L’agriculture est un secteur complexe qui, à la fois, dépend de l’environnement et des conditions météorologiques mais a aussi de nombreux impacts sur eux. L’Europe se fixe trois objectifs majeurs dans le domaine : rendre l’agriculture et les systèmes alimentaires plus durables, renforcer la résilience face aux crises et rendre les denrées alimentaires saines et abordables. Les principales voies pour y parvenir sont déjà connues, parfois depuis longtemps.
Un secteur aux enjeux multiples…
Le secteur agricole (culture, élevage, viticulture, horticulture, aquaculture et sylviculture) vise à produire une alimentation saine et suffisante. Mais il doit le faire en préservant les ressources (eau, sols, biodiversité), en réduisant sa dépendance aux fossiles et en contribuant à préserver la qualité de l’air, à réduire les risques pour la santé des travailleurs, à atténuer les émissions de GES et à s’adapter aux dérèglements climatiques. Le cahier des charges est donc particulièrement exigeant.
… et aux impacts variés
L’agriculture utilise différents intrants (agrofournitures) comme les engrais (fertilisants), les produits de protection des cultures (phytosanitaires ou pesticides tels que herbicides, fongicides, insecticides), les produits de nettoyage et de désinfection, les additifs pour l’alimentation animale, etc. Ces intrants se retrouvent dans les effluents agricoles et peuvent ensuite partir dans les sols, les nappes, les cours d’eau jusqu’à l’océan. L’agriculture est fortement émettrice d’ammoniac (NH3) et compte parmi les principaux émetteurs de composés organiques volatils non méthaniques (COV NM). Elle émet aussi des particules en lien notamment avec le labour, les moissons et la gestion des volailles en bâtiment. Notons aussi que des pesticides peuvent aussi se retrouver dans l’air (cf. étude Pestiriv dévoilée mi-septembre montrant la présence de substances dans l’air des zones viticoles).
Des pratiques agricoles plus durables
Face à tout cela, il importe de mettre en place un système qui reste dans les limites planétaires en matière de ressources naturelles (eau, sols, nutriments), de biodiversité et de climat. Plusieurs voies existent dont une grande part relève de démarches volontaires.
Certaines actions permettant de rendre le secteur agricole plus durable ne sont pas nouvelles. C’est le cas par exemple des couverts végétaux en inter-culture longue, de l’optimisation de la gestion des prairies, de l’implantation d’arbres (haies), de la valorisation des engrais organiques ou encore de l’optimisation de la gestion des effluents d’élevage pour l’épandage.
Certaines sont inscrites dans les textes de type plans d’action ou stratégies. Ainsi par exemple, le Pacte vert entend réduire de 50 % l’utilisation des pesticides chimiques en général et les risques qui leur sont associés et réduire de 50 % l’utilisation des pesticides les plus dangereux d’ici 2030. Il stipule aussi que, d’ici 2030, au moins 25 % des terres agricoles de l’UE seront affectées à l’agriculture biologique, que la part de l’aquaculture biologique sera nettement augmentée, que les ventes d’antimicrobiens destinés aux animaux d’élevage et à l’aquaculture seront réduites de 50 % et que la perte en valeur nutritive sera réduite d’au moins 50 % tout en veillant à ce que la fertilité des sols ne se détériore pas. Cela devrait entraîner une baisse du recours aux engrais d’au moins 20 % d’ici 2030.
En parallèle, pour permettre à la politique agricole commune d’atteindre les objectifs du Pacte vert, l’UE a mis en place de nouveaux instruments – les « programmes écologiques » – que les pays de l’UE doivent définir dans leurs plans stratégiques relevant de la PAC. Pour pouvoir bénéficier de programmes écologiques, les pratiques agricoles devront couvrir des activités liées à l’environnement, au climat ainsi qu’au bien-être animal et à la résistance aux anti-microbiens. Elles devront être définies sur la base des priorités et besoins recensés au niveau national et régional. Plus généralement, elles devront viser à dépasser les exigences et obligations établies dans le cadre du scénario de référence et devront contribuer à réaliser les objectifs du Pacte vert.
Des pratiques déjà établies et d’autres à développer
L’UE compte deux pratiques bien établies dans ses instruments d’action : les pratiques d’agriculture biologique et les pratiques de lutte intégrée contre les ennemis des cultures. L’agriculture biologique utilise des ressources naturelles et renouvelables, met en place des méthodes préventives, restreint le nombre d’additifs autorisés et interdit le recours aux pesticides, aux engrais de synthèse et aux OGM. Une récente étude sur la quantification des externalités de l’agriculture biologique menée en France par l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (ITAB) a montré le rôle déterminant de l’agriculture biologique dans le diminution des externalités négatives de l’agriculture, ce qui permet notamment d’éviter des coûts liés à des actions curatives(1).
