Face aux enjeux cruciaux auxquels l’océan est confronté, la France a organisé début février un One Ocean Summit sur le modèle du One Planet Summit. L’idée était « de relever le niveau d’ambition de la communauté internationale sur les sujets maritimes et de traduire en actions concrètes notre responsabilité partagée sur l’océan ». Qu’en est-il ressorti exactement ?

Les océans abritent une diversité biologique phénoménale, ils fournissent ressources et services, produisent plus de 50 % de l’oxygène de la planète et constituent un régulateur essentiel du climat par leurs échanges continus avec l’atmosphère. Mais comme les zones côtières, ils font face à une surexploitation de leurs ressources, à divers types de pollutions dont celle des plastiques et aux effets du changement climatique aux premiers rangs desquels figurent l’élévation du niveau de la mer et son acidification. Si de nombreuses initiatives existent, peu d’entre elles font l’objet d’une action globale et concertée. Ce sommet avait pour ambition de « renforcer la coopération pour une alliance durable avec l’océan ».

 

Des engagements de la part des États…

Ce rendez-vous international a débouché sur une série d’engagements nationaux, bilatéraux et multilatéraux (« Les engagements de Brest pour l’océan »)(1) regroupés en quatre domaines : protéger la biodiversité et les ressources, agir contre le changement climatique, lutter contre la pollution plastique et installer l’océan au cœur de l’agenda politique international.

S’agissant de la biodiversité et des ressources, ce sont désormais 84 pays qui portent l’objectif de protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030 avec, en particulier, le développement d’aires marines protégées. Par ailleurs, 16 pays ont rejoint les 27 de l’UE pour œuvrer sur un accord lié à l’utilisation durable de la haute mer et la protection de sa biodiversité. Enfin, 14 pays se sont engagés à renforcer la lutte contre la pêche illégale.

 

L’océan : plus grand biome de notre planète


Une équipe de chercheurs internationaux dont le CNRS s’est récemment penchée sur la biodiversité eucaryote dans l’océan global. Leurs analyses révèlent trois aspects fondamentaux :

1) Les sédiments marins abyssaux contiennent au moins trois fois plus de biodiversité que les masses d’eaux océaniques ;

2) La biodiversité constitue un facteur clé du transfert et du stockage du carbone atmosphérique au fond de l’océan pour des millénaires ;

3) Les fonds marins présentent un intérêt considérable en tant que réservoir de biodiversité et archive moléculaire de l’histoire de notre planète.

Des conclusions à garder à l’esprit à l’heure où l’exploration / exploitation des grands fonds fait l’objet de nombreuses annonces.

En savoir plus : Science Advances (vol. 8, n°5) du 4 02 2022  : Patterns of eukaryotic diversity from the surface to the deep-ocean sediment (science.org)

 

Pour faire face au changement climatique et à la pollution de l’air, 35 acteurs dont 18 grands ports de plusieurs pays se sont engagés à accélérer l’électrification des quais d’ici 2028, en particulier pour les navires de croisière et les porte-conteneurs (cf. « Engagement commun des acteurs portuaires pour la réduction de l’impact environnemental des escales avec le soutien des ministres »). Les pays méditerranéens ont demandé la création d’une zone à faible émission de soufre sur toute la Méditerranée au 1er janvier 2025. Certains d’entre eux – Espagne, France, Italie, Monaco – ont également plaidé pour la réduction des vitesses. De leur côté, la France et la Colombie ont lancé une « Coalition internationale pour le carbone bleu » devant permettre de contribuer au financement de la restauration d’écosystèmes côtiers sur la base de méthodologies communes.

En parallèle, 22 armateurs européens se sont engagés dans le label Green Marine Europe qui comprend des mesures dans huit domaines : émissions de GES, émissions atmosphériques, recyclage des navires, gestion des matières résiduelles, rejets huileux, espèces envahissantes, bruit sous-marin.

