Dans le domaine de la gestion des eaux, la filière des filtres plantés de roseaux (FPR) est en place depuis près de trente ans en France. A l’origine destinée au seul traitement des eaux usées, elle est depuis également utilisée pour la gestion des eaux de pluie et la prévention des inondations. S’il s’agit d’une solution fondée sur la nature (elle est directement inspirée du fonctionnement des zones humides), il n’en demeure pas moins que les installations évoluent et sont sujettes au vieillissement.
Qu’est-ce qu’un filtre planté de roseaux ?
Un filtre planté de roseaux répond à un principe simple : faire circuler les eaux à traiter à travers une couche de matériau filtrant dans laquelle se développent des bactéries (biomasse épuratrice) et des végétaux. Il permet donc d’améliorer la qualité de l’eau par filtration et dégradation des polluants. Constitué d’un bassin rempli d’un substrat minéral planté de roseaux, cet aménagement le plus souvent en deux étages peut soit être étanche, soit permettre l’infiltration selon le contexte. Il est souvent couplé à d’autres ouvrages comme un bassin de décantation à l’amont ou une zone de rejet à l’aval.
Comment fonctionne-t-il ?
Le FPR contribue à l’épuration de l’eau par la combinaison d’un substrat (gravier ou sable), des roseaux (à travers leur système racinaire) et des micro-organismes qui s’y déposent. Il existe deux types de filtres selon le type d’arrivée de l’eau : le filtre à écoulement vertical (souvent associé à une filtration mécanique) et le filtre à écoulement horizontal. La dégradation de la pollution organique est assurée par les micro-organismes liés aux rhizomes et aux racines.
Les FPR offrent une bonne performance épuratoire(1), ne produisent pas de boues, ne génèrent pas d’odeurs et s’intègrent dans le paysage. Qui plus est, ils ont une faible consommation énergétique. En revanche, ils nécessitent une surface au sol importante et doivent faire l’objet d’opérations annuelles de contrôle et d’entretien parmi lesquelles le « faucardage » des roseaux (coupe qui permet d’apporter de l’oxygène) et le curage du système.
Quel vieillissement de la filière ?
Aujourd’hui, pas moins de 4 620 installations de FPR sont recensées en France (soit près de 20 % du parc des stations d’épuration du pays). Elles constituent la technologie de traitement des eaux usées la plus répandue en milieu rural, notamment pour les petites et moyennes collectivités de 50 à 4 500 équivalents-habitants.
En 2019, l’Agence française pour la biodiversité a mandaté le groupe national EPNAC spécialisé dans la gestion intégrée des eaux urbaines dans les petites et moyennes collectivités afin d’étudier le vieillissement de la filière FPR et les éventuels dysfonctionnements observés, le tout dans un objectif d’optimisation de la durée de vie des installations et d’anticipation des besoins en renouvellement et en réhabilitation(2).
Cette étude précise avant tout la différence entre encrassement et colmatage. L’encrassement dû à la formation d’un dépôt sur le filtre est normal. Il se traduit par une réduction progressive de la porosité mais n’entraîne pas de dysfonctionnement du système. En revanche, le colmatage qui, lui, correspond à un encrassement trop rapide, se caractérise par une réduction des capacités d’infiltration, ce qui conduit à des dysfonctionnements pouvant entraîner des surverses mais aussi au non-respect des normes de rejet. Selon les auteurs de l’étude, « ce colmatage prématuré est très problématique car les exploitants ont peu de solutions pour résoudre le problème, à part attendre ou réaliser un curage anticipé coûteux ». Pour eux, « des efforts doivent encore être menés pour comprendre les mécanismes de mise en place de ces colmatages et développer aussi bien des stratégies préventives (développement d’indicateurs, capteurs, etc.) que des solutions curatives moins onéreuses que le curage ».
Différents types de dysfonctionnements
Les dysfonctionnements relèvent de trois types principaux. Ils peuvent être liés à la conception même du système, en particulier au niveau des drains ou de la distribution de l’effluent. Ils peuvent être dus à la gestion de l’installation (végétaux utilisés et tâches d’entretien associées). Enfin, les dysfonctionnements peuvent être causés par la nature de l’effluent d’entrée, essentiellement en cas d’épisodes de surcharge hydraulique sur des périodes longues.
Quelques pistes envisagées
Pour faire face aux problèmes liés aux surcharges hydrauliques, il serait opportun d’ajuster les recommandations dans le domaine et les ouvrages nécessaires, en particulier les « by-pass », dispositifs de circuit parallèle. De même, un suivi en continu sur un échantillon représentatif de stations pourrait aider à quantifier ces surcharges.
En parallèle, anticiper les besoins en renouvellement et en réhabilitation doit passer par une bonne compréhension et quantification de la vitesse d’encrassement des FPR. Ceci nécessite des travaux de recherche supplémentaires, en particulier sur les mécanismes d’encrassement et les paramètres constructifs dont ils dépendent. Cela implique aussi d’envisager les technologies et procédures qui seront nécessaires pour mener à bien ces opérations de remplacement ou de réhabilitation. Autrement dit, la filière FPR devrait prochainement connaître de nouvelles évolutions.
1) Bonne performance épuratoire sur les MES (matières en suspension), la DCO (demande chimique en oxygène) et la DBO5 (demande biologique en oxygène sur 5 jours).
2) « Etude du vieillissement des filtres plantés de roseaux », Décembre 2019, IRSTEA, AFB.
A lire : Les eaux usées : qu’est-ce que c’est et comment sont-elles traitées ?