Les maires, acteurs clés de la ville en transition

Aujourd’hui, après la tendance au « green bashing » et au « green blaming », l’heure est au « backlash écologique » : en gros, les politiques environnementales déjà adoptées font l’objet de remises en cause plus ou moins violentes… Pourtant, les enjeux tels que santé, climat, biodiversité et ressources sont toujours plus cruciaux et seront aux premiers rangs des priorités pour les futures municipales(1). Voici un aperçu des principaux points au cœur de l’actualité par grand domaine.

 

Les nombreuses compétences environnementales des maires

Les maires disposent de nombreuses compétences en lien avec les questions environnementales  (urbanisme, aménagement, planification, transports publics et scolaires, patrimoine, logement, habitat, déchets, eau & assainissement, énergie ou encore ports, voies d’eau & liaisons maritimes) et font en permanence l’objet d’impulsions réglementaires sur ces sujets. Leur rôle vis-à-vis de l’environnement est plus particulièrement mis en avant depuis le Grenelle de l’environnement en 2007 et, cette même année, l’AMF a élaboré la Charte des Maires pour l’Environnement enjoignant chaque maire à la signer(2).

Depuis, de nombreux textes ont été adoptés mais certains, à l’exemple de la loi Climat & Résilience de 2021 qui a mis en place l’objectif ZAN, les ZFE(3) ou encore l’interdiction de louer des passoires thermiques sont aujourd’hui remis en question. Et cette réalité n’est pas que française : c’est aussi le cas au niveau européen.

Autrement dit, alors que la planète fait face à une triple crise (pollution et déchets, perte de biodiversité, changement climatique) dont les conséquences deviennent de plus en plus tangibles, on assiste à des marches arrières sur des sujets qui , auparavant, avaient connu de réelles avancées. En parallèle, deux tendances s’affrontent parmi les citoyens, entre ceux qui critiquent l’action et ceux qui reprochent l’inaction… Par conséquent, le maire, qui représente l’élu le plus proche des citoyens, doit en permanence trouver un équilibre et le tout, en mêlant le court terme, le moyen terme et le long terme. La tâche n’est donc pas facile d’autant que, sur l’ensemble des 34 875 maires qui seront élus l’année prochaine, une très grande majorité ne disposent pas d’un adjoint dédié à la transition écologique et doivent gérer eux-mêmes tous ces aspects.

Les principaux freins

Selon une enquête(4) menée auprès de 500 élus en été 2024, les élus se heurtent à plusieurs freins pour mener leurs projets de transition écologique (2 réponses possibles). Au premier rang figure le manque de financements (68 %). Puis viennent la complexité des dispositifs d’aide (38 %), les normes trop contraignantes (29 %) et le manque d’expertise technique au sein de la collectivité (18 %). D’autres difficultés sont citées comme la priorité donnée à d’autres thématiques (12 %), le manque de certitude sur l’efficacité des projets (11 %), l’opposition de la population (9 %), le lobbying de parties prenantes (6 %) et l’opposition politique (4%).

Des aides et soutiens

Face à cela, l’Ademe propose une soixantaine de dispositifs d’aide pour les collectivités et administrations dont des aides financières (ex. : fonds chaleur, fonds économie circulaire, fonds vert, France 2030…) et des dispositifs de soutien comme Elus pour agir, un réseau d’élus référents dans les domaines de la transition écologique et énergétique (3 500 membres dont 60 % sont issus de communes de moins de 5 000 habitants), le programme Plus fraîche ma ville ou encore le programme Territoire Engagé Transition Ecologique (v. encadré). L’Agence propose également la Mission Adaptation en vue d’accompagner les collectivités locales dans leur adaptation face aux effets du changement climatique. Cette offre unifiée d’ingénierie de l’État créée avec plusieurs autres opérateurs(5) rassemble toutes les offres publiques destinées aux collectivités ne disposant pas des compétences internes pour construire une analyse de vulnérabilité et la stratégie d’adaptation qui en découle.