Principaux résultats de l’étude ITAB 2024
Menée à travers l’analyse de quatre grands indicateurs (sols, biodiversité, climat et santé humaine), l’étude montre les apports suivants : Sols : réduction de 30 % à 55 % des résidus de pesticides dans les sols bio et vie du sol améliorée dans 70 % des cas. Biodiversité : + 23 % d’espèces différentes végétales et animales et + 32 % d’organismes vivants. Climat : jusqu’à – 50 % d’émissions de GES pour les cultures bio par unité de surface et entre 11 % et 35 % de carbone organique supplémentaire stocké dans les sols bio. Santé : moins d’exposition aux pesticides, moins d’additifs alimentaires et moins d’antibiotiques.
Quantification des externalités de l’agriculture biologique, ITAB, juin 2024
Deuxième pratique bien établie, la lutte intégrée contre les ennemis des cultures couvre les bandes tampons avec pratique de gestion etabsence d’utilisation de pesticides, la lutte mécanique contre les mauvaises herbes, l’utilisation accrue de variétés et d’espèces de cultures résilientes et résistant aux organismes nuisibles et la mise en jachère de terres avec composition d’espèces.
D’autres pratiques sont en structuration ou en développement. C’est le cas notamment de l’agroécologie (cf. biocontrôle, rotation et diversification des cultures…) et de l’agroforesterie ou agrosylviculture (intégration d’arbres ou de haies sur les parcelles) mais aussi de l’agriculture à haute valeur naturelle, l’agriculture de précision (basée sur les technologies numériques pour adapter au mieux les interventions et les doses), l’amélioration de la gestion des nutriments ou la protection des ressources hydriques.
Notons aussi que des certifications sont mises en place à l’image de la certification « Haute valeur environnementale » (HVE) en France qui concerne déjà plus de 38 000 exploitations du pays.
Un corollaire indispensable : l’évolution des modes de consommation
On l’a vu : tendre vers une agriculture durable passe par des choix de la part des exploitants (réduction des intrants, intégration de l’approche agroéologique…). Mais cela passe aussi, plus largement, par des choix de consommation : chacun peut décider d’intégrer plus de légumineuses, de diminuer le bœuf et le porc, ou simplement d’opter pour des produits locaux, bio, de saison et moins transformés. Car repenser nos modèles agricoles, c’est aussi repenser nos modes de consommation.
Une recherche dynamique
Cette année 2025 a vu la création d’une nouvelle alliance scientifique européenne, European Science Alliance for Agriculture & Food (ESAAF), qui regroupe cinq des principaux instituts européens en sciences agricoles : Aarhus University (Danemark), INRAE, Institut de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (France), Julius Kühn-Institut (Allemagne), Wageningen University & Research (Pays-Bas) et Warsaw University of Life Sciences (Pologne).
L’INRAE est par ailleurs pilote en France de la nouvelle agence de programme nationale Agralife (Agriculture et alimentation durables, forêts et ressources naturelles associées) créée en 2024 pour structurer la recherche agricole, alimentaire et environnementale. L’agence compte plusieurs groupes de travail (agriculture, forêt, cycle de l’eau, « Une seule santé ») et sa programmation 2025 est organisée autour des thèmes alimentation, élevages durables et sols vivants.
Bon à savoir
L’agriculture à l’honneur sur Pollutec
Pollutec 2025 met en avant l’agriculture toute la journée du 8 octobre, avec plusieurs interventions prévues (agrivoltaïsme, adaptation au changement climatique, certification carbone, Reut dans les champs, valorisation de déchets agricoles…). Outre des acteurs clés comme l’INRAE et les instituts Carnot, des exposants spécialisés seront présents pour présenter leurs solutions innovantes : Microterra (gestion des sols), Viewpoint (bio-surveillance de l’eau), NPHarvest Oy (valorisation de boues en fertilisants), Phytopro (additifs 100 % naturels et valorisant des déchets agricoles pour les élevages de poulets), sans oublier les professionnels de la méthanisation et du biogaz (Agraferm GmbH, BTS Biogas Srl GmbH, Charwood Energy, Evergaz…).