Intégrer les aspects environnementaux dans la conception des produits afin d’améliorer leur performance environnementale tout au long de leur cycle de vie, tel est l’objectif majeur de l’écoconception. L’enjeu est de taille puisque, selon la Commission européenne, jusqu’à 80 % des impacts environnementaux des produits sont déterminés lors de la phase conception. La législation dédiée connaît depuis 2024 une évolution qui devrait booster le domaine. Qu’en est-il exactement ?
Améliorer la durabilité environnementale des produits mis sur le marché en UE
Alors que la directive Ecoconception de 2009 ne s’appliquait qu’aux produits consommant de l’énergie ou impactant la consommation d’énergie (appareils électro-ménagers, de refroidissement, de chauffage…) et ne se focalisait que sur leurs usages, le nouveau règlement « Ecoconception des produits durables »(1) de juillet 2024 élargit fortement le champ de manière à « faire des produits durables la norme » et « réduire leur empreinte carbone et environnementale globale tout au long de leur cycle de vie. »
Notons que, à la différence d’une directive qui suppose des transpositions en fonction du contexte de chaque pays, ce nouveau texte, en tant que règlement, est entré en vigueur dès son adoption et il est le même dans tous les pays de l’UE.
Une législation beaucoup plus étendue…
Le règlement de juillet 2024 porte sur l’ensemble du cycle de vie des produits (extraction, production, distribution, utilisation et fin de vie) et non plus sur le seul usage comme c’était le cas pour la directive de 2009. Autre point clé, il couvre le réemploi, la réparabilité, l’efficacité énergétique et matière, le contenu recyclé, le remanufacturage et recyclage, l’empreinte carbone et environnementale ainsi que les substances susceptibles d’entraver la circularité (substances chimiques surtout). De plus, les exigences fixées concernent aussi bien les produits fabriqués en UE que ceux issus de l’importation(2).
En avril 2025, la Commission a adopté un plan d’action 2025-2030 portant à la fois sur ce règlement Ecoconception (ESPR) et sur le règlement sur l’étiquetage énergétique (ELFR). Ce plan de travail met la priorité sur six catégories de produits du fait de leur potentiel pour améliorer la circularité des chaînes de valeur : textiles, matelas, meubles, pneus, acier et aluminium. Ceci doit contribuer à « favoriser des produits durables, réparables, circulaires et économes en énergie dans toute l’Europe » et ainsi « renforcer le marché unique, prévenir les obstacles au commerce, améliorer les conditions de concurrence équitables, réduire la charge administrative et renforcer la compétitivité mondiale des entreprises proposant des produits durables. »
…au profit de la performance et de l’information produit
Les exigences couvriront la performance des produits, en particulier à travers les critères de durabilité minimale, d’efficacité énergétique et matière, de disponibilité de pièces de rechange ou de contenu recyclé minimal. Et elles couvriront les informations sur le produit, celles-ci devant se matérialiser par le « passeport numérique du produit » (le nouvel outil de transparence destiné à garantir l’accès à des données fiables sur leur performance environnementale, leur réparabilité, la présence éventuelle de substances préoccupantes et leur fin de vie) ou par les informations de l’EPREL (European Product Registry for Energy Labelling ou Registre européen des produits pour l’étiquetage énergétique).
Des mesures horizontales doivent aussi être introduites concernant la réparabilité pour les produits relevant de l’électronique grand public et les petits appareils ménagers avec, en particulier, un score de réparabilité pour les produits au potentiel le plus élevé et des exigences sur la recyclabilité des équipements électriques et électroniques.
Une attention spécifique aux PME
La Commission précise que lors de l’élaboration des exigences, elle prêtera attention aux besoins des PME, en particulier des micro-entreprises et des petites entreprises à moyenne capitalisation. Elle veillera notamment à ce que ces entreprises puissent bénéficier d’un soutien sur mesure, par exemple sous la forme de programmes européens ou d’initiatives des Etats membres.
Comment se préparer ?
Le plan de travail du 16 avril 2025 prévoit que des actes délégués seront pris « produit par produit ou pour des groupes de produits similaires. » L’industrie aura 18 mois pour s’y conformer à compter de leur parution. Les premières exigences applicables aux groupes de produits devraient entrer en vigueur en 2027. Autant dire que les entreprises ont tout intérêt à se préparer dès maintenant.
Dans cette optique, elles peuvent déjà commencer à analyser leurs produits actuels et évaluer leur cycle de vie de manière à identifier les axes d’amélioration à travailler en priorité (matériaux, efficacité énergétique, production de déchets…). Ce nombreux organismes ou bureaux de conseil proposent des prestations d’accompagnement dans cette première phase.
Les entreprises peuvent également se préparer à l’élaboration du passeport numérique du produit (PNP). Cela passe avant tout par la collecte et la compilation de toutes les informations possibles concernant leur chaîne d’approvisionnement (matériaux, méthodes de production, consommations d’énergie…). Plus ces données « produit » seront organisées et structurées, plus cela sera facile de mettre en place le futur PNP.
Dernier point, il n’est pas nécessaire d’attendre les échéances pour commencer à écoconcevoir ses produits. De fait, toute entreprise concernée peut déjà réfléchir à développer le recours à des matériaux écologiques, biosourcés ou recyclés, à des conceptions modulaires, à des emballages recyclables ou encore à des modes de conception permettant de faciliter le démontage ou la réparation des produits.
Bientôt un Circular Economy Act
Le règlement ESPR fait partie du Plan d’action Economie circulaire adopté par l’UE en 2020 dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal). Il devrait être suivi courant 2026 par un Circular Economy Act dont la vocation est d’établir un marché unique des matières premières secondaires, d’augmenter l’offre de matériaux recyclés de haute qualité et de stimuler la demande de ces matériaux au sein de l’UE. Raison de plus pour s’y mettre dès maintenant…
1) « Règlement ESPR » : Ecodesign for Sustainable Products Regulation
2) Sont exemptés de la liste des produits concernés les denrées alimentaires, les aliments pour animaux, les médicaments et médicaments vétérinaires, les plantes, animaux et micro-organismes vivants, les produits d’origine humaine et les véhicules (couverts par des réglementations distinctes).
Bon à savoir : L’ingénierie également concernée
En tant que démarche systémique intégrant les critères de sobriété, durabilité, robustesse et circularité, l’écoconception concerne fortement les professionnels de l’ingénierie. Syntec-Ingénierie a publié cet été un livre blanc* destiné à outiller la profession et ses partenaires en vue d’intégrer l’écoconception à toutes les étapes des projets (phase amont, conception, réalisation, exploitation & maintenance, fin de vie) et quel que soit le secteur concerné (aménagement, infrastructures, bâtiment, énergie, ferroviaire, environnement, eau, industrie…). Ce document s’inscrit dans la nouvelle feuille de route stratégique « Un autre monde est atteignable » adoptée début 2024 par Syntec en vue d’accélérer les grandes transitions.
* « L’écoconception, la signature de l’ingénierie », téléchargeable sur https://www.syntec-ingenierie.fr/