L’actualité ne cesse de nous le rappeler de manière toujours plus dramatique : la crise climatique se traduit par des événements extrêmes qui se multiplient et s’intensifient : vagues de chaleur, sécheresses et feux, inondations, submersions et glissements de terrain ou encore vents violents et tempêtes. Quels en sont les principaux impacts sur nos réseaux et quelles actions sont déjà menées pour y faire face ?
Par infrastructures de réseaux, on entend généralement les infrastructures de transport routier et ferroviaire, les infrastructures de transport et de distribution d’électricité et les infrastructures de télécoms. Il convient d’y ajouter les réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Les principaux risques par aléa
Les risques liés aux vagues de chaleur, sécheresses et feux sont multiples : surchauffe voire incendie des composants électriques et électroniques, dilatation des rails et détente des caténaires, retrait-gonflement des sols, interruption du transport d’électricité ou des télécoms, dégradation des systèmes de climatisation d’équipements stratégiques comme les data centers, rupture d’exploitation des réseaux (électricité, transports), destruction des poteaux télécoms, ralentissement voire suppression des travaux de maintenance en cas de canicule, etc.
Les inondations, submersions et glissements de terrain génèrent surtout des risques de coupure de circulation liés aux déformations structurelles occasionnées et des risques de destruction localisée de certaines portions de routes ou d’infrastructures comme les pylônes ou les antennes télécoms ou électriques.
Enfin, les tempêtes et vents violents, à l’image des épisodes méditerranéens toujours plus intenses, peuvent endommager les infrastructures aériennes des réseaux électriques (câbles, lignes) et les ouvrages des réseaux routiers et ferroviaires (ponts…).
Quelles actions déjà engagées ?
Les infrastructures de transport routier et ferroviaire sont depuis toujours soumises aux risques naturels comme les tempêtes et vents violents et les inondations et font l’objet d’actions de prévention et de gestion. Elles sont également concernées par d’autres risques accentués par les dérèglements climatiques. Les routes, par exemple, sont confrontées au retrait-gonflement d’argile (RGA) qui génère des fissures longitudinales proches des bords mais aussi des déformations des chaussées, celles-ci pouvant être à l’origine d’accidents. Selon l’ORSS (Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse, mis en place par le Cerema), « cet impact du changement climatique va peser de plus en plus en termes de dommages et de coûts liés à l’entretien du réseau exposé ». Et comme l’a rappelé la Cour des Comptes dans un rapport sur l’entretien des routes nationales et départementales en mars dernier, « améliorer la résilience des infrastructures suppose une action de long terme associant projections, techniques classiques d’assainissement des chaussées et solutions innovantes ». A cet égard, le Cerema mène une évaluation de différentes solutions en région Centre – Val de Loire : solutions traitant les conséquences du RGA (géogrilles, réparations classiques dans la structure de la chaussée…), solutions traitant les facteurs aggravants de RGA (confinement latéral par encapsulage, étanchéification horizontale avec enduit de surface ou géomembrane, déboisement…) et solutions traitant directement les causes du RGA (injection de résine, injection de solution chimique…). Dans ce cadre, une technique de confortement par pose de blocs de polystyrène compensé (procédé de remblai Compostyrène de Colas) est actuellement évaluée dans le Cher.
Le réseau ferré, lui, est soumis aux risques de dilatation des rails et/ou détente de caténaires. Le rail se dilate si sa température dépasse 45°C(1). Mais comme il est fixé aux traverses, cette dilatation peut provoquer une déformation de la voie. De même, le fil de contact de la caténaire se dilate en cas de température extrême, ce qui, selon SNCF Réseau, peut entraîner une rupture de la ligne aérienne de contact et un arrachement de la caténaire par le pantographe du train. Pour prévenir ces risques sur les rails et les caténaires, des tournées sont réalisées pendant l’année permettant d’identifier les opérations nécessaires et une surveillance des voies et caténaires est opérée durant l’été. En parallèle, des travaux de R&D sont menés pour identifier des matériaux plus résistants à la chaleur, à l’exemple de la fibre de verre. Si le risque survient, des limitations temporaires de vitesse sont mises en place pour garantir la sécurité des circulations. Les voies ferrées sont également soumises au risque « feu de talus » dont les conséquences peuvent être lourdes (destruction d’infrastructures, interruption de circulation). Pour maîtriser la végétation sur les 60 000 km de voies et pistes longeant le réseau ferré, SNCF Réseau recourt à diverses solutions : phytosanitaires, trains désherbeurs, méthodes mécaniques d’abattage, élagage et fauchage, couverture de pistes par géotextiles, etc.
