Emplois créés, emplois détruits, montée en compétences…, tout cela revient en boucle quand on aborde le sujet crucial des emplois et compétences pour la transition écologique. Il n’est cependant pas évident de se faire une idée claire tant les sources diffèrent, quand ce n’est pas la définition même des « métiers verts ». Nous nous baserons ici sur les premières grandes tendances retenues dans le cadre de la stratégie Emplois & Compétences en cours de réalisation par le SGPE.

Selon le Secrétariat général à la planification écologique, la transition écologique concernerait près de 8 millions d’emplois (en équivalents temps plein de 2019) et pourrait être créatrice nette de 150 000 emplois d’ici 2030. Ces emplois concernent notamment l’industrie (ré-industrialisation, gigafactories…), l’énergie (électrification, bioénergies…), le bâtiment (rénovation) et les transports (transport routier de voyageurs, vélo, ferroviaire, aéronautique…).

Ce gain masque toutefois des reconfigurations profondes entre secteurs, le total de 150 000 ETP constituant la différence entre 400 000 ETP créés pour répondre aux nouveaux besoins dans des secteurs existants ou dans le cadre de nouvelles filières telles que l’hydrogène, les batteries ou les PAC et 250 000 ETP détruits dans des secteurs comme l’automobile, le fret routier ou le raffinage. Autant de reconfigurations qui nécessitent un travail d’accompagnement en profondeur dans les territoires selon le SGPE qui souligne en outre le risque élevé de postes non pourvus à cause d’un renouvellement générationnel insuffisant.

Parallèlement à cela, il reste des « incertitudes dans certains secteurs comme le bâtiment et l’agriculture dont la trajectoire en emplois nets dépendra de choix de société (construction neuve / rénovation, agroécologie…) ainsi que l’économie circulaire dont le potentiel est important et pérenne mais sans prospective claire à date ». Le SGPE précise aussi que les métiers dont le nombre d’actifs serait amené à croître fortement sont « souvent plus exigeants physiquement, ce qui pourra affecter les choix des futurs actifs ».

Quels métiers en tension ?


Selon le SGPE, les principaux métiers en tension en 2030 sont, par secteur :

Agriculture : agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons

Bâtiment : ouvriers qualifiés des TP, du gros œuvre et du second œuvre, conducteurs d’engins du BTP

Industrie / Energie : techniciens et agents de maîtrise des industries mécaniques, ouvriers du textile et du cuir

Transports : ouvriers qualifiés de la manutention, conducteurs de véhicules, agents d’exploitation des transports.

 

Le recrutement et la formation : des défis majeurs

Les besoins en matière de recrutement et de formation dans les domaines de la transition écologique comme la rénovation énergétique des bâtiments, l’industrie ou les transports constituent un défi majeur pour le SGPE qui considère que tous les actifs devront être progressivement formés à des degrés variés aux enjeux de la transition, l’ensemble des secteurs étant impactés à terme.

Pour lui, la formation initiale sera déterminante pour permettre à la nouvelle classe d’âge de maîtriser les bons gestes et comportements pour 2030, ce qui implique d’avoir revu en profondeur une grande partie des enseignements professionnels dans les secteurs les plus concernés.

Il précise aussi qu’une partie des besoins futurs sera pourvue par la massification de compétences et de métiers déjà existants, notamment pour l’industrie et l’énergie, ce qui nécessitera d’ajuster les places de formation.

Enfin, le SGPE souligne que, les territoires ayant un rôle central pour relever ces défis collectifs, il conviendra de les associer au plus tôt, en particulier les régions.

 

Les organismes de formation généralistes s’y mettent aussi

S’il existe tout un panel de formations initiales pour les métiers de l’environnement du CAP aux écoles d’ingénieurs, en passant par les Bacs pro, les BTS, les BTSA, les cursus universitaires (licences, masters) ou encore les BUT (bachelors universitaires de technologie, ex-DUT) dont le BUT Génie biologique ou le BUT HSE, les organismes de formation généralistes intègrent de plus en plus les questions liées à la transition environnementale de manière formelle. Parmi les exemples les plus récents figurent le CNAM, Sciences Po, l’Estaca ou encore l’Ecole Polytechnique.

Le CNAM a lancé en septembre 2023 l’Ecole des Transitions Ecologiques et l’Ecole de l’Energie. La première vise à répondre aux besoins des métiers porteurs d’emplois (santé, mobilité décarbonée, rénovation des bâtiments, logistique, technique, matériaux, prospective et culture), préparer aux métiers d’avenir (data scientist, développeur de logiciel, ingénieur en IA, chargé de RSE, designer économie circulaire) et aux métiers « verts » (assainissement, traitement des déchets, distribution de l’eau ou de l’énergie, industrie verte…) et à permettre aux professionnels de mieux prendre en compte les problématiques environnementales. L’Ecole de l’Energie porte surtout sur la décarbonation industrielle, le bâtiment, les mobilités, la production et le transport d’énergie. Chacun peut élaborer son parcours de formation au plus près de ses besoins et aspirations à partir des cent modules proposés.

