On désigne par micropolluants les substances pouvant présenter des effets sur les organismes vivants à très faibles concentrations (micro- ou nanogrammes par litre) du fait de leur toxicité, leur persistance ou leur bioaccumulation. Ces substances imprègnent les milieux par rejet direct dans les eaux ou par retombées atmosphériques sur les sols et les eaux de surface. Aujourd’hui, on sait surveiller et analyser ces micropolluants mais où en est-on dans les procédés permettant de les éliminer ?

De nombreuses molécules présentant des propriétés chimiques différentes sont concernées (la réglementation européenne en recense plus de 110 000). Elles sont généralement regroupées par « familles chimiques » (organiques et inorganiques)1 ou en fonction de leurs usages (ex. : produits biocides, pesticides, solvants, médicaments…). Les organismes sont susceptibles de concentrer ces polluants dans leurs tissus (par bioaccumulation, bio-concentration, bioamplification ou bio-transformation).

Selon le temps d’exposition, la toxicité de ces polluants peut être aiguë ou chronique. Parmi ceux considérés comme « extrêmement préoccupants » figurent les composés phénoliques et les phtalates (composés utilisés comme plastifiants) suivis par les médicaments et les triazoles (composés utilisés dans les liquides de refroidissement, les stabilisateurs UV ou les détergents).

 

Quelle situation en Europe et en France ?


En Europe, 88 % de l’eau potable sont prélevés dans les rivières et les eaux souterraines, le reste vient de réservoirs (10%) et de lacs (2%). Cependant, si 75 % des eaux souterraines européennes affichent un « bon état écologique » au sens de la directive, seules 44 % des eaux de surface présentent un bon ou très bon état écologique*.

En France, les deux tiers des micropolluants quantifiés dans les cours d’eau sont des HAP, le tiers restant étant surtout composé de trois métaux et métalloïdes (nickel, plomb et cadmium). Et dans les eaux souterraines, 80 % des micropolluants quantifiés viennent de produits du quotidien (médicaments, plastifiants, HAP, solvants, détergents, cosmétiques, etc.), les 20 % restant sont composés de métaux (9%), de substances radioactives (4%) et d’agents pathogènes ou biologiques (4%)**.

* Source : Etat des eaux en Europe, Agence européenne de l’environnement, Janvier 2021

** Source : Eau et milieux aquatiques, les chiffres clés, Edition 2020, coll. DataLab, MTE – CGDD – SDES, Décembre 2020

 

Les principaux procédés d’élimination

A ce jour, il existe quatre grands types de procédés d’élimination des polluants. Le traitement par dégradation biologique se base sur l’utilisation de micro-organismes (bactéries notamment). Le traitement par adsorption utilise la capacité des molécules à se fixer sur une surface solide (ex. : charbon actif utilisé sous forme granulaire ou pulvérulente). L’oxydation par voie physico-chimique, notamment l’ozone, permet de détruire les micropolluants ou au moins de les rendre plus facilement biodégradables. Enfin, la rétention par filtration membranaire utilise des membranes pour retenir les matières en suspension sur lesquelles sont fixés les micropolluants (cf. nanofiltration, osmose inverse). Les technologies employées dépendent des caractéristiques physico-chimiques des composés présents dans l’eau mais aussi des objectifs et coûts d’investissement et d’exploitation des installations.

 

Vers des traitements quaternaires

Ces différents procédés sont complémentaires. Jusque-là, lorsqu’ils étaient associés, il s’agissait essentiellement de couplages de deux technologies. Cependant, selon les estimations, en moyenne, seuls 20 % à 50 % des micropolluants sont éliminés par ces traitements conventionnels. Pour gagner en efficacité, la tendance est d’ajouter d’autres procédés, i. e. de passer en ternaire et, de plus en plus, en quaternaire. C’est tout l’objet, par exemple, du projet AOPTi mené pendant deux ans par l’Université de Liège avec différents partenaires belges et allemands. Le traitement proposé (ternaire) associait, après un traitement biologique conventionnel, deux traitements physico-chimiques avancés (oxydation ozone-UV et dégradation photocatalytique par oxyde de titane) et une étape d’adsorption sur charbons actifs, pour permettre une élimination complète des micropolluants non biodégradables et hydrosolubles.

