Condition sine qua non au développement du marché des véhicules électriques dans une optique de décarbonation des transports, la filière des infrastructures de recharge (IRVE) n’est pas nouvelle mais elle connaît depuis peu des avancées notables à tous les niveaux : réglementation, technologies, soutien, etc.
Au 31 mars 2022, la France dispose de 57 733 points de recharge ouverts au public, soit en moyenne 86 points pour 100 000 habitants(1). Ces points se répartissent à 40 % dans les parkings, 30 % en voirie, 27 % dans les commerces et 3 % en entreprises. La hausse, continue depuis 2014 (8 600 points), s’est nettement renforcée ces toutes dernières années : elle a permis de dépasser l’objectif des 50 000 points à fin 2020 et pourrait contribuer à atteindre celui des 100 000 points à fin 2022. Mais l’objectif, encore plus ambitieux (500 000 points), pour 2027 va nécessiter d’aller encore plus vite.
S’agissant des points de recharge privés (pour l’instant chez les particuliers et dans certaines entreprises aux flottes privatives), près de 420 000 bornes sont installées à ce jour. Ce chiffre devrait augmenter grâce aux évolutions concernant les copropriétés. En effet, la LOM (loi d’orientation des mobilités) de décembre 2019 a apporté plusieurs facilités comme l’obligation d’installer des IRVE dans les parkings de plus de 10 places pour les bâtiments neufs ou en rénovation, le « droit à la prise en habitat collectif » ou encore la simplification des règles de vote pour les travaux.
Si on est encore loin de l’objectif fixé par la loi TECV de 2015 qui visait un total de 7 millions de points de recharge publics et privés d’ici 2030, avec un palier à 2,4 millions pour fin 2023, une dynamique est enclenchée. En septembre 2020, le plan France Relance a intégré le déploiement des bornes de recharge avec, notamment, le souhait d’équiper toutes les aires de services d’ici fin 2022. Un an plus tard, le nouveau plan d’investissement France 2030 va plus loin et prévoit de « mailler l’ensemble du territoire avec un réseau de bornes de recharge rapide pour compléter l’effort de transition de l’industrie automobile ».
Des capacités de recharge variées
Il existe différents types de bornes selon les usages. Les bornes de recharge « lentes » ont une capacité maximale de 3 kW et nécessitent de 6 à 12 heures pour une recharge complète. Les bornes « accélérées » offrent une capacité entre 7 et 22 kW avec un temps de charge entre 1 et 6 heures. Les systèmes à charge rapide se situent entre 50 et 150 kW et nécessitent de 20 à 40 minutes pour une recharge à 80%. Enfin, on parle de charges ultra-rapides à partir de 150 kW : là, 45 min sont nécessaires pour une recharge entre 75 % et 100 %. La capacité du réseau et la puissance de raccordement à ce réseau sont ici fondamentales.
Certains freins s’estompent
Parmi les principaux enjeux liés aux infrastructures de recharge figurait la question de l’interopérabilité. Jusqu’alors, les usagers devaient posséder plusieurs cartes différentes pour accéder aux stations, celles-ci n’étant pas opérées par les mêmes acteurs(2). Cette interopérabilité est désormais garantie grâce à un décret de décembre 2021 applicable dès juillet 2022. Ceci est à mettre en parallèle avec le développement des systèmes Plug’ n Charge.
Autres enjeux importants : la standardisation et la normalisation. Par exemple, alors qu’il existait déjà une qualification pour les installateurs depuis 2017 (« Installation & Maintenance IRVE »), une qualification est aussi proposée aux bureaux d’études (« Qualification Conception IRVE »). Depuis janvier 2022, l’organisme Qualifelec propose sur son site une carte interactive des entreprises certifiées : les professionnels habilités à installer des bornes de recharge sont classés en trois niveaux (base, jusqu’à 22 kW et > à 22 kW).
Une diversité d’acteurs
La filière IRVE compte une grande variété d’acteurs qui couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur : études, fourniture de bornes, installation, exploitation, maintenance, supervision, etc. Cela va des grands groupes aux startups les plus innovantes, en passant par des PME déjà positionnées depuis plusieurs années(3). A titre d’exemple, EDF – Izivia a annoncé début 2022 qu’elle allait installer 4 000 bornes de 7 à 22 kW dans le réseau Q-Park. La startup QoWatt vient de lever 10 millions de dollars pour accélérer dans les bornes de recharge intelligentes et évolutives destinées aux professionnels. Et R3 (Réseau Recharge Rapide), filiale de DBT, va équiper 43 centres Norauto de trois points de recharge ultra-rapide (150 kW).
