîné la perte d’1,3 million d’années de vies en bonne santé(2) et que près de 66 000 morts prématurées sont liées à une exposition de long-terme au bruit des transports.

 

Niveaux de bruit

Le niveau d’apparition des effets extra-auditifs du bruit se situe entre 40 et 50 dB(A) : gêne, fatigue, stress, troubles du sommeil, de l’humeur, des apprentissages et troubles cardiovasculaires. Le seuil de risque pour l’audition est estimé à 80 dB(A). Quant au seuil de douleur, il est estimé à 120 dB(A).

Dans ses lignes directrices de 2018, l’OMS recommande les seuils suivants :

– Trafic routier : – de 53 dB et – de 45 dB la nuit

– Trafic ferroviaire : – de 54 dB et – de 44 dB la nuit

– Trafic aérien : – de 45 dB et – de 40 dB la nuit

– Loisirs : – de 70 dB (cf. boîtes de nuit, festivals, etc.)

 

La dépense de lutte contre le bruit et les vibrations

En 2022, la dépense dédiée à la lutte contre le bruit et les vibrations s’est élevée à 3 milliards d’euros en France, soit à peine 5 % des dépenses totales de protection de l’environnement du pays (67,7 Mrd€). Près des deux-tiers (1,95 Mrd€) représentent des dépenses d’investissement et l’autre tiers (1,07 Mrd€) représente des dépenses courantes(3). Plus de 96 % (2,26 Mrd€) ont été consacrés à la construction de dispositifs de protection, 5 % (146 M€) à des dispositifs de prévention à la source et 1 % (23 M€) aux actions de mesure, contrôle et analyse.

Les ménages sont, de loin, les principaux contributeurs financiers de ces dépenses avec 2,36 Mrds€ (78%), suivis par les entreprises (502 M€, soit 17%) puis, loin derrière, les administrations publiques (166 M€, soit 5 %, avec 119 M€, i.e. 4 %, pour les collectivités et 47 M€, i.e. 1 % pour les ministères et les établissements publics nationaux). Les ménages ont consacré 2,2 Mrd€ au traitement et renforcement acoustique de leur logement et 0,1 Mrd au remplacement des silencieux des systèmes d’échappement de leurs véhicules. De leur côté, les administrations publiques (Etat et collectivités locales) financent des programmes de réduction du bruit (ex. : résorption de points noirs à proximité des infrastructures de transports) et proposent des avantages fiscaux (aides, crédits d’impôt pour les projets destinés au renforcement de l’isolation acoustiques des bâtiment).

 

Quelles solutions pour agir sur le bruit ?

Selon la classification européenne CEPA (Classification of Environmental Protection Activities), la lutte contre le bruit couvre les activités visant à réduire le bruit et les vibrations de voisinage et dans les lieux fréquentés par le public, l’installation et la gestion d’équipements anti-bruit / anti-vibration et l’adaptation des équipements et véhicules pour les rendre moins bruyants.

D’une manière plus spécifique, réduire à la source le bruit routier peut se faire principalement par un changement de motorisation (cf. moteur électrique), un changement de revêtement des routes ou une optimisation de la vitesse du trafic. Cela peut aussi se faire par le biais d’une modification de la propagation acoustique avec un obstacle entre la source et les riverains (bâtiment, écran acoustique, butte naturelle). Les opérations d’amélioration de l’isolation acoustique des bâtiments viennent en complément de ces actions.

Dans tous ces domaines, les professionnels continuent d’innover. C’est le cas par exemple de Paulstra SNC, spécialiste des solutions anti-vibratoires pour l’industrie, le ferroviaire, la marine, l’offshore et la défense. D’autres acteurs innovent également dans la mesure/contrôle qui constitue la première étape de toute action de gestion de la pollution sonore. Par exemple, l’entreprise Acoem EM propose des solutions d’analyse pour le contrôle en continu du bruit et vibrations et de la qualité de l’air pour les chantiers, les aéroports, les éoliennes, les tunnels, les ports, les smart cities. De son côté, Nexelec propose des détecteurs et capteurs intelligents pour la qualité de l’air et les paramètres d’ambiance dont le bruit. Ces différentes entreprises exposeront, avec d’autres, leurs solutions de gestion du bruit à Pollutec 2025, du 7 au 10 octobre à Lyon Eurexpo.

 

Une pollution peu traitée

A ce jour, la lutte contre le bruit est peu prise en compte par les pouvoirs publics. Pourtant, le bruit arrive en tête des préoccupations de plus d’un Français sur quatre (devant les déchets dans l’espace public et la pollution de l’air, de l’eau et des sols)(4). Qui plus est, le coût social du bruit en France serait de 147 milliards d’euros par an selon une étude Ademe/CNB de 2021. De même, le coût annuel de la seule pollution sonore liée aux transports en UE serait de 95,6 milliards d’euros selon le dernier rapport de l’AEE.

En plus de ses effets sanitaires, la pollution sonore peut entraîner d’autres conséquences d’ordre économique comme, notamment, une perte de productivité au travail ou encore un risque de dévalorisation foncière d’un bien. Pour la Commission européenne, chaque euro dépensé dans des mesures dédiées au bruit permettrait de rapporter dix euros en termes de bénéfices sociaux. Il est temps de s’y mettre vraiment…

 

1) Pour l’OMS, le bruit ambiant a différentes sources environnementales : transports, industrie, éoliennes et activités de loisirs (ex. : musique amplifiée). Il ne compte pas la pollution sonore sur le lieu de travail. La zone concernée ici est la région européenne de l’OMS.

2) Plus particulièrement, Bruitparif estime que le bruit fait perdre près de onze mois d’espérance de vie en bonne santé au sein de la zone dense francilienne.

3) Les dépenses d’investissement couvrent notamment le traitement acoustique des fenêtres et la construction d’écrans anti-bruit sur les réseaux de transports. Tandis que les dépenses courantes couvrent par exemple le remplacement des silencieux des véhicules et les dépenses de fonctionnement et d’entretien des équipements visant à réduire les nuisances (source : La dépense de lutte contre le bruit en 2022, SDES, Avril 2025).

4) Rapport d’information du Sénat sur la pollution sonore liée aux transports du 25 juin 2025 (Commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable).

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