Si nos ports sont déjà bien engagés en matière de transition écologique (réduction des GES, écologie industrielle territoriale, travail sur les activités industrielles et logistiques, collecte, tri et recyclage des déchets, production et utilisation d’énergies renouvelables et d’hydrogène…) et de transition numérique, qu’en est-il de leur politique d’adaptation aux effets de plus en plus concrets du changement climatique ?

Une interconnexion stratégique avec le reste du monde

Un port constitue un lien vital entre les économies. Il est à la fois ancré dans son territoire et connecté avec le monde. Aujourd’hui, plus de 80 % du volume du commerce mondial passe par la mer et, selon le Cerema, le fret passant par les ports devrait augmenter de 50 % d’ici 2050. L’Europe  compte près de 1200 ports et la France en compte une soixantaine en métropole et en outre-mer, parmi lesquels neuf grands ports maritimes (GPM), un port fluviomaritime et trois ports autonomes.

Les principaux effets du changement climatique sur les ports

Les ports et zones portuaires font face à trois évolutions majeures induites ou renforcées par le changement climatique : l’élévation du niveau de la mer, la fréquence et l’intensité des tempêtes ainsi que la modification du débit des fleuves.

Les tempêtes et précipitations extrêmement fortes peuvent entraîner l’impossibilité d’accoster pour les navires, une sollicitation plus forte des ouvrages portuaires comme les digues, l’inondation jusqu’à, parfois, la fermeture totale du port. Les sécheresses et vagues de chaleur peuvent modifier la dynamique hydrosédimentaire des estuaires, rendre certaines sections de fleuves impraticables et entraîner des pollutions du fait d’une concentration plus élevée en cas de basses eaux.

Sans oublier tout ce qui relève de l’érosion côtière et de la modification potentielle des aires de répartition de certaines espèces, en particulier dans le cas de zones humides ou de plaines alluviales.

Risques épisodiques et risques à évolution lente

Tout le problème réside dans le fait d’être capable de prévenir aussi bien les risques épisodiques (ex. : tempêtes) pour mettre en place les solutions de réduction des risques les plus appropriées que les risques à évolution lente, c’est à dire ceux liés aux différents processus occasionnés par la hausse des températures (élévation du niveau de la mer, acidification des océans, salinisation…) pour prévoir les actions à long terme qui permettront de contenir les risques et de renforcer la résilience.

Quelles actions engager ?

Il est donc avant tout nécessaire d’évaluer les risques actuels et potentiels et de les modéliser. Il importe aussi d’identifier quelles infrastructures et activités connexes seront touchées et évaluer leur degré de vulnérabilité. Dans ces domaines, les ports des Pays-Bas et deux ports de Californie (Long Beach et San Diego) sont particulièrement en avance, ayant eux-mêmes subi d’importants endommagements matériels et perturbations de leurs activités du fait d’épisodes particulièrement intenses. La France, elle, a été marquée par Xynthia qui a cumulé vents violents, onde de tempête, coefficient élevé de marée et pleine mer, d’où une submersion marine de grande ampleur.

En France, où le 3e plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) devrait être publié d’ici fin 2023, des études de résilience des infrastructures portuaires face au changement climatique doivent être menées port par port. Il s’agit de mieux appréhender les impacts sur les infrastructures, les mesures correctives, les systèmes d’alerte, l’organisation des secours mais aussi l’organisation de la reprise d’activité du port ou encore les besoins de dragage. A titre d’exemple, le port de Bordeaux a développé une méthodologie d’analyse des risques après avoir hiérarchisé ceux-ci (v. encadré).

Le port du Havre a mené une analyse statistique des niveaux d’eau et réalisé une modélisation numérique de submersion marine pour caractériser les risques d’inondation sur son territoire. Et les ports de l’estuaire de la Loire (dont Nantes Saint-Nazaire) sont impliqués dans le programme de recherche « Conséquence du changement climatique sur l’éco géomorphologie des estuaires (C3E2) » qui aborde notamment la modification des paramètres physico-chimiques de l’eau, la remontée du sel et du bouchon vaseux et la fréquence de submersion.

 

Quels risques pour le GPM Bordeaux ?


Le port de Bordeaux s’est impliqué de 2019 à 2022 avec les ports de Valence (Espagne) et d’Aveiro (Portugal) dans le projet Ecclipse destiné à analyser l’impact du changement climatique sur ces ports et à développer des stratégies de prévention et de déploiement d’actions pouvant atténuer les effets.

Accompagné par le Cerema, le GPM Bordeaux a hiérarchisé ses risques, les deux premiers étant les dégradations dues aux submersions et inondations et les changements induits par la hausse du niveau de la mer et la baisse de débit de la Garonne et de la Dordogne.

Les autres risques identifiés comprennent l’impact sanitaire et économique des canicules (organisation du travail, salinité des eaux), la durée plus élevée des étiages (d’où la nécessité du dragage et l’impact sur les milieux) de même que d’autres impacts sur les infrastructures et la fragilisation de milieux naturels et agricoles.

Pas de solution unique

Il n’existe pas de solution unique pour planifier l’adaptation des ports au changement climatique. Si la technique et la technologie ont un rôle à jouer, il convient aussi d’appréhender les mécanismes sociaux, institutionnels et écosystémiques. Par exemple, la question des ressources humaines est fondamentale (cf. compétences, formation). Autrement dit, les options d’adaptation sont à la fois structurelles et non structurelles.

Raisonner en climat futur

Collecter des données, développer des cartographies d’aléas par submersion, sensibiliser le plus grand nombre (acteurs et utilisateurs de la zone portuaire, habitants de la « ville port ») sur les risques potentiels et réaliser des plans de prévention sont fondamentaux. Mais il convient également de faire en sorte que toutes les mesures ou réglementations prises pour faire face aux besoins de développement du territoire (nouveaux ouvrages ou aménagements portuaires) le soient sous le prisme d’une anticipation de l’évolution du climat. Facile à dire certes mais difficile à appliquer vu l’importance des incertitudes dans ce domaine…

À lire : Un été riche en avancées pour la transition écologique du maritime

 

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