Si petits et pourtant si dangereux… Détergents, textiles, hydrocarbures, pesticides, métaux, médicaments, cosmétiques, tous ces produits utilisés au quotidien contiennent potentiellement des micropolluants qui terminent leur parcours dans l’environnement (air, eau, sol). Malgré leur très faible concentration, ces substances ont des effets négatifs sur les organismes vivants (plantes, algues, animaux, êtres humains) en raison de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation.
Qu’elles soient organiques ou minérales, biodégradables ou non, ce sont plus de 110 000 molécules présentant des propriétés physico-chimiques qui sont recensées au niveau européen. Une majorité d’entre-elles représentant possiblement une menace pour la biodiversité et la santé humaine.
La lutte contre les micropolluants vise ainsi à maîtriser la diffusion de cette pollution « invisible », notamment dans le milieu aquatique, particulièrement touché (par rejet direct dans les eaux, retombées atmosphériques et lessivage des sols). Tour d’horizon.
Une règlementation contraignant le rejet des micropolluants
Les politiques industrielles (les industries étant responsables de la qualité de leurs rejets), mais aussi les politiques locales, doivent permettre le contrôle du rejet de ces substances dans l’environnement. Pour cela, plusieurs étapes sont à suivre :
- Identifier les sources potentielles de polluants.
- Établir des plans d’action.
- Réduire les rejets grâce à des installations de traitement des micropolluants, l’utilisation de technologies plus propres ou la réduction des émissions à la source, par exemple.
- Surveiller et suivre la qualité de l’air, de l’eau et des sols pour mesurer l’efficacité des contrôles.
- Rapporter les résultats aux autorités compétentes et aux parties prenantes.
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De l’idée à la mise sur le marché d’une solution contribuant à préserver l’environnement ou le climat, la route est longue mais de nombreuses aides existent!
La mise sur le marché, l’utilisation et le rejet des substances et produits nocifs sont régis par de nombreux textes (consultables sur le site aida.ineris.fr) visant à préserver l’environnement et la santé. On retient principalement :
- Le règlement REACH encadre la mise sur le marché et l’utilisation de l’ensemble des substances au sein de l’espace économique européen.
- La directive européenne n°2015/1787 fixe les teneurs limites en certains micropolluants dans l’eau potable.
- Le règlement n°1259/2011fixe les teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires.
- La directive-cadre sur l’eau (DCE) et la loi LEMA prévoient un diagnostic de l’état de l’eau et la surveillance de sa qualité à travers la mise en œuvre du SDAGE, Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2022-2027.
- La directive européenne sur la qualité de l’air.
- La règlementation nationale des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement).
- La règlementation RSDE, Rejets de Substances Dangereuses dans l’Eau fixe les exigences en matière de recherche des substances à enjeux et de diagnostic.
Le gouvernement a par ailleurs mis en place un plan national sur les micropolluants visant à satisfaire les objectifs fixés par la directive-cadre sur l’eau ainsi que le Grenelle de l’environnement. Il préconise notamment la réduction des émissions de ces polluants à la source.
Des solutions pour lutter contre les micropolluants
Actuellement, les moyens utilisés pour contrôler le rejet de ces substances sont essentiellement :
- L’utilisation de matières premières moins polluantes.
- Le traitement des eaux usées urbaines et industrielles: les techniques de décantation et de filtration, de digestion anaérobie (par méthanisation) ou les traitements chimiques permettent d’éliminer une partie (mais une partie seulement) des micro-organismes présents dans les effluents, qu’ils soient en suspension ou dissous.
- La réutilisation des eaux traitées dans les processus de production.
- La surveillance de la qualité de l’air, de l’eau et des sols et les règlementations locales (limites de rejet, exigences en matière d’épuration des eaux en fonction des caractéristiques territoriales, ou encore renforcement des mesures de surveillance).
- La sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes (industries, fournisseurs, populations locales, etc.), le cycle de l’eau étant peu connu et l’impact des micropolluants présents dans les produits utilisés, mal appréhendé.
Des innovations et des tendances en cours
Le traitement des micropolluants est complexe et les technologies classiques ne permettent pas de les isoler totalement. Heureusement, depuis quelques années, de nombreuses innovations voient le jour :
- Les traitements avancés des eaux usées urbaines et industrielles : des technologies comme la photocatalyse, l’oxydation avancée, l’ozonation, l’adsorption sur charbon actif, l’osmose inverse ou la bioremédiation parviennent à éliminer la quasi-totalité des micropolluants comme les résidus de médicaments, les métaux lourds, les pesticides, les hydrocarbures ou les perturbateurs endocriniens.
- Le traitement des fumées industrielles: les filtres électrostatiques ou les filtres à charbon actif permettent de retenir la majorité, voire la totalité des microparticules volatiles.
Ces systèmes d’épuration utilisent généralement le couplage de deux technologies, mais tendent désormais à en associer quatre pour plus d’efficacité. On parle de traitement quaternaire.
Ils peuvent par ailleurs être optimisés par :
- Les technologies de surveillance en temps réel: elles permettent de détecter les micropolluants et fournissent des données en continu.
- Les technologies de récupération des métaux et des nutriments: les métaux (cuivre, cadmium, etc.) ainsi récupérés lors de l’épuration par filtration membranaire ou par adsorption sur charbon actif, par exemple, sont réutilisés dans les processus industriels. De la même manière, les nutriments (azote, phosphore, etc.) collectés lors du traitement par osmose inverse ou précipitation, entre autres, peuvent offrent une alternative aux fertilisants synthétiques dans l’agriculture.
- Le développement de partenariats pour allier des savoir-faire ou développer de nouvelles solutions.
Lancé en 2013, l’Appel à projets « Innovation et changement de pratiques : micropolluants des eaux urbaines », lancé par l’OFB (Office français pour la biodiversité), les agences de l’eau et le ministère de la transition écologique, a permis de faire émerger diverses solutions de lutte contre les résidus de médicaments et cosmétiques et les rejets hospitaliers, de gestion intégrée des micropolluants dans les réseaux collectifs d’assainissement et de gestion de la pollution drainée par temps de pluie.
Participer à la lutte contre les micropolluants : études de cas
La ville de Paris, par l’intermédiaire du SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne), a mis en place un système de surveillance de la qualité de l’eau de la Seine, en installant des capteurs capables de mesurer en temps réel les niveaux de pollution. Les données sont ainsi collectées et analysées pour identifier les sources polluantes et mettre en place des mesures de contrôles appropriées.
Le Groupe Danone, qui souhaite atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici 2050, a créé un partenariat avec Véolia. En mettant leur savoir-faire en commun, les deux entreprises devraient permettre au géant de l’agroalimentaire de mieux valoriser ses déchets et notamment d’atteindre rapidement le « zéro rejet liquide » sur l’ensemble de ses 170 usines. Un moyen de lutter efficacement contre le rejet de polluants.
Une lutte contre les micropolluants qui s’accélère
Face au danger que représentent les micropolluants pour l’environnement et la santé, la règlementation se durcit, l’objectif étant avant tout de réduire les émissions de ces substances à la source.
À l’image des projets retenus dans le cadre de l’Appel à projets lancé par l’OFB, les agences de l’eau et le ministère de la transition écologique, les éco-innovations ne cessent de se développer. Grâce à des technologies de plus en plus avancées (surveillance et traitement), les industries et collectivités territoriales peuvent donc désormais maîtriser leurs rejets et, éventuellement, « boucler la boucle » en valorisant leurs déchets par la réutilisation des matières premières dont ils sont composés, par exemple.