La transition vers une économie plus sobre et moins impactante voit l’apparition de risques spécifiques. C’est le cas dans le domaine de l’économie circulaire, en particulier dans le recyclage des déchets. Quels sont ces risques ? Et comment sont-ils gérés ?

 

Quels types de risques ?

D’une manière globale, les risques liés à la transition écologique couvrent à la fois des risques nouveaux et des risques déjà existants mais qui évoluent en parallèle aux technologies (ex. : batteries lithium-ion, hydrogène, nanotechnologies dont les nanopesticides, nanoparticules…). Ces risques sont souvent complexes, ils peuvent s’interconnecter et leur impact peut être particulièrement grave sur la santé et l’environnement. Enfin, logiquement, ils se multiplient par le simple fait que l’exposition augmente (par exemple, nous utilisons toujours plus de batteries dans notre quotidien).

 

Les risques liés à l’économie circulaire

De l’approvisionnement en ressources à la fin de vie des produits, l’économie circulaire comprend de nombreuses sources potentielles de risques. Nous nous limiterons ici à ceux liés au recyclage. Avant même de partir en recyclage, les produits en fin de vie sont préparés : ils sont mis en sécurité (ex. des batteries), démantelés, séparés, triés, broyés…, soit autant d’opérations qui nécessitent des analyses préliminaires de risques. Puis les procédés de recyclage en tant que tels comportent des étapes mécaniques, chimiques et parfois biologiques qui peuvent aussi occasionner des risques : risques procédés (inflammabilité, explosivité, risques électrostatiques), risques sanitaires (exposition des travailleurs, contamination des milieux, exposition des riverains, toxicité des substances produites) et risques environnementaux (impacts sur les milieux – air, eau, sols, écotoxicité…). Lorsque ces deux étapes sont mutualisées (comme dans le cas d’une approche d’écologie industrielle et territoriale), d’autres risques peuvent survenir. Enfin, le recyclage permet de produire des matières premières de recyclage qui, elles aussi, doivent faire l’objet de mises en sécurité.

 

De nouvelles filières de recyclage

Aujourd’hui, des filières se développent rapidement comme dans le domaine des batteries, des plastiques ou encore des panneaux PV et de la valorisation de la biomasse. Plus la maîtrise des risques est appréhendée tôt, plus ces filières pourront se développer de manière pérenne. A cet égard, le projet SEPAR8 mené en région Hauts-de-France afin de « créer un écosystème circulaire autour des batteries au lithium par l’organisation en boucle courte de leur recyclage et de leur valorisation » est emblématique car, comme le souligne Julie Albrecht, chargée de mission Economie circulaire à l’Inéris, « il met en avant la maîtrise des risques comme enjeu majeur du développement de l’industrie circulaire de la batterie ».

S’agissant des plastiques, ce mois d’août 2024 voit l’achèvement d’un projet européen de cinq ans, « Circular Flooring », destiné à recycler les revêtements de sol en PVC post-consommation en séparant et en éliminant les additifs critiques – dont les phtalates, l’idée étant de récupérer du PVC conforme à la législation de l’UE pour l’utiliser dans de nouveaux produits de revêtement de sol. Le processus développé met en œuvre un recyclage à base de solvants et permet d’éliminer les plastifiants issus des déchets. Le PVC ainsi récupéré est conforme à la législation Reach et peut être utilisé pour produire de nouveaux revêtements de sol en PVC. Coordonné par le Fraunhofer Institute for Process Engineering and Packaging IVV (Allemagne), ce projet a impliqué onze entreprises et instituts de recherche de cinq pays : Allemagne, Autriche, Belgique, France et Grèce. Côté français, l’Inéris s’est notamment attaché à réaliser une analyse réglementaire des substances chimiques dangereuses via une étude de statut de sortie de déchet et une évaluation de la sécurité des procédés.

Toujours dans le domaine des plastiques, l’Américain Eastman Chemical Company porte le projet d’une usine de recyclage moléculaire à Saint-Jean-de-Folleville, sur la zone industrialo-portuaire de Port-Jérôme II près du Havre. Cette usine devrait recycler près de 160 000 tonnes de déchets plastiques à forte teneur en polyester par voie de méthanolyse, le méthanol étant utilisé comme solvant pour rompre les liaisons chimiques des plastiques. Elle devrait produire à terme 200 000 tonnes de matière première recyclée par an. Ce projet a été classé « Projet d’intérêt national majeur » début juillet par le gouvernement(1). Pour mémoire, le méthanol (alcool méthylique) est un produit chimiquement stable dans les conditions normales d’emploi. Des valeurs limites d’exposition professionnelle réglementaires contraignantes ont cependant été établies en France pour l’air des lieux de travail (cf. fiche toxicologique n°5 de l’INRS). Et un règlement paru en 2016 interdit d’intégrer plus de 0,6 % de méthanol dans les liquides lave-glace et liquides de dégivrage vendus sur le marché. Comme les dalles de sol en PVC, les déchets de polyester collectés sont, pour l’instant, principalement incinérés.

 

Le risque incendie, un des principaux risques liés au recyclage

Si les risques d’accidents liés au vieillissement(2) de certains équipements sont déjà documentés et pris en compte, un rapport de l’IGEDD et du CGE sur la réduction de l’accidentologie relative au secteur de la gestion des déchets a mis l’accent, début 2023, sur la nécessité de réduire le risque incendie notamment lié à la présence de piles et de batteries. Selon le Barpi(3), l’accidentologie de la filière déchets (la plus élevée de toutes les filières devant l’industrie chimique, les IAA, l’agriculture, la métallurgie, le commerce, le transport & entreposage, la production d’énergie…) est principalement le fait des incendies, ceux-ci figurant en tête des phénomènes observés suivis, loin derrière, par les rejets de matières dangereuses ou polluantes puis par les explosions.

