Alors que l’attention est largement focalisée sur le changement climatique, il convient de ne pas oublier l’autre défi planétaire que constitue la pollution de l’air. En Europe par exemple, même si les émissions de polluants atmosphériques ont globalement baissé entre 2000 et 2018, elle reste toujours trop élevée dans la plupart des pays(1). Même l’année 2020, pourtant marquée par un net ralentissement des activités humaines (ou ‘anthropause’), a connu des dépassements. Mais ces dépassements portent sur des valeurs fixées il y a près de vingt ans et, depuis, les connaissances sur les impacts sanitaires des polluants ont fortement évolué. De fait, d’importantes révisions sont menées pour être en phase avec ces avancées. Cela signifie-t-il qu’il va falloir revoir les données et bilans qui nous sont régulièrement proposés ?

En 2019, vingt des 28 Etats membres de l’UE enregistraient des dépassements pour un ou plusieurs polluant(s) dont les particules (PM10 et PM2,5), le dioxyde d’azote (NO2) l’ozone (O3) et le benzo(a)pyrène. L’Europe centrale et orientale est marquée par des concentrations en particules (PM10 et PM2,5) du fait notamment de l’utilisation de combustibles solides. L’Europe du Sud est plus concernée par l’ozone troposphérique lié aux réactions entre polluants de type NOx et COV et périodes de chaleur. Et, plus  généralement, les grandes villes connaissent des pollutions aux oxydes d’azote essentiellement dus aux transports.

 

Les seuils de référence revus à la baisse

Au niveau mondial, les valeurs limites sont extrêmement disparates selon les pays, quand elles ne sont pas inexistantes. Selon le PNUE, un pays sur trois dans le monde n’encadre pas la qualité de l’air extérieur par une loi ou des normes et certains des pays qui ont mis en place des seuils n’imposent pas d’obligation de les respecter(2).

 

De nouvelles lignes directrices par l’OMS

Pour s’aligner sur l’évolution des connaissances relatives aux impacts et aux processus d’émission, de formation et de transport des polluants atmosphériques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le 22 septembre de nouvelles lignes directrices en matière de qualité de l’air. Les seuils de référence dont la dernière révision datait de 2005 ont été abaissés pour six polluants : particules en suspension (PM10 et PM2,5), ozone (O3), dioxyde d’azote (NO2), dioxyde de soufre (SO2) et monoxyde de carbone (CO) et, en parallèle, de nouvelles métriques ont été introduites. Ainsi notamment, la valeur seuil de la moyenne annuelle de particules fines (PM2,5) a été divisée par deux : 5 µg/m³ contre 10 µg/m³ en 2005. Celle concernant le dioxyde d’azote a, elle, été divisée par quatre : 10 µg/m³ contre 40 µg/m³ en 2005 et une valeur seuil relative à la moyenne journalière a été définie. De plus, la notion de pic saisonnier a été introduite pour l’ozone sur la base d’une moyenne sur six mois des maxima quotidiens de concentration. Ceci permet plus de précision que les seules moyennes annuelles, l’O3 se formant en période de chaleur et de fort ensoleillement.

 

Une révision des directives européennes

De son côté, l’UE vient de lancer le processus de révision de ses directives Qualité de l’air 2004/107/CE et 2008/50/CE portant sur les règles de surveillance, la gestion et l’évaluation de la qualité de l’air pour 13 polluants et les normes applicables. L’objectif est triple : il s’agit de réviser les normes européennes pour les aligner sur les valeurs guides de l’OMS (ces normes sont aujourd’hui moins strictes que les valeurs 2005 de l’OMS qui viennent d’être abaissées). Il s’agit aussi d’améliorer le cadre législatif (modification des dispositions liées aux sanctions et pénalités, harmonisation de l’information du public) et de renforcer la surveillance, la modélisation et les plans relatifs à la qualité de l’air. Ce dernier point inclut la possibilité d’étendre la surveillance à d’autres polluants non encore couverts, à l’exemple de l’ammoniac. L’adoption de la nouvelle directive est prévue pour le 3e trimestre 2022.

De même, le Protocole de Göteborg doit lui-aussi être révisé courant 2022. Ce protocole, élaboré dans le cadre de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (Europe et ONU),   préfigure les objectifs de l’UE définis dans la directive sur les plafonds nationaux d’émissions, dite « directive NEC » pour National Emissions Ceilings.

 

Quels impacts ?

D’une manière globale, l’Inéris estime que les nouvelles valeurs proposées par l’OMS augmentent significativement la part de la population française et européenne exposée à des dépassements. Plus précisément, avec les niveaux de pollution estimés de 2019, l’ensemble du territoire français serait exposé à des dépassements de la nouvelle valeur seuil pour la moyenne annuelle de particules fines (PM2,5). Et plus des trois-quarts de la population française se retrouveraient exposés à des dépassements du nouveau seuil pour la moyenne annuelle de dioxyde d’azote (NO2).

En France, l’ANSES(3) a formulé un avis dans lequel elle propose de « revoir à la baisse les seuils d’information et d’alerte en cas de pics de pollution pour garantir une meilleure protection de la santé des populations ». Elle estime aussi que « l’indice européen ‘European Air Quality Index’ et l’indice ATMO français mériteraient également d’être révisés à l’aune des nouvelles valeurs publiées par l’OMS ».

En attendant, une analyse de l’AEE publiée le 15 novembre(4) montre qu’améliorer la qualité de l’air selon les dernières valeurs-limites fixées par l’OMS aurait pu empêcher 178 000 des 307 000 décès prématurés liés à l’exposition aux particules fines enregistrés en UE en 2019, soit plus de la moitié.

 

Pollution atmosphérique : quel coût pour la société ?


La pollution de l’air nuit à notre santé (cf. effets immédiats ou chroniques, allant de l’altération de notre système respiratoire à la mort prématurée) et à notre environnement (acidification, eutrophisation, dommages aux cultures). Or tout ceci a un coût. L’Agence européenne de l’environnement a évalué que la pollution atmosphérique liée à l’industrie a coûté à la société entre 277 et 433 milliards d’euros en Europe en 2017. A eux-seuls, 211 sites (sur 11 655 analysés) seraient responsables de la moitié de ces coûts et sur les trente premiers, 24 sont des centrales thermiques. De telles estimations de coûts seraient également intéressantes pour les autres principaux secteurs émetteurs comme les transports, l’agriculture, la production d’énergie ou la gestion des déchets.

 

1) « EEA briefing : Europe’s air quality status 2021 », Agence européenne de l’environnement (AEE), 21 septembre 2021.

2) « Réglementer la qualité de l’air : première évaluation mondiale de la législation sur la pollution de l’air », Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), 2 septembre 2021.

3) « Avis relatif à la modification des seuils de déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant », Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), 30 septembre 2021.

4) « EEA briefing : Health impacts of air pollution in Europe », Agence européenne de l’environnement (AEE), 15 novembre 2021.

 

Lire aussi  : Une nouvelle ère pour la qualité de l’air ?

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