Le traitement des eaux usées urbaines et industrielles génère des résidus solides : les boues d’épuration. Celles-ci pouvant contenir de grandes quantités de substances nocives pour l’environnement et la santé publique, leur gestion est très règlementée. Pour les industries et les collectivités, elle implique par ailleurs des installations d’assainissement dont le coût peut être décourageant.
Une question se pose alors : plutôt que de ne considérer ces boues résiduaires que comme des déchets à éliminer, ne faudrait-il pas les envisager aussi comme des ressources ? Dans un contexte d’économie circulaire, le traitement des boues est en effet aujourd’hui l’occasion pour elles de préserver l’environnement et la santé humaine tout valorisant de précieuses matières premières.
Gestion des boues d’épuration : normes et règlementations
Afin de protéger l’environnement et la santé publique, le traitement, le transport et l’élimination des boues sont soumis à une règlementation stricte. Les boues de STEP (station d’épuration des eaux usées) étant considérés comme des déchets (art. R211-27 du Code de l’environnement), tout producteur est soumis à la règlementation relative aux déchets, conformément à l’art. L541-2 du CE.
Au niveau national et européen, la gestion des boues est plus spécifiquement encadrée par les articles R211-25 à R211-30 et R214-1 à R214-6 du CE, le Code général des collectivités territoriales, le Code de la santé publique et diverses directives européennes, notamment. Cette règlementation est complétée, à un niveau local, par des normes adaptées aux enjeux environnementaux du territoire.
Notez qu’en cas de manquement à leurs obligations, les entreprises et collectivités peuvent encourir amendes et sanctions. Il est donc nécessaire que celles-ci mettent en place des installations d’assainissement adaptées. Le site aida.ineris.fr permet de suivre la règlementation en vigueur.
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Traitement des boues d’épuration : 3 grandes étapes
Issues des stations d’épuration, les boues résiduaires sont composées de matières organiques et minérales, mais aussi d’une importante quantité d’eau. Elles peuvent également contenir des micro-organismes pathogènes, des métaux lourds, des résidus chimiques, antibiotiques ou radioactifs. Avant d’être valorisées ou éliminées, elles doivent donc subir divers traitements visant à en réduire le volume pour en faciliter le stockage et le transport ainsi qu’à les stabiliser pour minimiser le risque de mauvaises odeurs et de contamination.
On distingue trois étapes principales :
- L’épaississement: cette première étape consiste à séparer les phases solides et liquides des boues, par gravitation ou flottation, afin d’en réduire la teneur en eau. En sortie, la siccité (taux de matière sèche) est d’environ 6 à 8 %.
Cette phase peut être précédée d’un pré-traitement (par ajout de floculant).
- La déshydratation: les procédés de filtration, centrifugation ou par géomembranes permettent d’atteindre une siccité comprise entre 15 et 40 %. Le séchage peut compléter cette étape afin d’obtenir des boues solides. Les procédés thermiques, chimiques, par lit de séchage ou par séchage solaire sont alors utilisés.
- La stabilisation: elle permet de produire des boues débarrassées d’agents pathogènes (responsables de contamination biologique) ou de matières organiques fermentescibles (responsable des mauvaises odeurs et des émissions de gaz à effet de serre). Les procédés de stabilisation sont de nature biologique (digestion aérobie par compostage ou anaérobie par méthanisation, par exemple), chimique (chaulage) ou thermique.
Le choix du procédé d’assainissement dépend de la composition des boues d’épuration – caractérisée par la siccité (taux de matière sèche), la teneur en matières volatiles sèches (MVS), en matières organiques (MO) ou encore en éléments-traces métalliques (ETM) – et de leur destination finale.
4 destinations des boues après traitement
Après un traitement approprié, les boues sont soit valorisées, soit éliminées. Il existe quatre possibilités :
- La valorisation énergétique: elle consiste à produire du biogaz par le procédé de méthanisation. Ce biogaz peut alimenter un moteur de cogénération (production de chaleur et d’électricité), être injecté dans le réseau de gaz naturel (biométhane ou « gaz vert ») ou être utilisé comme carburant (bioGNV).
- La valorisation en agriculture: le digestat, matière résiduelle issue de la méthanisation, est utilisé en épandage comme fertilisant. Lorsque leur composition le permet, les boues peuvent également être destinées au compostage. Ces deux solutions permettent de réduire l’utilisation de produits chimiques et coûteux. Toutefois, il faut veiller à ce que les boues ne contiennent pas de métaux lourds ou d’agents pathogènes susceptibles de contaminer les sols et les eaux souterraines. Le compostage peut également créer des nuisances olfactives.
Lorsque leur composition ou les infrastructures ne permettent pas leur valorisation, les boues sont alors éliminées. Deux possibilités :
- L’incinération: elle permet également de produire de la chaleur ou de l’énergie, mais peut produire des fumées toxiques et a un coût relativement élevé.
- La mise en décharge, Centre d’Enfouissement Technique (CET) ou Centre de stockage des déchets (CSD) : cette solution de dernier recours n’est pas sans danger pour l’environnement et la santé. Elle est donc assez mal perçue. Les déchets résiduaires sont éliminés selon leur nature : de classe 1 (déchets dangereux ou industriels spéciaux), de classe 2 (déchets ménagers et assimilés) et de classe 3 (déchets inertes).
Adopter une gestion intégrée des boues d’épuration, une solution rentable
Grâce à des technologies de plus en plus innovantes, les boues d’épuration sont aujourd’hui devenues une ressource à exploiter : outre le biogaz et le fertilisant qu’elles permettent de fournir, elles sont, dans certains cas, une importante source de nutriments (phosphore, potassium, azote, etc.) ou de métaux (cuivre, zinc, cadmium, etc.) qu’il est possible de récupérer. Elles peuvent également être réutilisées dans les process industriels pour la fabrication de matériaux de construction.
Parmi ces technologies, on peut noter :
- L’ozonation: un procédé d’assainissement très efficace pour détruire les bactéries et virus en vue de la réutilisation ou la valorisation des boues.
- La filtration membranaire: cette solution permet de filtrer des particules solides très fines telles que les métaux.
- La digestion anaérobie avancée et le traitement enzymatique : ils améliorent sensiblement la conversion des boues en énergie et accélèrent la dégradation des matières organiques. Ils offrent ainsi un meilleur rendement en biogaz et une réduction optimale des émissions de gaz à effet de serre.
- Les traitements à faibles coûts énergétiques comme la déshydratation naturelle (lit de séchage et séchage solaire), le compostage ou la phytoremédiation.
En combinant divers systèmes de traitement, les industries et les collectivités peuvent ainsi optimiser la gestion de leurs boues d’épuration. Pour cela, elles doivent adopter une gestion intégrée qui suppose une vision d’ensemble : quelles sont les caractéristiques des boues en sortie de station d’épuration ? Quelles sont les différentes parties prenantes ? Quelle est la règlementation locale ? Quels sont les opportunités et les objectifs visés ?
La valorisation des boues d’épuration : une solution durable et rentable
Dans un contexte de transition écologique, l’assainissement des eaux usées urbaines et industrielles est désormais inévitable. Grâce à une gestion intégrée des boues d’épuration et aux avancées technologiques, il est désormais possible de réduire son impact environnemental tout en tirant profit des matières premières que celles-ci fournissent.
Avec le soutien des politiques locales et régionales, industries et collectivités peuvent aujourd’hui s’inscrire dans une démarche de transition énergétique et d’économie circulaire.