Un autre exemple de couplage est celui du procédé Medix capable d’abattre les résidus de produits pharmaceutiques dans les effluents hospitaliers. Alliant dégradation biologique et ultrafiltration, le procédé abat plus de 80 % des micropolluants d’origine médicamenteuse et traite aussi la plupart des micro-organismes pathogènes. Il serait ainsi capable d’abattre 99,9 % du SARS-CoV-2. Ce procédé qui avait été présenté à l’état de démonstrateur au Congrès ASTEE 2017 présente par ailleurs des atouts en termes de conception (il est compact et modulaire) et de consommation énergétique.

Dans une étude sur la question des coûts des micropolluants pour la société (v. encadré), l’Inéris recommande d’ajouter une étape supplémentaire pour améliorer la filière de traitement des eaux urbaines. Certains pays l’ont déjà fait ou sont en train de le faire. La Suisse, par exemple, a déjà mis en place une politique visant à équiper une partie de ses stations de traitements complémentaires (les STEP concernées sont celles raccordant plus de 100 000 EH). Le coût total s’est élevé à 1,2 mrd de francs suisses (env. 1,1 mrd d’euros). L’Allemagne qui définit actuellement une stratégie nationale spécifique estime à 1,3 mrd d’euros le coût total annuel pour équiper ses stations de plus de 5 000 EH d’un traitement quaternaire. En France, en revanche, la stratégie reste fortement axée sur la réduction à la source comme le prévoit le 2e Plan Micropolluants 2016-2021 articulé en trois grands objectifs : réduire (les émissions), connaître (les rejets pour mieux adapter la lutte), prioriser (i.e. dresser la liste des polluants sur lesquels agir)2. Les STEU françaises ne sont pas (sauf rares exceptions) équipées des technologies complémentaires. Si une estimation des coûts par type de traitement a déjà été réalisée pour une taille de station spécifique, il reste encore beaucoup à faire pour avoir une vue d’ensemble et définir des scénarios appropriés.

 

Micropolluants : quels coûts pour la société ?


Dans une étude remise en mai 2020 à l’AFB*, l’Inéris a identifié trois types de coûts : les coûts de surveillance et d’information, les coûts des actions positives pour limiter la présence des micropolluants dans l’eau (cf. actions visant à limiter les usages de pesticides et à réduire les rejets dans l’industrie, actions de traitement, dépollution, élimination ou substitution de produits chimiques à la source…) et les coûts des impacts « résiduels », i.e. des impacts environnementaux et sanitaires.

Si les deux premiers types de coûts peuvent être quantifiés au moins en partie (la somme des coûts investis et référencés dans l’étude s’élèverait à plus d’un milliard d’euros depuis les années 2000), il est beaucoup plus compliqué de le faire pour le troisième. En effet, « il n’existe pas de valeur de coût ni pour les impacts sanitaires qui pourraient être liés à la consommation d’eau potable, ni pour les impacts environnementaux liés à la présence de micropolluants dans les eaux de surfaces et dans les eaux souterraines ». Au final, selon l’Inéris, il est pour l’instant difficile d’établir un coût complet de la présence de micropolluants dans l’eau.

*Etude sur le coût de la présence de micropolluants dans les eaux, Inéris 179438 – 831099 – v3.0, Mai 2020

 

1) Les micropolluants organiques regroupent les organométalliques, les HAP, les PCB, les alkylphénols, les phtalates. Les polluants inorganiques couvrent les métaux, métalloïdes et perchlorates.

2) Le MTES a publié un tableau de suivi des actions durant l’été 2020. Il en ressort que, à mi-2020, quelques-unes des 39 actions retenues pouvaient être ‘considérées comme terminées’, les autres étaient pour la plupart déjà avancées.

 

Lire aussi : Comment utiliser la mesure DBO5 dans le traitement biologique des eaux usées ?

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