Vert, jaune, gris, bleu, etc., l’hydrogène se décline en plusieurs couleurs et change donc au regard des observateurs. Au milieu d’une société tournée vers ses préoccupations d’avenir en termes de transition énergétique, de telles appellations ne sont rien d’autre que des raccourcis permettant d’identifier une énergie répondant graduellement aux différents objectifs fixés (diminution des émissions de carbone, développement des énergies renouvelables, abandon progressif des énergies fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon, etc.).
Hydrogène décarboné: une solution prometteuse pour les collectivités
L’hydrogène décarboné se présente comme une solution prometteuse pour l’industrie mais aussi pour les collectivités. C’est tout l’objet des pages de ce livre blanc.
Nous allons découvrir ensemble que les références à l’hydrogène vert (ainsi qu’aux autres couleurs) sont corrélées non pas à l’hydrogène en soi, mais à la méthode utilisée pour sa production. Car selon les technologies utilisées, il existe de nombreuses combinaisons possibles pour la production d’hydrogène et toutes impactent les variables chères à nos préoccupations légitimes :
- production écoresponsable visant de basses émissions de carbone (objectif -55 % pour l’Europe d’ici 2030 depuis la COP 27) ;
- maîtrise du coût de production afin de cadrer les prix de l’énergie sur un marché donné (actuellement oscillant sur un facteur x3 pour la production d’hydrogène) ;
- recouvrer une indépendance énergétique même partiellement améliorée (taux d’indépendance énergétique de la France de 55,5 % en 2020) ;
- etc.
Pour bien nous imprégner des données indispensables à cette compréhension, nous expliquerons dans un premier temps ce qu’est l’hydrogène ainsi que les différentes méthodes utilisées pour sa production. Parallèlement, nous nous intéresserons aux énergies nécessaires à la production de l’hydrogène.
C’est alors que nous pourrons décliner quatre couleurs de l’hydrogène produit (vert, gris, bleu et jaune) en expliquant ce que représentent ces couleurs par rapport à l’hydrogène en question.
L’hydrogène, un élément naturel
L’hydrogène (appellation chimique H2) est une molécule constituée de deux atomes d’hydrogène ayant chacun un noyau composé d’un seul proton autour duquel gravite un seul électron. C’est le composé le plus léger et le plus abondant de l’univers (90 % de la matière et 75 % de la masse universelle).
Pourtant, bien que très présent, l’hydrogène est dur à capter, car il est majoritairement constitutif d’une molécule (présent dans l’eau [H2O], dans le méthane [CH4], l’ammoniac [NH3], etc.). Il faut donc procéder à une captation de l’atome auprès de la molécule pour pouvoir l’utiliser. L’industrie possède le savoir-faire et les technologies nécessaires pour accomplir un tel processus. Mais peu importe le procédé utilisé : il nécessite de l’énergie !
Il existe quelques flux d’hydrogène à l’état naturel (obtenus par diagenèse ou radiolyse) et l’atmosphère contient des toutes petites quantités de gaz d’hydrogène (0,5 ppm). Mais pour l’heure, l’exploitation et l’utilisation de ces flux restent encore un obstacle technologique et l’incertitude concernant le nombre et la taille de ces « flux » est encore complète. Il existe quelques rares exemples d’exploitation de flux d’hydrogène naturel (comme à Bourakébougou au Mali).
Bien qu’omniprésent à l’échelle de notre monde et celle d’un individu (nous sommes composés à 75 % d’eau et donc d’hydrogène), la réalité est que l’hydrogène est peu accessible autrement qu’à le capter au niveau atomique, ce qui induit une énergie.
Méthodes de captation et énergies induites
Nous l’avons vu, l’hydrogène est omniprésent, caché derrière d’autres atomes et molécules. Il faut alors aller le récupérer et l’isoler en le séparant des autres atomes. Pour ce faire, une énergie va être employée à « casser » les liaisons atomiques de l’hydrogène au sein de la méthode retenue.
