Gros plan sur trois énergies montantes

L’ambition de la PPE(1) en préparation est de sortir les énergies fossiles à l’horizon 2050 en s’appuyant sur une production d’électricité bas carbone. Il est notamment envisagé que la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie passe de 27 % aujourd’hui à 54 % en 2050(2). Autrement dit, à cette même échéance, la part de la chaleur couvrira 46 %, avec une part croissante de chaleur renouvelable et de récupération. Dans ce domaine, trois énergies connaissent un certain essor à différents stades : géothermie (renouveau), chaleur fatale en industrie et en data centers (accélération) ou thalassothermie (émergence).

 

La chaleur est essentielle pour le chauffage des bâtiments, la production d’eau chaude sanitaire (ECS) et les procédés industriels mais elle est encore largement produite à partir de sources fossiles. Pour répondre à cet enjeu de décarbonation de la chaleur, la PPE3 fixe un objectif de 276 TWh de chaleur renouvelable dans la consommation en 2030 (le total était de 173,5 TWh en 2023, v. encadré) et au moins 330 TWh en 2035. Notons aussi que le comité stratégique de filière Nouveaux Systèmes Energétiques a fait de la chaleur renouvelable et bas carbone l’un des quatre axes de son nouveau contrat stratégique de filière en février dernier.

 

La chaleur renouvelable en quelques chiffres

En France, les principales filières de chaleur renouvelable ont produit au total 173,5 TWh en 2023. Aux premiers rangs figurent le chauffage au bois domestique (73 TWh), les pompes à chaleur aérothermiques (43,5 TWh) et les chaufferies bois (31,1 TWh). Ils sont suivis par les gaz renouvelables (11,6 TWh), la valorisation énergétique des déchets (6 TWh), la géothermie (7 TWh) et le solaire thermique (1,3 TWh). Ces énergies sont, pour la plupart, distribuées via des réseaux de chaleur ou de froid et elles peuvent être stockées, ce qui permet une flexibilité pour garantir l’adéquation entre offre et demande de chaleur.

 

 

Le renouveau de la géothermie

La géothermie valorise la chaleur du sous-sol à différentes profondeurs (cf. géothermie de surface ou profonde). Elle peut être exploitée pour le chauffage, le rafraîchissement, la climatisation, le stockage d’énergie ou la production de vapeur.

S’agissant de la géothermie de surface (ou très basse énergie), la France compte 210 000 pompes à chaleur (PAC) qui ont produit 4,7 TWh de chaleur en 2023 dont 3,78 TWh en individuel, 0,54 TWh dans le tertiaire, 0,18 TWh pour le résidentiel collectif et 0,15 TWh pour l’agriculture et l’industrie.

La géothermie profonde, elle, se fait en aquifères de plus de 800 mètres de profondeur où la température de l’eau peut s’élever de 30°C à 250°C, ce qui permet de chauffer des bâtiments et/ou des sites industriels directement ou via un réseau de chaleur. A fin 2023, la France comptait 73 installations de géothermie profonde (dont 55 dans le bassin parisien et 16 dans le bassin aquitain) qui ont produit au total 2,3 TWh de chaleur renouvelable, soit 0,4 % de la consommation finale de chaleur du pays.

Le ministère de l’Ecologie a lancé en 2023 un plan d’action global visant à « faire de la France un leader dans la géothermie en Europe tant en termes de production d’EnR que de filière industrielle. » La troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) qui doit être finalisée avant la fin de l’été 2025 fixe un objectif de production de 6 TWh en 2030 puis 8 à 10 TWh en 2035 pour la géothermie de surface et de 10 TWh en 2030 puis 15 à 18 TWh en 2035 pour la géothermie profonde. Une simplification des procédures réglementaires et un fonds de garantie pour atténuer les risques en géothermie profonde sont également prévus. De fait, lors des 6es Journées de la Géothermie les 19 et 20 juin à Biarritz, le Premier ministre a annoncé une révision à la hausse du seuil permettant aux porteurs de projets d’éviter de passer par la case « demande de permis » (le seuil est porté à 2 MW contre 0,5 MW jusque-là) et a évoqué de nouvelles mesures liées au Fonds Chaleur.