Les incendies sont, avant tout, un danger pour les personnels travaillant dans ces installations mais ils peuvent aussi avoir des impacts environnementaux et sanitaires et/ou causer des pertes économiques. C’est ainsi que des orientations stratégiques pluriannuelles ont été identifiées pour la période 2023-2027. Il s’agit essentiellement « d’améliorer la gestion des accidents en mettant en place un suivi quotidien du stock de déchets ». Dans ce cadre, plusieurs nouveaux arrêtés ministériels ont été pris, ils couvrent une dizaine de dispositions dont certaines sont déjà applicables depuis juillet 2024 (v. encadré).

Les nouvelles dispositions pour améliorer la gestion du risque incendie


Les arrêtés de fin 2023 incitent depuis le 1er juillet 2024 à dépolluer les moyens de transport hors d’usage (ex. : enlèvement de la batterie de démarrage), à réaliser un plan de défense contre l’incendie, à mener un exercice incendie au moins tous les trois ans et à former le personnel aux sinistres. Ils rendront obligatoires le tri à la source des DEEE alimentés par piles ou par batteries ainsi que la réalisation d’un état des stocks et sa mise à jour quotidienne pour les déchets dangereux et hebdomadaire pour les autres déchets à partir de janvier 2025. Et ils exigeront de créer une zone de stockage temporaire pour les moyens de transport accidentés ou présentant un risque d’incendie et une zone d’immersion (pour les cas où un départ de feu est suspecté ou détecté), d’assurer la détection et surveillance via la détection automatique de départ d’incendie ou la visualisation à distance mais aussi l’organisation de rondes dans les zones accueillant des déchets combustibles ou inflammables en janvier 2026. Il sera également obligatoire à cette échéance de créer une procédure pour identifier les défauts de tri en amont et de prendre des mesures spécifiques en matière de construction,  d’îlotage et de stockage des batteries.

 

Les effets de l’économie circulaire sur la sécurité et la santé

Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), la transition vers une économie circulaire a non seulement des répercussions politiques et réglementaires importantes qui affecteront les emplois de demain mais elle aura aussi des conséquences sur la sécurité et la santé des travailleurs. Par exemple, son incidence sur les emplois des secteurs à risque, liés à la maintenance et à la réparation, au démontage et au recyclage, pourrait s’avérer négative pour les conditions de travail ou bien l’évolution des processus organisationnels et/ou la redéfinition des tâches pourraient avoir une incidence sur la nature des postes et la satisfaction au travail.

Dans sa mission de contribuer à des conditions de travail plus sûres et plus saines en Europe, l’EU-OSHA se penche sur les changements au travail qui peuvent découler de la transition de l’UE vers une économie circulaire et sur l’incidence possible sur la sécurité et la santé au travail (SST). Elle entame actuellement son troisième cycle prospectif. Après une première phase qui a notamment permis d’élaborer quatre macro-scénarios jusqu’à 2040, l’Agence a publié, début 2023, un rapport détaillé sur le sujet(4) et plusieurs notes d’orientation associées parmi lesquelles « Comment améliorer les perspectives pour les secteurs les plus touchés ? (construction, énergie, industrie manufacturière et transports). Selon les scénarios et les secteurs concernés, elle a identifié plusieurs types de risques : les risques physiques ou de sécurité (ex. : lors de la démolition de sites de combustibles fossiles ou du démantèlement d’anciennes centrales électriques), les dangers chimiques (ex. : lors de la rénovation de bâtiments ou du  démantèlement d’anciennes centrales électriques), les risques biologiques (liés au développement de la biotechnologie qui, pour l’instant, dispose de faibles barrières d’entrée, d’où la possibilité d’utilisations abusives), les questions d’ergonomie (pour le télétravail, les travailleurs ne disposent pas nécessairement d’un équipement ergonomique chez eux) ou encore les problèmes psycho-sociaux (dans une économie devenant plus circulaire, la qualité environnementale du cadre de vie s’améliore, ce qui peut conduire à une plus grande résistance au stress et à l’anxiété mais, en cas de télétravail, les niveaux de stress et d’anxiété peuvent augmenter). Tous ces travaux permettent à l’EU-OSHA d’anticiper les changements qui pourraient avoir une incidence sur la SST. L’agence travaille sur d’autres risques émergents comme les TIC et la transition numérique, les nanomatériaux sur le lieu de travail ainsi que la santé et sécurité des travailleurs actifs dans les emplois verts. Elle vient d’y ajouter les risques liés au changement climatique, comme, notamment, travailler en conditions de chaleur extrême…

 

1) La notion de « projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale » relève de l’article 19 de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023.

2) Le vieillissement d’une installation n’est pas que le fait de son âge mais dépend d’autres facteurs comme les propriétés des matériaux, l’intensité des contraintes et conditions d’exploitation, l’environnement de fonctionnement, etc. Autant de symptômes qu’il faut savoir anticiper, détecter à temps et mesurer.

3) Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels, le Barpi fait partie de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) au sein du ministère de la Transition écologique.

4) Etude prospective sur l’économie circulaire et ses effets sur la sécurité et la santé au travail, 122 pages, EU-OSHA, avril 2023

 

 

À lire : Economie circulaire : les avancées concrètes de l’UE

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