 

Le programme Territoire Engagé Transition Ecologique (TETE)

Lancé en 2021 par Territoires en transitions, startup d’Etat portée par l’Ademe et l’ANCT, le programme TETE est une démarche de planification et un programme d’actions permettant de définir, mettre en œuvre et piloter le projet de transition écologique des collectivités territoriales, l’idée étant de structurer, évaluer et valoriser leurs différentes actions. Cela comprend la réalisation d’un état des lieux et l’élaboration d’un plan d’action, le tout dans une démarche collaborative. Les collectivités bénéficient d’une offre-socle comprenant deux référentiels d’actions (Climat – Air – Energie et Economie Circulaire) et des services sur mesure comprenant une mise en réseau avec d’autres collectivités engagées, des formations, un accompagnement personnalisé, un soutien financier et une reconnaissance grâce à une labellisation.

 

Les sujets au cœur de l’actualité des collectivités par grand domaine

Le domaine Produire et consommer couvre principalement la question de la préservation des ressources. Par exemple, pour la ressource eau, les préoccupations actuelles portent notamment sur le traitement des micro-polluants et le développement de la réutilisation des eaux usées traitées (ou Reut). Pour les sols, il s’agit essentiellement de restaurer leur santé. Pour l’énergie,  l’objectif est toujours de contribuer à maîtriser les consommations. Et concernant l’alimentation en ville, une grande tendance est au « manger bon, sain et local ».

Le domaine Aménagement, bâtiment, logement est aujourd’hui particulièrement marqué par la valorisation des friches (optique de sobriété foncière), par la construction bas carbone et par la rénovation des bâtiments et de l’habitat. A cet égard, le réseau SCET a publié en avril 2025 un guide sur la réduction de l’empreinte carbone des projets d’aménagement, en partenariat avec Efficacity et le CSTB. Notons par ailleurs l’apparition de la notion de « parkings perméables », parkings capables d’infiltrer les eaux de pluie.

Le domaine Transports et déplacements est toujours marqué par le développement des mobilités douces (infrastructures pour vélos ou piétons) et du transport collectif propre et par la logistique urbaine durable (livraisons « dernier km » par des véhicules à moindre impact). La notion de « ville du quart d’heure » (ville où l’on trouve toutes les fonctions essentielles à moins 15 minutes) tend à se développer.

Le domaine Biodiversité en ville est toujours fortement axé sur la végétalisation urbaine (création d’espaces verts, développement de zones ombragées avec plantation d’arbres…) afin de « ramener la nature en ville ». Selon une étude publiée en juin 2024(6), les espaces de nature en ville ont évité 275 000 pathologies et sauvé 22 000 vies en 2023. Les démarches  d’agriculture urbaine tout comme le développement de forêts urbaines s’inscrivent également dans les tendances actuelles.

En matière de santé, la question des déchets (réduction, valorisation) et celle de la pollution de l’air, de l’eau et des sols demeurent toujours d’actualité avec, en particulier, les émissions de particules fines liées aux transports ou au chauffage et les rejets de PFAS dans l’eau et les sols. De même, les plastiques, les pesticides et les mégots constituent toujours des enjeux majeurs au sein des villes.

Le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique est particulièrement axé aujourd’hui sur la production d’énergies renouvelables (géothermie, biomasse) ou bas carbone (hydrogène), la décarbonation et l’autoconsommation collective solaire. Sans oublier la question de l’adaptation qui devient de plus en plus prégnante (ex. : lutte contre les îlots de chaleur, gestion du trait de côte pour les communes littorales…).

S’agissant de la prévention et gestion des risques, outre les risques liés aux produits chimiques ou les risques Natech au sein de la commune, les collectivités sont toujours plus concernées par les risques climatiques ou risques naturels accentués par le dérèglement climatique : inondations, vagues de chaleur et canicules, retrait-gonflement d’argile, feux, tempêtes, risque de submersion sur le littoral, risque d’origine glaciaire et périglaciaire en montagne(7). En parallèle, la question de l’assurabilité des collectivités devient cruciale.