La filière voit l’émergence d’associations ou fédérations. C’est ainsi, par exemple, que plusieurs entreprises (Borne Recharge Service, Bornes Solutions, Park’n Plug, Waat, Zephyre, Zeplug) se sont réunies en octobre 2021 pour créer AFOR, l’association française des opérateurs de recharge pour véhicules électriques.
De grandes évolutions en cours
Parmi les tendances principales figure le smart charging qui désigne l’ensemble des technologies permettant d’optimiser la charge ou la décharge d’un VE en gérant la puissance (ex. : programmation de la recharge au meilleur moment quand la production est excédentaire et le prix du kWh au plus bas), l’objectif étant de trouver l’équilibre entre les besoins des usagers et les contraintes du système électrique.
Une autre tendance majeure est le vehicle to X (V2G pour ‘grid’, V2H pour ‘home’, V2B pour ‘building’), autrement dit la recharge bidirectionnelle. En effet, un VE constitue un réservoir important d’énergie qui reste inutilisé jusqu’à 95 % du temps. Il peut alors contribuer à alimenter un réseau, un logement ou un bâtiment. Si, comme le prévoit RTE dans un de ses scénarios, le nombre de VE passe à 16 millions en France en 2035, la capacité de stockage pourrait être jusqu’à dix fois supérieure à la capacité actuelle, d’où des opportunités considérables.
De nouveaux standards apparaissent dans le megawatt charging, c’est à dire la fabrication de bornes de recharge de plus grande puissance et de plus grande capacité. Enfin, signalons aussi la tendance à installer les bornes de recharge sur les lampadaires électriques. Dépassant le stade de l’expérimentation, cette solution permet de réduire l’empreinte au sol des nouveaux équipements.
Au-delà du seul aspect technologique, l’accélération du déploiement des IRVE doit se faire en respectant une cohérence territoriale. A cet égard, un projet lancé en septembre 2019 par onze partenaires industriels et académiques (aVEnir) permet d’expérimenter les interactions entre les réseaux publics de distribution d’électricité, les bornes de recharge et les VE dans deux types de territoires : la métropole de Lyon et une partie de la région Sud Paca. D’une durée de trois ans, ce projet permettra d’en savoir plus pour accompagner au mieux le développement de la mobilité électrique à grande échelle. A suivre.
Exemples d’aides et de soutiens
L’Avere-France pilote depuis 2016 le programme Advenir de financement des bornes dans le cadre des CEE (MTE/ADEME). Ce programme dispose de 320 M€ pour financer 100 000 nouveaux points de recharge d’ici 2025 dans les entreprises, les collectivités et chez les particuliers. En mars 2022, l’Ademe a lancé un appel à projets pour soutenir le déploiement des infrastructures de recharge haute puissance dans de grandes zones urbaines et des territoires plus ruraux. Près de 100 M€ seront abondés dès 2022. De fait, la prime Station & hub de recharge haute puissance du programme Advenir a été suspendue, les acteurs concernés étant invités à se reporter sur cet AAP.
Selon les décrets du 10 mai 2021, les collectivités ou établissements publics qui réalisent un schéma directeur dédié peuvent bénéficier d’une prise en charge de 75 % du raccordement au réseau de distribution et d’un financement des prestations externes réalisées dans ce cadre.
La Banque des Territoires a créé début 2022 l’entreprise Logivolt Territoires qui propose aux copropriétés privées de financer l’installation électrique nécessaire au raccordement de bornes de recharge dans leurs parkings. L’objectif : 125 000 points de recharge déployés d’ici 2024 dans 16 000 copropriétés privées.
1) Baromètre Avere-France et MTE sur la base des données du GIREVE (plateforme d’interopérabilité pour la mobilité électrique) – Edition Avril 2022.
2) A cet égard, l’association française pour l’itinérance de la recharge électrique des véhicules (AFIREV) a été créée en 2015. Elle propose entre autres un observatoire annuel de la qualité de la recharge.
3) Quelques exemples : ABB, EasyCharge / Vinci Energies, EnelXway, Filitup Engie, Shell Recharge Solutions, Watèa by Michelin, Atlantys Green Energy, Apricom, Chargemap, Circontrol, Delmonicos, Driveco, Electra, Freshmile, IES Synergy, Indelec Mobility, Isiohm, Kiwhi Pass, Qonexio, Qovoltis, Rossini Energy, Sogetrel, Wallbox, Yespark Recharge, Zeborne, Zeplug…