Le début 2025 a vu la mise en place de nouveaux réseaux de chaleur alimentés par géothermie à Villetaneuse (93), Garges-lès-Gonesse (95) ou encore à l’aéroport de Bordeaux (33). Et Bpifrance est entré fin mai dans le capital d’Arverne Group, un spécialiste du secteur qui a récemment installé avec Dalkia une centrale sur le site de Safran Aircraft Engines à Villaroche (94) et par ailleurs lance la construction du premier démonstrateur d’extraction directe de lithium géothermal en Alsace.

Preuve que la filière se restructure, les événements dédiés tendent à se multiplier, à l’image du tout premier Sommet européen sur la géothermie organisé par l’EGEC (European Geothermal Energy Council) le 17 juin dernier à Bruxelles.

 

La chaleur fatale industrielle, énergie de récupération par excellence

Certaines activités ou installations produisent de la chaleur sans que cela ne soit leur finalité première : on parle alors de chaleur perdue ou fatale. Parmi les principales sources de chaleur fatale figurent les rejets thermiques des fumées, chaudières ou séchoirs dans les sites de production industrielle ou énergétique, dans les stations d’épuration d’eaux usées ou dans les unités d’incinération d’ordures ménagères. Une autre source en pleine croissance est celle des data centers à l’exemple d’Equinix qui chauffe la piscine olympique de Saint-Denis : l’énergie est récupérée sous forme d’eau chaude à 28 % puis passe par des PAC où elle monte à 65°C.

L’Ademe estime à 118 TWh par an le gisement de chaleur fatale en France, la plus grande part (110 TWh) étant produite par des sites industriels : IAA (29 %), chimie (dont plastiques) : 20 %, papier-carton (12 %), métaux (11 %), ciment et verre (10 %). Cependant, en 2021, à peine 18,3 TWh de chaleur fatale ont été valorisés, soit 15,5 % du gisement national.

La valorisation de chaleur fatale peut se faire sur site avec des systèmes échangeurs instantanés ou des systèmes échangeurs-stockeurs (ex. : dans l’acier ou le verre). Il existe aussi des solutions de valorisation par conversion énergétique (moteurs, turbines, groupes absorption) qui permettent de convertir la chaleur en un autre vecteur énergétique comme l’électricité, le froid ou l’air comprimé. Enfin, la valorisation peut aussi se faire à l’extérieur du site avec les réseaux de chaleur (pour les températures basses et moyennes) ou par la production d’électricité (hautes températures).

La France propose plusieurs dispositifs pour soutenir les investissements dans les projets de récupération de chaleur fatale comme le Fonds Chaleur (v. encadré), le Fonds Décarbonation de l’Industrie ou encore les certificats d’économie d’énergie (CEE).

 

Le Fonds Chaleur de l’Ademe

Pour 2025, le volet du Fonds Chaleur destiné à réaliser des installations de récupération d’énergie fatale couvre les systèmes de captage de chaleur sur un procédé (colonne à distiller, séchoir, four, chaudière…), les systèmes de remontée en température via une PAC, les systèmes de production de froid (groupes à absorption, PAC en montage thermofrigopompe) mais aussi les systèmes de stockage (accumulateurs de vapeur, ballons réservoirs d’eau chaude) et transport, la distribution et la valorisation de chaleur (tuyauteries, canalisations, échangeurs…) pour une valorisation en interne ou à l’externe (boucle d’eau interne, réseau vers un industriel voisin, raccordement à un réseau de chaleur urbain…). Les projets candidats doivent récupérer au moins 1 GWh de chaleur par an.

https://agir.ademe.fr/aides-financieres/2025/realisation-dinstallations-de-recuperation-de-chaleur-fatale

 

La thalassothermie, une énergie sans fin pour les villes littorales

Il existe déjà aujourd’hui des systèmes qui utilisent l’eau de lacs, de fleuves ou de rivières pour assurer le confort thermique en ville, à l’exemple de la boucle d’eau Idex qui permet de couvrir les besoins en chauffage et en ECS d’un quartier d’Annecy et de climatiser un hôtel et une résidence seniors, ou encore du réseau de froid urbain à Paris alimenté par l’eau de la Seine.