Enfin, un autre enjeu prend de l’ampleur ces dernières années : il s’agit de la délinquance environnementale. Par exemple, de plus en plus de maires sont confrontés à des dépôts sauvages de déchets avec, en corollaire, la question de savoir qui paie.

 

Comment s’y prendre face à tous ces enjeux ?

En novembre 2023, le Sénat a adopté un rapport d’information « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité ». Même s’il était plus spécifiquement axé sur le dérèglement climatique, ce rapport posait de bonnes questions qui peuvent s’appliquer à l’ensemble des enjeux environnementaux. Par exemple, comment repérer les vulnérabilités sur lesquelles il faut intervenir en priorité ? Comment identifier, lancer ou accélérer des projets favorables à l’environnement ? Comment concilier les urgences du quotidien et la demande sociale avec des enjeux de long terme ? Comment organiser et mobiliser son administration pour que les objectifs entrent dans les pratiques ? Comment trouver les relais et les échos dans son territoire pour entraîner les autres acteurs dans une dynamique vertueuse ?

Les élus interrogés ont énoncé plusieurs messages clés à destination des maires. Ainsi par exemple, ils préconisent de former et sensibiliser tous les acteurs. Ils considèrent essentiel d’amplifier la lecture des enjeux, de territorialiser et de s’approprier les sujets à l’échelle de son territoire. Ils conseillent de commencer par des projets concrets pour engager une dynamique puis, progressivement, viser une démarche globale (systémique). Et ils insistent sur la nécessité de rechercher la coopération avec les autres acteurs.

 

1) A côté des questions de sécurité / délinquance et des questions liées à l’école.

2) Lancée en 2007, cette charte se décline en six axes qui restent plus que jamais au cœur de l’actualité : promouvoir la sobriété énergétique, économiser les ressources, lutter contre les changements climatiques ; maîtriser l’urbanisme et diversifier l’offre de transports publics ; préserver les ressources naturelles ; protéger la biodiversité ; conjuguer environnement et santé ; mener des politiques municipales écologiquement responsables.

3) Objectif ZAN (zéro artificialisation nette) contre l’étalement urbain, ZFE : zones à faibles émissions (pour préserver la qualité de l’air).

4) Les élus face à la transition écologique : chiffres clés du baromètre de l’Ademe, in « Les représentations sociales du changement climatique des Français, 25e vague du baromètre », octobre 2024.

5) Agences de l’Eau, Cerema, Météo France, Office Français de la Biodiversité, Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires et Banque des Territoires

6) Etude Asterès, juin 2024, pour l’Unep, Union nationale des entreprises du paysage.

7) Le ROGP lié à l’accélération de l’évolution des glaciers et des terrains et parois tenus par le gel fait l’objet d’une stratégie interministérielle de prévention 2024-2026, avec plan d’action dédié.

 

Sans définition officielle, voici une proposition synthétique :

Green bashing : tendance à ridiculiser les pratiques, comportements et opinions écologistes

Green blaming : tendance à faire de la transition écologique la responsable de tous nos maux (ex. : « tout ce qui va mal est de la faute de l’écologie »)

Backlash écologique : tendance à remettre en cause les politiques environnementales déjà adoptées (cf. dé-priorisation de l’écologie »).

 

Pour aller plus loin

20 novembre 2025
Les applications satellitaires destinées à l’observation de la Terre ne sont pas nouvelles - Meteosat(1) par exemple aura 50 ans en 2027 - mais elles connaissent actuellement des évolutions considérables.
14 novembre 2025
La Commission a dévoilé les lauréats du dernier appel à projets du Fonds pour l’innovation européen dédié à la décarbonation. La France arrive en tête avec 14 projets lauréats portés par des entreprises françaises ou implantées en France.
Si aujourd’hui l’accent est fortement mis sur les risques climatiques dans les villes et territoires, les risques liés aux pollutions industrielles restent une question majeure. ans ce domaine, les élus locaux se trouvent souvent seuls et démunis pour répondre aux attentes de leurs administrés.