Au-delà de ses applications traditionnelles en industrie (chimie et raffinage des produits pétroliers surtout), l’hydrogène présente un fort potentiel pour la transition énergétique : il peut contribuer à décarboner certains secteurs dont celui des transports et il peut servir à stocker les excédents de production d’énergies renouvelables. Encore faut-il qu’il soit produit proprement (cf. électrolyse de l’eau et énergies bas carbone) et non plus à partir d’hydrocarbures comme c’est encore à 95% le cas aujourd’hui. Toute une filière se structure actuellement autour d’acteurs historiques mais aussi de jeunes pousses particulièrement innovantes.

 

En juin 2018, le ministère de la transition écologique et solidaire a lancé un Plan national Hydrogène en trois axes :

  • décarbonation de l’hydrogène industriel (10% en 2023 et entre 20% et 40% en 2028),
  • production d’hydrogène décarboné pour la mobilité (véhicules légers et lourds)
  • accompagnement de la montée en puissance du stockage de l’énergie.

Un an après, le Contrat Stratégique de Filière « Industries des nouveaux systèmes énergétiques 2019-2021 » a fixé l’objectif de produire de l’hydrogène décarboné compétitif pour tous les usages (industrie, mobilité, power-to-gas, stockage d’énergie) d’ici dix ans. Sont ainsi privilégiés le déploiement des technologies matures et le soutien à l’innovation des technologies d’avenir et de stockage d’hydrogène décarboné. Le projet, piloté par l’Afhypac, compte de nombreux participants dont Air Liquide, CEA, Edf, Engie, Enedis, Grdf, Grtgaz, Rte, Storengy, Terega, Total, Vinci mais aussi des pôles de compétitivité et des collectivités territoriales.

 

L’hydrogène : un vecteur énergétique


L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique. C’est l’énergie qu’il contient qui est utilisée soit en la brûlant (la combustion d’1 kg d’H2 libère trois fois plus d’énergie que celle d’1 kg d’essence et ne produit que de l’eau), soit par une pile à combustible (l’H2 couplé à un apport d’air et introduit dans une PAC permet de produire de l’électricité en ne rejetant que de l’eau).

 

Quelle concrétisation aujourd’hui ?

En 2019, l’Etat a apporté près de 92 M€ de financement pour accélérer le développement de la filière. Sur ce total, 11,5 M€ sont consacrés aux cinq lauréats de l’appel à projets visant à décarboner les usages industriels. Deux de ces projets portent sur l’hydrogène fatal (un par Kem One dans la pétrochimie, un autre par Storengy et Engie Solutions dans l’agroalimentaire) et les trois autres concernent la production sur site via un électrolyseur (deux par Engie Solutions : dans la pharmacie et l’agroalimentaire et un par Hynamics dans la chimie des matériaux). Et 80 M€ vont servir à financer les vingt lauréats de l’appel à projets « Mobilité hydrogène » lancé fin 2018, ce qui devrait permettre de déployer 43 stations-services spécifiques et 158 poids-lourds.

En ce début 2020, le ministère prépare un autre programme de soutien. Il a déjà lancé un AMI « Projets d’envergure sur la conception, la production et l’usage des systèmes à hydrogène » en vue d’identifier les projets structurants pour la filière et d’accélérer le développement à grande échelle de briques technologiques innovantes sur des projets industriels et d’infrastructure. Les soutiens viendront d’appels à projets nationaux ou de démarches au niveau européen (projets d’intérêt européen commun, fonds innovation). Un autre AMI lancé fin janvier doit aider à l’émergence de la mobilité hydrogène dans le secteur ferroviaire (cf. trains bi-mode électrique / hydrogène permettant de réduire la traction Diesel).

 

 

La production d’hydrogène vert se développe dans les territoires

Les projets de production d’H2 se multiplient au niveau des territoires. Dijon, par exemple, va alimenter sa flotte de véhicules propres grâce à sa propre unité de production, elle-même alimentée par de l’électricité issue de l’incinération des déchets (500 kg/jour). En Vendée, un site pilote alimenté par l’énergie éolienne (300 kg/jour) va fournir les stations des entreprises et collectivités (cf. Lhyfe). Le projet Hygreen Provence visant à produire, stocker en cavité saline et distribuer de l’hydrogène ‘vert’ à l’échelle industrielle devrait, à terme, couvrir plusieurs usages : mobilité, alimentation en chaud et froid d’un éco-quartier de l’agglomération, industrie. En Bretagne, la nouvelle entité Hygo associant Engie, Energies Morbihan et Michelin va produire de l’hydrogène vert local qui couvrira les besoins industriels de Michelin et alimentera une station de recharge pour véhicules légers.