Concernant les pollutions plastiques, la BERD a rejoint la BEI et les banques de développement d’Allemagne, d’Espagne, de France et d’Italie engagées depuis 2018 dans l’initiative « Clean Oceans » destinée à financer le nettoyage de rivières et de villes côtières. Avec les 2 Md€ supplémentaires apportés, l’initiative voit son objectif doubler, passant à 4 Md€ d’ici 2025. De même, de nouveaux pays et acteurs territoriaux (Colombie, Corée du Sud, Grèce, Italie, région maritime de Grèce centrale et Ville de Paris) ont rejoint l’Engagement mondial pour une nouvelle économie des plastiques lancé par la Fondation Ellen MacArthur et le PNUE également en 2018. Ce « New Plastics Economy Global Commitment » compte déjà 500 signataires dans le monde, dont 250 entreprises. Par ailleurs, l’Inde et la France ont engagé une initiative sur l’élimination de la pollution due au plastique à usage unique.

La question des décharges littorales présentant un risque de rejets en mer a également été abordée. Une récente étude internationale menée avec le BRGM(2) montre le nouveau défi majeur qu’elle constitue dans de nombreux pays. La France s’est engagée à résorber dans les dix ans les 55 décharges présentant un fort risque à court terme. Un plan national dédié devait être présenté le 18 février.

Au final, une centaine de pays issus de tous les bassins maritimes et représentant plus de la moitié des zones économiques exclusives mondiales ont contribué aux « Engagements de Brest pour l’Océan », aux côtés d’António Guterres, secrétaire général de l’ONU, d’Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO et de Kitack Lim, secrétaire général de l’Organisation maritime internationale. Notons d’ailleurs que le Costa Rica et la France ont proposé d’organiser ensemble la prochaine conférence des Nations unies sur l’océan en 2024.

 

…et des actions concrètes

Le One Ocean Summit a également été l’occasion, pour les acteurs du fonds Blue Ocean, d’annoncer un renforcement de leur fonds. Lancé en septembre 2021 avec un premier closing de 52 M€, Blue Ocean a pour ambition de financer de 20 à 25 startups européennes qui développent des solutions contribuant à régénérer l’océan. Les solutions susceptibles d’être soutenues doivent répondre aux enjeux de surpêche (ex. : aquaculture durable), de pollution (ex. : alternatives au plastique à usage unique) et de changement climatique (ex. : énergies marines renouvelables, décarbonation du transport maritime). Les investissements apportés notamment par l’Ifremer, Bpifrance et des acteurs institutionnels mutualistes contribuent à porter à 95 M€ la capacité d’investissement, l’objectif étant d’atteindre 120 M€. À début février 2022, Blue Ocean soutient déjà la startup norvégienne Optoscale qui développe des caméras pour l’aquaculture.

Autre annonce à suivre : la France devrait créer un Institut national pour la transition éco-énergétique du maritime. Sur le modèle des ITE (plates-formes interdisciplinaires dans le domaine des énergies décarbonées, ex-IEED), cet institut I-T2EM rassemblera les compétences de l’industrie et de la recherche publique pour favoriser la décarbonation du maritime, en particulier via le développement industriel de navires « zéro émission ». Il concrétisera la dynamique de la coalition T2EM lancée en 2019 par le Cluster Maritime Français, le ministère de la Mer et l’Ademe. Nous y reviendrons plus en détails dans un prochain article.

 

(1) Liens directs (français et anglais) : 2022.02.11_Les_engagements_de_Brest_pour_l_Ocean.pdf (ecologie.gouv.fr) ou 2022.02.11.Brest_commitments_for_the_Oceans.pdf (ecologie.gouv.fr)

(2)  Frontiers in Marine Science, 30 09 2021, Décharges côtières et élévation du niveau de la mer : un défi pour le 21e siècle. Lien : Frontiers | Coastal Landfills and Rising Sea Levels: A Challenge for the 21st Century | Marine Science (frontiersin.org). Les études de cas ont été menées en Europe (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni) et aux Etats-Unis (Floride). A noter également : le BRGM doit publier courant 2022 un guide pour la réhabilitation des décharges littorales destiné aux autorités locales.

 

Lire aussi  : Premier rapport environnemental sur le transport maritime européen

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