Sciences Po a créé en novembre 2023 l’Institut pour les transformations environnementales, une structure transversale qui a vocation à irriguer l’ensemble de l’institution, en plus de ce qu’elle propose depuis quelques années (ex. : cours de culture écologique de 24 heures pour tous les élèves en bachelor, travaux sur les transformations environnementales, atelier interdisciplinaire de recherche sur l’environnement, chaire européenne Développement durable et transformation climatique, etc.).

L’Estaca propose une nouvelle spécialité liée à l’innovation et à la décarbonation de l’aviation pour les 5es années sur son campus de Bordeaux. L’objectif est de former des ingénieurs prêts à contribuer au déploiement de solutions innovantes pour atteindre la neutralité carbone et réduire fortement les émissions de GES d’ici 2030. La formation en sept modules est couplée avec un projet industriel et un stage de 24 semaines.

L’Ecole Polytechnique va proposer aux 2es années du cycle ingénieur un cours sur l’ingénierie durable à partir de la rentrée 2024. Ce cours collégial (il sera donné par 8 départements d’enseignement et de recherche) entend apporter en 40 heures une vision systémique, des connaissances scientifiques ainsi que divers outils.

Notons par ailleurs que Veolia vient de fonder une école dédiée à la transition écologique : Terra Academia, présidée par Jean-Louis Blanquer, dont l’ambition est de former plus de 60 000 personnes et mobiliser plus de 100 000 jeunes dans des parcours de découverte des métiers d’ici 2030. Un premier campus a été inauguré à Arras le 18 mars et un autre doit l’être prochainement à Paris, l’idée étant de réaliser une implantation dans toutes les régions françaises d’ici cinq ans et même à l’échelle internationale d’ici deux ans. Ce dispositif de formation sur mesure s’adresse à la fois aux jeunes, aux professionnels en activité ou en reconversion, aux cadres territoriaux et aux élus.

 

On le voit, les offres de formation s’adaptent de plus en plus aux réalités du terrain. Tout cela répond aux besoins toujours croissants de montée en compétences face aux réalités de la transition en cours et se trouve boosté par la CSRD (directive européenne sur le reporting de durabilité) récemment entrée en vigueur et qui incite les entreprises à s’investir pour transformer leurs compétences.

Les métiers cadres dans une dynamique de verdissement


L’Association pour l’emploi des cadres (APEC) a publié en septembre 2023 une étude portant sur le verdissement des métiers cadres du secteur privé. Il en ressort que s’ils sont encore peu nombreux (près de 25 000), les emplois et métiers cadres à finalité environnementale vont continuer à se développer. Les offres d’emplois sont en augmentation (+ 48 % entre 2019 et 2022, avec 12 000 offres publiées pour la seule année 2022). Les métiers les plus concernés sont ceux de l’énergie et de l’aménagement du territoire / cadre de vie / biodiversité. Ceux qui tendent à baisser sont, en revanche, ceux liés à l’analyse et à la gestion des risques. L’APEC souligne que devenir acteur de la transition écologique, c’est adopter une politique RSE plus engagée dans le domaine de l’environnement et une politique du changement. Si cette politique du changement est le plus souvent impulsée par la direction, les cadres RH ont un rôle accru à jouer dans la mesure où ils doivent s’assurer de la montée en compétences de chaque salarié dans différents domaines.

A noter : le CNED et l’APEC ont noué un partenariat stratégique pour déployer la formation « B.A.-BA du climat et de la biodiversité » créée par le CNED. Cette formation en ligne, publique et gratuite vise à répondre à la demande croissante de sensibilisation et de formation aux enjeux environnementaux au sein du monde professionnel. Cinq modules d’une heure à 1h30 sont proposés. Les connaissances sont validées via un quizz et l’obtention d’un badge numérique. Une fois que l’apprenant a obtenu les cinq badges, il reçoit le badge « B.A.-BA du climat et de la biodiversité » qui certifie l’ensemble du parcours de formation.

 

 

En savoir plus :

Rapport APEC « Transition écologique, la dynamique de verdissement des métiers cadres est engagée », septembre 2023. Ce rapport propose aussi des fiches spécifiques identifiant les impacts de la TE sur différents métiers cadres : RH & formation; Commerce & vente; Communication / création / culture; Ingénierie automobile; Ingénierie chimique; Ingénierie électronique; Informatique & SI; Travaux & chantiers; Transports urbains; Logistique; Production industrielle & maintenance; Process & méthodes; Achats. Chaque fiche présente les principaux signes du verdissement et les principales implications en matière de missions et de compétences

 

 

À lire :  Stratégie emplois et compétences pour la planification écologique 

 

 

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