Dans le domaine des infrastructures de transport et de distribution d’électricité, plusieurs types d’actions sont menées. Pour le réseau de transport (106 000 km de lignes à haute tension dont 7 000 souterraines), cela va de la révision à la hausse de la température minimale de dimensionnement des câbles à un travail sur le positionnement des nouveaux postes électriques et pylônes en passant par la sécurisation mécanique et la gestion de la végétation. Et pour le réseau de distribution (659 000 km de lignes à haute tension et 732 000 km de lignes à basse tension), cela va du remplacement d’éléments et des câbles les plus fragiles à l’enfouissement des lignes aériennes de moyenne tension (littoral et zones boisées surtout) et la rénovation des lignes maintenues aériennes en passant par l’utilisation de matériels plus résistants, la mise en place de capteurs de niveau d’eau et de moyens de réalimentation rapide.
S’agissant des infrastructures de télécoms, les actions menées comptent principalement l’enfouissement des réseaux quand cela est techniquement possible (avec, toutefois, une limite liée aux coûts d’installation et de maintenance), le déploiement de parafoudres sur l’ensemble des équipements et l’utilisation de matériaux résistant aux fortes températures. Des stratégies de délestage entre les différents réseaux (fixes, mobiles, satellitaires), voire entre réseaux concurrents, peuvent aussi être envisagées.
Les réseaux d’eau potable et d’assainissement peuvent surtout être affectés par le risque inondation et les phénomènes de retrait-gonflement d’argile (RGA). S’il apparaît d’une manière générale que, pour l’eau potable, il faut concevoir des installations et équipements robustes et résilients intégrant les risques climatiques et pour l’assainissement, il faut adapter les infrastructures concernées à l’élévation du niveau de la mer, peu d’études spécifiques sont disponibles à ce jour (la question Eau & changement climatique est surtout abordée sous l’angle de la ressource). Dans certains cas toutefois, des solutions de prévention du risque inondation sont déjà appliquées comme remonter les cotes de certains équipements ou mettre en place des protections spécifiques à un site ou un ouvrage.
L’interdépendance des réseaux : un enjeu de taille
Dans une récente note d’analyse(2), France Stratégie souligne que les réseaux étant de plus en plus connectés les uns aux autres, ils sont toujours plus interdépendants. En cas d’événement extrême, l’apparition de dommages en cascade peut avoir des conséquences sociales et économiques majeures. Parmi les liens de dépendance cruciaux figurent par exemple l’utilisation des TIC pour le fonctionnement de nombreuses infrastructures (ferroviaire notamment), l’utilisation d’eau à des fins de production d’électricité ou de refroidissement d’unités de production d’énergie, l’utilisation d’énergie pour le fonctionnement des systèmes d’infrastructures, l’utilisation des systèmes de transport pour l’accès aux ressources ou les réponses d’urgence. La proximité géographique des infrastructures peut aussi entraîner une exposition simultanée à des risques. Si aujourd’hui quelques méthodologies d’évaluation des vulnérabilités aux changements climatiques intègrent ces enjeux liés aux interdépendances, ce sujet devrait connaître un véritable essor dans un futur proche.
1) Pour avoir un ordre d’idée, quand il fait 37°C à l’extérieur, la température du rail peut monter jusqu’à 55°C. Autrement dit, il peut atteindre 45°C bien avant les très fortes chaleurs.
2) « Risques climatiques, réseaux et interdépendances : le temps d’agir », Note d’analyse n°108, France Stratégie, Mai 2022.
À lire : L’adaptation en question