Notons aussi que McPhy, leader français de l’H2 bas carbone, a été choisi en janvier dernier pour équiper aux Pays-Bas la plus grande unité de production d’hydrogène par électrolyse d’Europe (20 MW ; 3 000 t/an).

 

Quelques exemples d’opérations récentes

Dans les domaines de l’énergie, le vecteur hydrogène peut favoriser localement l’autoconsommation d’EnR (bâtiments, îlots, villages dans zones non interconnectées). Powidian, par exemple, fournit des stations autonomes de production d’électricité avec solutions de stockage hydrogène intégré. L’entreprise, qui propose également des installations microgrid avec chaîne hydrogène, a mis en place une plateforme de développement industriel pour accueillir des projets de tous horizons. Autre exemple, Sylfen et le CEA ont développé le « smart energy hub », un système hybride de stockage et de cogénération qui utilise le vecteur hydrogène. Basé sur la technologie rSOC associant un électrolyseur et une PAC à oxyde solide réversible, ce système permet de stocker les surplus de production d’électricité en local dans le bâtiment, en alternative à l’injection sur le réseau. Enfin, le stockage par hydrogène peut aussi se concevoir à grande échelle. Ainsi par exemple, la CNR mise dessus pour couvrir ses futurs besoins.

L’hydrogène peut par ailleurs apporter de la flexibilité aux réseaux énergétiques. Dans le secteur gazier, le ‘power-to-gas’ permet une valorisation par injection directe dans les réseaux pour combustion, ou par production de méthane de synthèse qui peut ensuite être transformé en chaleur, en électricité ou en carburant. Par exemple, le démonstrateur Jupiter 1000 à Fos-sur-Mer produit de l’hydrogène via deux électrolyseurs McPhy alimentés par des EnR fournies par la CNR et l’injecte ensuite dans le réseau Grtgaz.

 

Il n’y a pas de véhicules hydrogène mais des véhicules électriques à pile à combustible hydrogène.

 

Dans le domaine de la mobilité, le vecteur hydrogène apporte des solutions propres et flexibles. L’hydrogène est alors stocké et embarqué dans le véhicule en tant que réserve d’énergie. Par exemple, les « Businova » développés par Safra et Symbio et déjà déployés à Versailles, Auxerre, Toulouse et au Mans se rechargent en 30 minutes même dans des stations de moyenne capacité (< 80 kg/jour) pour une autonomie de 300 km. Des avancées se font jour aussi dans le transport ferroviaire (ex. : projet de TER H2 dans quatre régions de l’Est d’ici 2025), le fluvial (ex. : projet européen H2Ships) et le maritime (ex. : navettes de tourisme, solutions testées par Energy Observer, coopération Armateurs de France / Afhypac, etc.).

 

 

Pour aller plus loin :

  • L’Agence internationale de l’énergie a publié en juin 2019 le rapport « The Future of Hydrogen – Seizing today’s opportunities ». Elle y pointe les trois défis majeurs de l’hydrogène (réduire les coûts de production, développer des infrastructures et mettre en place une législation favorable à la production d’H2 décarboné), identifie quatre opportunités clés et propose sept recommandations pour y parvenir (www.iea.org).

  • SIAPartners a publié en février 2020 un rapport sur « La filière hydrogène-énergie en France». Ce rapport rappelle les enjeux environnementaux, détaille les nouveaux usages aux perspectives prometteuses, décrit la structuration des acteurs français et expose les stratégies et défis de la filière (www.sia-partners.com)

  • La plateforme filière automobile et mobilité (PFA) a publié en février 2020 une position technique de filière « Hydrogène et pile à combustible» (www.pfa-auto.fr).

  • Pollutec propose une offre unique au monde de matériels et services pour les secteurs de l’énergie et de l’efficacité énergétique à destination des industriels, des collectivités et du bâtiment ( https://www.pollutec.com/fr-fr/a-propos/secteurs/energie-efficacite-energetique.html).

 

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