Les entreprises sont de plus en plus conscientes de la nécessité de prendre en compte la biodiversité dans leurs décisions. Mais jusque-là, il n’existait pas véritablement de cadre pour les guider et les accompagner. La norme ISO 17298 publiée en octobre vient pallier ce manque.
Le constat
Aujourd’hui, plus de 70 % des activités économiques en Europe dépendent directement ou indirectement de la préservation de la nature. A l’échelle de la planète, c’est plus de la moitié du PIB qui dépend des services rendus par la nature et la biodiversité(1). Mais l’état des écosystèmes terrestres, aquatiques et marins continue de se dégrader du fait de multiples pressions, de la surexploitation et de la perte de biodiversité, le tout accentué par les effets du changement climatique(2).
Les activités humaines exercent cinq types de pressions sur la biodiversité : changement d’usage des terres et des mers, surexploitation des ressources, pollutions, introduction d’espèces exotiques envahissantes et aggravation du changement climatique. Mais en parallèle, elles dépendent de la biodiversité à travers les services écosystémiques rendus par la nature pour leurs opérations.
Selon une estimation du Forum Mondial (World Economic Forum), la perte de biodiversité est un des risques mondiaux qui auront la croissance la plus rapide dans les dix prochaines années.
Des initiatives en place…
Depuis quelques années, plusieurs initiatives sont lancées à différentes échelles, à l’exemple des référentiels volontaires de type SBTn (Science-Based Targets for nature) et TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) ou encore du dispositif Act4Nature international.
- Le réseau SBTn reconnaît la nécessité de développer des méthodes et des orientations sur la fixation d’objectifs scientifiques pour la biodiversité, l’eau douce, la terre et les océans et propose aux entreprises et collectivités un guide en cinq étapes (estimation, priorisation, collecte, action, communication) pour protéger et restaurer ces biens communs mondiaux.
- La TFND vise à développer un cadre de reporting volontaire pour guider les entreprises dans la communication des informations pertinentes concernant leurs impacts sur la biodiversité et les risques et opportunités qui en découlent pour leur activité et leur performance financière.
Notons que, depuis 2025, les acteurs financiers et les grandes entreprises sont aussi concernés par la CSRD qui impose une obligation de reporting avec, entre autres, intégration de la biodiversité dans les activités.
- Le dispositif Act4nature mobilise les entreprises sur leurs impacts directs et indirects, leurs dépendances et sur leurs possibilités d’action favorable à la nature, l’idée étant de les engager dans l’action tout en nourrissant un cycle d’amélioration continue des processus pour une meilleure prise en compte de la biodiversité.
Jusque-là, ces diverses initiatives concernent surtout les grandes entreprises. Mais selon une étude du cabinet BL évolution spécifiquement axée sur les entreprises du CAC 40, si des avancées sont relevées (ex. : dans le luxe, la distribution ou l’industrie automobile), « aucune de ces entreprises n’a encore engagé de transformation de modèle économique fondée sur les principes d’évitement, de sobriété ou de régénération pourtant essentiels pour réduire les pressions à la source »(3).
… et désormais une norme pour passer à l’action
Au-delà de ces initiatives qui ont toutes leur intérêt propre, il manquait un plan directeur pour aider les structures à passer de l’intention à l’action. C’est tout l’enjeu de la norme spécifique publiée par l’ISO en octobre dernier.
Fruit de travaux initiés par AFNOR, la norme ISO 17298 aide les organisations de tout type et de toute taille à intégrer la biodiversité dans leur stratégie et leurs opérations. Elle leur fournit des lignes directrices communes pour protéger la nature tout en restant compétitives.
Plus précisément, elle apporte une feuille de route structurée et pratique pour évaluer les impacts, les dépendances, les risques et les opportunités liés à la biodiversité et pour construire et mettre en œuvre un plan d’action crédible, efficace et adapté tout en s’alignant avec les objectifs mondiaux (ex. : objectif 15 du Cadre mondial de Kunming-Montréal).
Première norme internationale ISO consacrée à la biodiversité, l’ISO 17298 s’appuie sur de bonnes pratiques établies par consensus pour soutenir l’action dans les différents secteurs et zones géographiques, et tout particulièrement dans les pays en développement. Certains la considèrent comme le volet Biodiversité de l’ISO 14001.
Cible et contenu de la norme
La norme ISO 17298 s’adresse à toute entreprise, collectivité, institution publique ou autre structure ayant des chaînes d’approvisionnement ou des impacts sur l’utilisation des terres et désireuse de réduire les risques liés à la biodiversité et d’améliorer ses performances dans le domaine de la durabilité. Elle les aide à évaluer la manière dont leurs activités interagissent avec la biodiversité, à prioriser leurs actions sur le plan opérationnel et au sein de leur environnement, à fixer des objectifs mesurables et suivre les progrès réalisés, à intégrer la biodiversité aux efforts plus larges en matière de durabilité. L’approche itérative et adaptable est pensée pour évoluer avec l’organisation et le contexte dans lequel elle s’inscrit.
Plus d’informations : ici.
Quels principaux avantages pour l’organisation ?
La norme ISO 17298 aide à aligner sa stratégie sur les nouvelles politiques et exigences déclaratives relatives à la biodiversité. Elle facilite la maîtrise des risques et la résilience au sein des chaînes d’approvisionnement et des opérations. Elle aide à tirer parti de la finance verte, à gagner la confiance des investisseurs et à accéder à de nouvelles opportunités de marché. Elle permet un reporting transparent sur les performances liées à la nature. Enfin, la nouvelle norme ISO 17298 renforce les capacités institutionnelles, en particulier pour les PME et les entités publiques dans les pays en développement.
1) Cf. Audrey Coreau, cheffe du service de l’économie verte et solidaire du Commissariat général au développement durable (CGDD) auditionnée le 18 12 2024 par la Commission environnement du CESE dans le cadre de la saisine sur la restauration des écosystèmes.
2) « Rapport sur l’état de l’environnement en Europe en 2025 », Agence européenne de l’environnement (AEE), Septembre 2025.
3) Le cabinet BL évolution suit depuis plus de dix ans les engagements des entreprises du CAC 40 en matière de biodiversité. Plus d’infos : ici.
Dernière minute : Le Forum mondial (WEF) est engagé dans la publication de rapports « Nature Positive Transitions Sector Series » qui explorent les voies de transformation permettant d’enrayer et d’inverser la perte de biodiversité d’ici 2030 par secteur. Ont ainsi déjà été traités les secteurs automobile, ciment/béton, chimie, produits d’entretien et d’hygiène, mines & métallurgie, éolien offshore et ports. Le tout dernier (sorti le 4 12) porte sur la tech. Il en ressort que le secteur pourrait dégager 800 Mrd de dollars de valeur ajoutée tout au long de sa chaîne de valeur d’ici 2030 s’il plaçait la nature au cœur de ses activités et de ses chaînes d’approvisionnement.