Les procédés couramment utilisés pour isoler l’hydrogène sont :
- l’électrolyse de l’eau (nécessite de l’électricité et ne produit aucun rejet de CO2 ou autre gaz à effet de serre) ;
- le vaporeformage d’un gaz carboné (méthane par exemple), qui isole l’hydrogène du carbone grâce à de la vapeur d’eau et le carbone est ensuite rejeté sous forme de CO2 (gaz à effet de serre) ;
- la gazéification du charbon (procédé qui produit également un échappement du carbone contenu dans le charbon grâce à une haute température [jusqu’à 1400 °C]).
Ces techniques ont toutes un point commun : le besoin d’une énergie permettant d’effectuer l’électrolyse ou encore de chauffer de la vapeur d’eau. Or, la production de cette énergie nécessaire est par ailleurs prise en compte dans le bilan final de la production de l’hydrogène. Par exemple, pour l’électrolyse de l’eau, il faut près de 60 kWh pour produire 1 kg d’hydrogène. Concomitamment, lors d’une captation par vaporeformage par exemple, le rejet de CO2 sera 10 fois supérieur à l’hydrogène produit.
Il faut donc considérer que pour produire de l’hydrogène :
- il existe plusieurs processus (électrolyse de l’eau, vaporformage, gazéification, etc.) ;
- une source d’énergie est nécessaire (électricité, pétrole, gaz, charbon, etc.) ;
- la production crée un effet d’apparition de produit carboné (souvent sous forme de gaz), excepté pour le procédé d’électrolyse de l’eau.
Les différentes combinaisons possibles entre le procédé de production de l’hydrogène ainsi que la source d’énergie choisie vont permettre d’attribuer à l’hydrogène une appellation colorée pour réussir à mieux le définir, sans avoir à expliciter l’ensemble du processus de production.
Application et mise en pratique
Comme nous avons pu le comprendre, l’hydrogène est toujours de l’hydrogène. Qu’il ait l’appellation d’hydrogène vert, bleu, gris ou jaune ne change rien à son état chimique : H2. Alors, comment faire la bonne lecture de ces couleurs selon ce que nous venons de voir ?
L’hydrogène vert
L’hydrogène vert est un hydrogène obtenu de manière vertueuse et écoresponsable. Le procédé utilisé sera nécessairement l’électrolyse de l’eau (afin de ne rejeter aucun produit carboné suite à la captation). Par ailleurs, l’énergie utilisée sera obligatoirement renouvelable (éolien, photovoltaïque, hydro-électrique). Ainsi, à aucun moment, il n’y a production de gaz à effet de serre (type CO2) dans l’ensemble du processus ni de consommation d’énergies fossiles.
L’hydrogène gris
L’hydrogène gris est issu d’une captation sur un produit initialement carboné (gaz méthane, gazéification du charbon, etc.). Il y a donc création de carbone lorsque les atomes d’hydrogène sont retirés de la molécule initiale. Par exemple, une molécule de gaz méthane (CH4) rejette un atome de carbone (C) pour 4 atomes d’hydrogène (H). Par ailleurs, l’énergie fournie pour chauffer la vapeur d’eau nécessaire peut provenir des énergies fossiles et ainsi alourdir le bilan carbone de l’opération.
À retenir : même lorsque la source du gaz n’est pas fossile (il existe du méthane issu de la dégradation de la biomasse), l’hydrogène produit reste gris, car créateur de carbone.
L’hydrogène bleu
L’hydrogène bleu est le même que l’hydrogène gris à ceci près que le carbone issu de la molécule initiale (molécule de méthane pour reprendre l’exemple au-dessus) est capté à son tour pour ne pas être rejeté dans l’atmosphère. Ainsi, il devient du carbone solide et peut être ensuite transporté puis stocké à un endroit déterminé où il ne produira aucun effet de serre. Une telle technique suppose des moyens supplémentaires et donc un coût de production plus élevé.
L’hydrogène jaune
Tout comme l’hydrogène vert, il ne peut provenir que de l’électrolyse de l’eau. Toutefois, l’électricité nécessaire à cette électrolyse peut provenir d’une centrale nucléaire (comme en France). L’énergie nucléaire utilisant un combustible de type uranium (ni fossile ni renouvelable), l’hydrogène qui en résulte n’est ni vert ni gris, il est jaune, tout comme le logo de radioactivité lié au nucléaire.
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