En parallèle, certaines zones tropicales sont déjà concernées par des opérations d’énergie thermique des mers (ETM ou OTEC pour Ocean Thermal Energy Conversion) qui exploitent la différence de température entre le fond et la surface pour produire de l’électricité. D’autres sont impliquées dans des approches d’énergie osmotique qui exploitent la différence de salinité des eaux (ex. : Stratkraft : pionnier en Norvège en 2009). D’autres encore mettent en œuvre des opérations de climatisation marine (ou SWAC pour Sea Water Air Conditioning) qui utilisent l’eau froide du fond des océans ou des lacs mais aussi les courants froids de surface pour alimenter des réseaux d’eau glacée.

Dans le même ordre d’idées se développe aujourd’hui la thalassothermie qui utilise l’énergie thermique contenue dans l’eau de mer pour produire du chauffage ou du refroidissement dans les villes littorales. Le pompage se fait en eau peu profonde à proximité de la côte.

Dans une récente étude dédiée(3), le Cerema a recensé les technologies déployées dans la trentaine de projets en service à fin 2023 sur le littoral métropolitain. Parmi ces technologies figure la boucle d’eau de mer avec production d’eau chaude et/ou d’eau froide en configuration centralisée ou décentralisée. Elle se base , en gros, sur un pompage et un rejet d’eau de mer sans échange de fluide.

Une autre technologie utilisée est l’hydromaréthermie(4) qui exploite le potentiel accumulateur thermique solaire de la couche de surface de la mer, sa convection, ses caractéristiques d’inertie thermique et sa salinité. Elle utilise des sondes thermiques immergées en mer ou installées sous le sable et fonctionne en circuit fermé (donc sans rejet d’eau de mer).

Troisième technologie présentée, le procédé Enerplage est une optimisation du système de drainage Ecoplage qui permet de valoriser l’eau de mer tout en luttant contre l’érosion. L’eau qui s’infiltre dans le sable est récupérée dans des drains installés sous la plage, comme aux Sables d’Olonne notamment.

Les autrices de l’étude identifient plusieurs éléments communs aux projets analysés. Par exemple, les besoins en chaud et froid doivent être réguliers et tout au long de l’année ou encore une réelle mixité des besoins résidentiels/tertiaires est nécessaire pour faciliter la mutualisation. Elles proposent par ailleurs une méthode d’analyse pour identifier les sites potentiels de développement sur les trois régions de Méditerranée françaises. Plus de 580 espaces potentiels ont ainsi été identifiés dans 108 ports de la façade méditerranéenne.

 

1) La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « permet de définir la politique énergétique de la France et de planifier notre sortie des énergies fossiles ». Elle fixe « une trajectoire sur dix ans, avec une mise à jour à mi-parcours. » La troisième édition de ce document stratégique (2025-2030, 2031-2035) est attendue d’ici la fin de l’été.

2) Avec un palier de 34 % en 2030 et de 39 % en 2035.

3) Rapport d’étude Evaluation d’un potentiel de développement de la thalassothermie en Méditerranée : Retours d’expérience de l’existant et identification de sites potentiels, par Hélène Mayot et Myriam Lorcet, Cerema, Mars 2025, 86 p.

4) L’hydromaréthermie, comme l’ETM, fait partie des énergies marines renouvelables (EMR).

 

La chaleur renouvelable, une alternative non négligeable pour l’industrie

En 2022, l’électricité représentait 38 % de la consommation énergétique de l’industrie, le reste étant principalement des ressources fossiles. Pour tenir l’objectif de réduction des GES du secteur (- 81%), la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) prévoit de passer à 70 %. L’électrification peut être directe (résistances, PAC, compression mécanique de vapeur, technologies de fours) ou indirecte via l’utilisation d’hydrogène produit par électrolyse hors site. Les solutions d’électrification concernent essentiellement les procédés à basse température et ceux ayant des besoins importants en chauffage de fluides (vapeur, eau chaude) ou en séchage, comme les IAA, le papier ou la chimie. Mais tout n’est pas électrifiable et ce, pour différents types de raisons : technique, coût, ancienneté des usines, voire foncier (cf. nécessité, en plus de remplacer les équipements, de raccorder le tout au réseau). Les EnR&R ont donc toute leur place dans les procédés industriels. En dehors du développement attendu en matière de récupération de chaleur fatale, il est estimé que 10 % des usages de la chaleur dans l’industrie pourraient être couverts par le solaire thermique. A mi-2025, la filière est toujours dans l’attente d’un plan de relance spécifique.

 

 

 

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