Les promesses et les problématiques de l’hydrogène vert

Les enjeux de l’hydrogène vert sont nombreux et porteurs d’une possible réponse à la gloutonnerie énergétique de nos sociétés tout en préservant l’environnement. La transition énergétique amorcée dans de nombreux pays a pour objectif de modifier les habitudes de consommation d’énergies (fossiles, nucléaires ou renouvelables), autant que les modes de production de ces mêmes énergies.

Depuis l’avènement de l’ère industrielle, le monde a dopé son développement aux énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) de manière croissante (+5,6 % de gaz naturel en 2021, dépassement des 95 millions de barils de pétrole/jour en 2021, + 5,8 % de charbon en 2021 à raison de 8 millions de tonnes). La tendance ne s’inverse pas, au contraire. L’impact sur l’environnement est réel et avéré (réchauffement climatique, émissions croissantes de gaz à effet de serre de type CO2, effondrement de la biodiversité, etc.).

 

Hydrogène décarboné: une solution prometteuse pour les collectivités

L’hydrogène décarboné se présente comme une solution prometteuse pour l’industrie mais aussi pour les collectivités. C’est tout l’objet des pages de ce livre blanc.

 

Face à cela, nous verrons en quoi l’hydrogène vert peut être une solution efficace à la hauteur de son mode de production décarboné. Mais nous verrons également que ce procédé de production n’est pas sans difficulté, et que cette source d’énergie propre (et théoriquement inépuisable) n’est pas si accessible dans la pratique à l’échelle d’une industrie ou même d’un pays.

Rappelons ici que l’hydrogène vert est le produit de l’électrolyse de l’eau (seule méthode de production sans aucun carbone) et que l’électricité utilisée par cette électrolyse doit impérativement provenir des énergies renouvelables (éolienne, solaire photovoltaïque, hydro-électricité).

Hydrogène vert : les problématiques à résoudre-1

L’eau pure comme matière première

La première difficulté commence avec la matière première : l’eau. En effet, afin de produire une électrolyse qui « casse » les liaisons atomiques de l’eau (H2O) pour fournir ainsi du dihydrogène (H) et du dioxygène (O), l’eau doit être pure pour ne pas charger le processus d’électrolyse et/ou produire des résidus indésirables.

Or, l’eau pure, ce n’est qu’un concept tant l’eau possède des qualités évidentes de solvant. Par ailleurs, elle se charge de molécules volatiles lorsqu’elle tombe sous forme de pluie ou de minéraux lorsqu’elle s’enfonce dans le sol avant de ressortir en source.

Dommage, car notre planète est recouverte à 72 % d’eau (environ 1400 millions de km³). C’est donc tout naturellement que l’on pense pouvoir utiliser l’eau de mer pour faire de l’hydrogène vert. Outre les autorisations nécessaires à son exploitation, comme en France (décret du 27 août 2020 par exemple), il faut surtout réussir à la désaliniser et à l’épurer par des procédés qui consomment de l’énergie (distillation et osmose inversée).

La production d’un mètre cube d’eau désalinisée requiert 15 kWh d’énergie. C’est déjà un déficit énergétique pour « préparer » la matière première à l’électrolyse. Mais cela est également le cas pour les énergies fossiles.

Pour l’eau douce, la préoccupation écologique nous montre à quel point les écosystèmes en sont dépendants (en Europe ou ailleurs dans le monde). Une consommation industrielle d’eau douce ne peut se faire sans s’interroger sur son impact auprès de l’environnement.

L’impératif des énergies renouvelables

L’énergie renouvelable est une constituante majeure de l’hydrogène vert. En effet, pas d’hydrogène vert sans électricité décarbonée. L’électricité nucléaire (ni fossile, ni renouvelable, puisque issue de la fusion d’un combustible type uranium) donne au mieux de l’hydrogène jaune, mais pas vert. L’impératif de l’électricité 100 % renouvelable est la clé de l’hydrogène vert (combiné avec le processus d’électrolyse de l’eau).

Qu’elle soit éolienne, solaire ou hydro-électrique, l’énergie électrique renouvelable assure un cycle totalement décarboné à la production d’hydrogène. Mais elle n’est pas sans défauts non plus :

  • disparité géographique des sites de production ;
  • alternance de la production (la nuit pour le solaire ou l’absence de vent pour l’éolien) ;
  • consommation de matériaux et d’espace (il faut 100 fois plus de métaux pour produire 1 kWh en éolien ou 1000 fois plus de surface de terrain en solaire que pour produire ce même kWh en nucléaire) ;
  • coût du mWh produit de manière renouvelable encore élevé (43 € pour la géothermie à près de 200 € pour l’hydro-électrique et l’éolien). Mais la tendance est à la baisse grâce à l’effet d’expérience ;
  • etc.

