Au sens large, la bioéconomie désigne les activités de production et de transformation de la biomasse destinées à l’industrie alimentaire (humaine ou animale), à la chimie (molécules, matériaux biosourcés) et à la production d’énergie. Par logique, la bioéconomie marine représente donc la partie de la bioéconomie basée sur les ressources du milieu marin : poissons, crustacés, mollusques, algues, végétaux et micro-organismes aquatiques. Ces ressources peuvent être prélevées ou cultivées puis transformées ou faire l’objet de l’extraction de composants d’intérêt.

La bioéconomie marine couvre donc des activités traditionnelles comme la valorisation de coproduits (cuir ou écailles de poisson, coquilles d’huîtres…) ou l’utilisation de composés d’algues aux propriétés gélifiantes. Et elle couvre des activités plus récentes et technologiques issues d’une forte R&D comme la production de biotechnologies bleues.

 

Le saviez-vous ?

La bioéconomie, c’est aujourd’hui 23 millions d’emplois et 2 300 Md€ de CA en Europe, dont 1,9 million d’emplois et 300 Md€ de CA en France.

 

Des applications multiples

A la croisée de la biochimie, de la microbiologie et des sciences de l’ingénieur, les entreprises des biotechnologies bleues développent des produits ou services destinés notamment à la santé ou au bien-être et à la production alimentaire. A titre d’exemple, parmi les plus récents projets labellisés au sein du DAS ‘Ressources biologiques marines’ des pôles Mer, deux portent sur des applications en antibiotiques (Photobiofilm Explorer vise la production de nouveaux bio-composites valorisables en antibiotiques ou en anti-viraux et Amalia étudie 500 souches bactériennes issues de lichens marins pour produire de nouveaux antibiotiques) et un autre projet (Agir) s’attache à développer une nouvelle méthode de réticulation des algues pour fabriquer un hydrogel destiné au biomédical. En parallèle, de récentes études du MNHN ont permis d’identifier des molécules du squelette d’esturgeon qui pourraient être utilisées dans le traitement de l’arthrose, comme celles du cartilage de certaines raies et de requins sauvages.

Et au-delà de la chimie biosourcée, les ‘biotechs bleues’ offrent des débouchés dans les secteurs de l’environnement, de l’industrie et de l’énergie. Certaines ressources sont utilisées en dépollution (ex. : bactéries marines utilisées contre la pollution plastique ou les hydrocarbures) ou en bio-remédiation (ex. :  éponges marines ou concombres de mer au fort pouvoir filtrant). D’autres sont valorisées en biomatériaux : par exemple, après diverses utilisations en construction ou aménagement d’intérieur comme le Scalite issu d’écailles de poisson, des projets voient le jour dans l’industrie papetière qui étudie les fibres d’algues en alternative aux fibres de bois. C’est le cas par exemple du projet mené par DS Smith pour de nouvelles solutions d’emballages ou encore du ‘Sargasse Project’ dont l’objectif est de produire du carton à partir de cette algue brune  connue depuis des siècles mais qui connaît un « bloom » accéléré depuis dix ans.

 

Les micro-algues, nouvel eldorado ?

Au sein de la bioéconomie marine, les micro-algues constituent des ressources considérables dont beaucoup sont encore à découvrir. Elles servent d’additifs, pigments, colorants ou épaississants dans l’industrie alimentaire ou la pharmacie. Elles peuvent être utilisées en tant que biofertilisants ou biostimulants, en alternative aux engrais. D’autres sont intégrées dans le traitement des eaux usées du fait de leurs propriétés d’élimination des nitrates, du phosphore, voire de l’ammoniac. C’est par exemple ce que propose Planctonid qui installe sa première unité industrielle chez le fabricant d’engrais Yara, pour traiter ses effluents à hauteur de 250 m³ par jour.

De plus, grâce à leur productivité lipidique à la fois élevée et rapide, les micro-algues peuvent servir à produire de l’énergie et des biocarburants. Et par leur capacité à fixer le CO2 tout en rejetant de l’oxygène lors de leur croissance, elles peuvent contribuer à lutter contre l’effet de serre et à assainir l’air. Positionné dans ce domaine depuis plusieurs années, Fermentalg a créé avec Suez la société CarbonWorks qui capture le CO2 émis par l’industrie pour cultiver par photosynthèse des micro-algues qui peuvent ensuite être utilisées comme matière première. La jeune co-entreprise a annoncé début mars avoir levé 11 M€ pour construire un photo-bioréacteur de taille industrielle.

D’une manière plus globale, notons que dans le cadre de la récente stratégie nationale d’accélération pour les produits biosourcés et les biotechnologies industrielles (420 M€ de soutiens publics du PIA), le gouvernement a lancé un appel à projets en janvier 2022. Destiné à favoriser l’élargissement des gisements de biomasse, la démonstration de procédés de transformation et la mise en œuvre d’unités industrielles, cet AAP devrait probablement retenir des projets de bioéconomie marine. Il est ouvert jusqu’à mi-janvier 2024 avec une première relève au 31 mai 2022.

 

Micro-algues : une filière qui se structure


Le CEVA (Centre d’étude et de valorisation des algues) fête ses 40 ans cette année (il a été créé en 1982 à Pleubian). Il recense aujourd’hui 264 acteurs dans le domaine global des algues et les présente au travers d’un annuaire et d’une cartographie interactive réalisée avec BDI (Bretagne Développement Innovation).

Côté recherche, de nombreux projets sont menés dans le cadre des pôles Mer (DAS ‘Ressources biologiques marines’) mais aussi au sein des pôles Aquimer axé sur la valorisation des produits aquatiques et Qualitropic dédié à la bioéconomie des outre-mer.

La région Pays de la Loire a adopté en octobre 2020 une feuille de route pour développer la filière micro-algues, celle-ci représentant 92 entreprises, 51 producteurs et 400 emplois sur l’ensemble du territoire régional. A titre d’exemple, la plateforme R&D AlgoSolis dédiée à la production et au bio-raffinage des micro-algues est implantée à Saint-Nazaire.

En mars 2021, la Fondation Lloyd’s Register a lancé une coalition destinée à mieux accompagner le développement industriel de la filière algues. Menée avec le CNRS (station biologique de Roscoff, spécialiste du domaine) et le Global Compact des Nations unies, la Safe Seaweed Coalition pourrait à terme rassembler plus de 500 institutions partenaires : industriels, acteurs scientifiques, ONG, des organismes de certification, etc.

Preuve également de la structuration de la filière, plusieurs événements sont désormais dédiés aux micro-algues, à l’exemple du Forum Blue Cluster organisé tous les ans par le pôle Mer Bretagne Atlantique et Atlanpole.

 

Lire aussi  : Les algues : une question multi-facettes

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