Pour garantir l’accès aux matières premières critiques, la Commission européenne a retenu 60 projets stratégiques (47 en UE et 13 hors UE) au premier semestre 2025. Ces projets doivent contribuer à la compétitivité de l’industrie européenne, en particulier dans l’électromobilité, les énergies renouvelables et l’aérospatiale & défense.
La demande en certaines matières premières est aujourd’hui largement supérieure aux niveaux actuels de l’offre en Europe et elle va continuer à augmenter fortement. L’UE est particulièrement dépendante et son approvisionnement devient de plus en plus risqué dans certaines régions du monde (v. tableau Dépendance réelle de l’UE). Face à cela, la législation CRMA (Critical Raw Materials Act) de mars 2024 a prévu un cadre visant à soutenir les projets stratégiques liés à leur extraction, à leur transformation et à leur recyclage. L’objectif est à la fois d’accroître la production, de diversifier l’approvisionnement et de constituer des stocks.
Le CRMA en bref
Sont considérées comme critiques les matières premières qui revêtent une grande importance économique pour l’UE et présentent un risque élevé de rupture d’approvisionnement en raison de la concentration de leurs sources et de l’absence de substituts de qualité et abordables. Le CRMA vise à sécuriser et diversifier les approvisionnements de l’UE dans 17 matières premières critiques essentielles pour la transition énergétique et la transition numérique. Il fixe des objectifs à 2030 pour la consommation annuelle de matières premières : 10 % devront être extraites localement, 40 % devront être traitées dans l’UE et 25 % devront être issues de matériaux recyclés. En outre, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de chaque matière ne devra dépendre d’un seul pays tiers. Le CRMA est entré en vigueur en mai 2024.
Les principales matières concernées
Les 47 projets stratégiques sélectionnés fin mars vont donner accès à 14 des 17 matières premières stratégiques listées dans le règlement : bauxite/alumine/aluminium, bore, cobalt, cuivre, gallium, germanium, lithium, magnésium, manganèse, graphite, nickel, platinoïdes, terres rares (éléments) et tungstène (le bismuth, le silicium-métal et le titane-métal ne sont pas concernés ici). Ces projets sont localisés dans plusieurs pays(1) et couvrent des activités d’extraction (25), de transformation (24), de recyclage (10) et de substitution (2). Ils doivent pour la plupart « permettre à l’UE d’atteindre ses objectifs pour 2030 en matière d’extraction, de transformation et de recyclage pour le lithium et le cobalt » et de « réaliser des progrès pour le graphite, le nickel et le manganèse, autant de matières utiles dans la chaîne de valeur des batteries. » Quatre autres projets (un sur le magnésium et trois sur le tungstène) sont destinés à l’industrie de la défense. Les investissements estimés pour rendre ces 47 projets opérationnels sont de 22,5 milliards d’euros.
Sur les 13 projets hors UE sélectionnés début juin (sur 46 candidats au total), dix concernent les véhicules électriques et les batteries (lithium, nickel, cobalt, manganèse, graphite), deux vont être utilisés dans l’éolien, les moteurs électriques d’EnR et l’électromobilité (terres rares pour aimants permanents) et un concerne l’aérospatiale et la défense. Les investissements ici sont estimés à 5,5 milliards d’euros.
Des droits et des devoirs pour les promoteurs des projets
Les 60 projets stratégiques retenus vont bénéficier d’autorisations simplifiées (ex. : reconnaissance en tant que projets d’intérêt public, procédure d’octroi de permis limitée à 27 mois pour les projets d’extraction et à 15 mois pour les projets de traitement ou de recyclage) et d’avantages en matière de financement.
En plus de contribuer à sécuriser l’approvisionnement de l’UE, ces projets doivent être techniquement réalisables et doivent respecter les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance de l’UE. A cet égard, certains ont déjà émis des réserves comme l’EEB (European Environmental Bureau) à travers l’EURMC (EU Raw Materials Coalition) qui a pointé la proximité de certains projets avec des territoires autochtones ou encore un projet lithium en Serbie déjà fortement décrié localement. La Commission précise que chacun des 60 projets devra faire l’objet de comptes rendus réguliers (progrès accomplis, modifications éventuelles, retards potentiels…).
Sécuriser l’approvisionnement plus sécurisé… et renforcer le recyclage
Si ces 60 projets visent à sécuriser et diversifier l’accès aux matières premières dans l’UE, ils seront utilement complétés par un renforcement du recyclage dans toute l’Europe. Comme vu ci-dessus, au moins 25 % des matières consommées chaque année en UE devront être issues du recyclage domestique. L’objectif est ambitieux (le « circularity rate » en Europe était de 11,5 % en 2022)(3) mais cela devrait contribuer à améliorer le secteur dans l’ensemble des 27 Etats membres.
Par exemple, en France, l’Ademe estime qu’il faudrait « développer de nouvelles technologies » pour « mieux séparer les métaux dans le tri des ménages, tracer leur composition et répondre au plus près du cahier des charges des fabricants de produits et constructeurs. »
Matière | Phase d’extraction | Phase de traitement | Applications principales |
---|---|---|---|
Bore | 100 % | 72 % | NTIC, EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense (qualité métallurgie) |
Cuivre | 48 % | 17 % | NTIC, EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense |
Gallium | NR | 98 % | NTIC, EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense |
Germanium | NR | 42 % | NTIC, EnR, Aérospatiale & Défense |
Aluminium | 87 % | 58 % | EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense (bauxite-alumine-aluminium) |
Cobalt | 81 % | 1 % | EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense |
Terres rares | 100 % | >99 % | EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense (pour aimants permanents) |
Nickel | 36 % | 77 % | EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense (qualité batterie) |
Manganèse | 96 % | 66 % | EnR, E-mobilité, Aérospatiale & Défense (qualité batterie) |
Graphite | 100 % | NR | EnR, E-mobilité (qualité batterie) |
Lithium | 81 % | 100 % | EnR, E-mobilité (qualité batterie) |
Platinoïdes | NR | 96 % | EnR, E-mobilité (platine, palladium…) |
Magnésium | NR | 100 % | E-mobilité, Aérospatiale & Défense |
Tungstène | 21 % | 80 % | Aérospatiale & Défense |
(Source : 14 Factsheets RMSP de la Commission européenne)
A ce jour, les matières premières listées dans le CRMA sont principalement extraites, transformées et recyclées dans des pays tiers. Ce tableau donne un aperçu global de ces dépendances qui, pour certaines, montent jusqu’à 100 %.
1) France, Espagne, Finlande, Italie, Portugal, Allemagne, Suède, Belgique, Grèce, Roumanie, Pologne, République tchèque, Estonie ainsi que Royaume-Uni et Canada (à travers des entreprises européennes). La France compte une dizaine de projets portés, entre autres, par Caremag, Eramet, Imerys, MagREEsource et Orano Batteries.
2) Afrique du Sud, Madagascar, Malawi, Zambie, Canada, Brésil, Norvège, Royaume-Uni, Serbie, Ukraine, Kazakhstan et des territoires ou collectivités d’outre-mer de pays membres : Groenland et Nouvelle-Calédonie.
3) Et dans le monde, 6,9 % des matériaux utilisés chaque année viennent de sources recyclées (cf. « Circularity Gap Report 2025 » du think tank Circle Economy avec Deloitte Global, mai 2025).