Les énergies renouvelables sont donc une solution innovante et la filière est en plein essor, ce qui promet des progrès dans les années à venir. Cependant, la production des énergies renouvelables est encore faible aujourd’hui en France (345 TWh d’électricité pour 510 TWh de production électrique en 2020). Alors que la production d’électricité renouvelable ne suffit pas encore aux besoins existants, rajouter les besoins en énergie électrique pour transformer de l’eau en hydrogène à grande échelle (pour obtenir du combustible), est impossible en l’état.

Hydrogène vert : les problématiques à résoudre-2

Le changement d’état impacte le rendement final de l’hydrogène vert

Le changement d’état de l’hydrogène doit intervenir pour son transport ou son stockage. La volatilité et la légèreté de cette molécule imposent des complications pour toute manutention ou manipulation de ce gaz devenu combustible.

En chimie, un changement d’état est courant et nous en connaissons tous au moins un qui est très ordinaire : l’eau. En effet, l’eau peut-être à l’état solide (glace), liquide ou gazeux (vapeur). Il est important de retenir qu’un changement d’état exige impérativement qu’une énergie soit absorbée ou restituée. Par exemple, un glaçon qui fond va absorber une énergie calorifique de manière endothermique. À l’inverse, de l’eau liquide qui gèle va rejeter de l’énergie calorifique de manière exothermique.

Il en va de même pour le changement d’état de l’hydrogène lorsqu’on le liquéfie ou qu’on le pressurise pour le stocker. Par exemple, la pressurisation de l’air dans un compresseur de garage nécessite une énergie mécanique (pistons), elle-même alimentée par un moteur électrique. Toute transformation de l’état de l’hydrogène consomme de l’énergie.

Ainsi, on peut comprendre que le rendement final de l’hydrogène vert (lors de sa combustion ou de sa recombinaison dans une pile à combustible par exemple) soit grevé par les changements d’état successifs auxquels l’hydrogène est soumis. Le diagramme de Sankey permet cette lecture.

On observe alors qu’un kilo d’hydrogène produit par électrolyse, compressé à 350 bars seulement, puis utilisé dans une pile à combustible, nécessite :

  • 60 kWh d’énergie électrique par électrolyse de l’eau pour être isolé et il subit 22,7 kWh de perte ;
  • 2.7 kWh de compression ;
  • 17.3 kWh de perte dans la pile à combustible pour générer de l’électricité ;
  • 2.59 kWh de perte dans l’onduleur ou le moteur électrique final (frottements et pertes thermiques).

Au final, 60 kWh d’électricité requis pour isoler 1 kg d’hydrogène permettront à ce même kilo de restituer 13,4 kWh d’énergie via une pile à combustible. C’est pour ces raisons que l’origine de l’électricité permettant de produire l’hydrogène vert est capitale : renouvelable et quasi infinie. Cela annule le déficit énergétique des changements d’état et pertes successives liées aux cycles de production, de transport et de stockage de l’hydrogène vert, et ce, sans produire de carbone.

Bilan d’une énergie inévitable, mais encore balbutiante

L’hydrogène vert tient ses promesses : un combustible propre, sans aucun carbone, en quantité quasi infinie et qui ne produit aucune pollution après sa recombinaison ou sa combustion. Sur le papier, la chimie est la hauteur des attentes. Cependant, à ce jour, nos capacités de production ne sont pas à la hauteur des besoins et le coût de production de l’hydrogène vert est encore élevé (5 à 6 € par kg).

Les limites sont également liées à nos structures, nos sociétés et nos technologies. L’hydrogène vert à un rôle évident à jouer dans le mix énergétique des sociétés futures. Mais cette déclaration est une ambition à laquelle il nous faut désormais attribuer les moyens. Recherche et développement, nouvelles technologies, changement des habitudes de consommation, refonte des schémas énergivores, etc., sont autant de forces qu’il nous faudra conjuguer pour permettre à l’hydrogène vert de devenir ce qu’il est : une énergie inévitable du monde de demain.

Nous vous recommandons ces autres pages :

S’inscrire à la newsletter

Restez informé de l'actualité du secteur

S’inscrire