Même si on en parle depuis plusieurs années déjà, les notions de métaux rares, stratégiques, critiques mais aussi de terres rares restent relativement floues pour la plupart d’entre nous. Certaines de ces notions relèvent de la géologie, d’autres ont une dimension économique. Il est donc difficile de les mettre sur le même plan. Voici quelques points clés(1) pour chacune d’elles.

 

Définitions des métaux rares, stratégiques et critiques

 

Métaux rares

Les métaux rares sont des métaux dont l’abondance moyenne et/ou la disponibilité dans la croûte terrestre (i.e. la capacité à se concentrer en gisements) est faible. C’est le cas par exemple de l’indium, du cobalt ou de l’antimoine. Les terres rares constituent un groupe de quinze métaux (« lanthanides ») qui font partie intégrante des métaux rares. On leur associe souvent l’yttrium et le scandium. Leurs propriétés uniques (légèreté, résistance, stockage d’énergie, résistance thermique, propriétés magnétiques, optiques…) en font des éléments de choix dans de nombreuses technologies, de la défense aux filières des transitions numérique et énergétique (ex. : aimants permanents, batteries, systèmes catalytiques…). Enfin, contrairement à ce que leur nom indique, les terres rares ne sont pas rares. Elles se caractérisent par une faible présence de leurs gisements, c’est-à-dire de concentrations naturelles dans des niveaux économiquement exploitables(2).

Métaux stratégiques

Un métal est stratégique quand il est indispensable à la politique économique d’un Etat (cf. sécurité, défense, politique énergétique, etc.). De la même façon, il peut aussi être question de métal stratégique pour une entreprise ou une filière (ex. : aéronautique, défense, automobile, électronique & TIC, EnR, nucléaire…).

Métaux critiques

On parle de métal critique quand une difficulté d’approvisionnement de ce métal peut entraîner des impacts industriels ou économiques négatifs. Dans la plupart des travaux internationaux, la criticité d’un métal (comme de toute substance minérale) est appréciée selon deux axes : les risques pesant sur l’approvisionnement (risques géologiques, techniques, géographiques, économiques, géopolitiques) et l’importance économique qui reflète la vulnérabilité de l’économie à une éventuelle pénurie, voire à une rupture d’approvisionnement, se traduisant par une envolée des cours. « Pour résumer, les métaux critiques sont des métaux auxquels sont associées des tensions sur les approvisionnements, tant sur l’offre que sur la demande », indique Raphaël Danino-Perraud(3). Pour l’US National Research Council et la Commission européenne, un métal ou un minéral est critique lorsqu’il est « à la fois essentiel dans son usage et sujet à d’éventuelles restrictions d’approvisionnement ».

 

Un exemple : la criticité du cuivre dans la transition énergétique


Cuivre métaux rares critiques

Dans le cadre du projet ANR GENERATE(4), l’IFPen et l’Iris ont mené une étude prospective sur la criticité du cuivre pour les secteurs de l’énergie et des transports, l’idée étant d’évaluer l’impact de la disponibilité du cuivre dans la TEn vu l’importance du contenu en cuivre des technologies bas carbone par rapport aux technologies conventionnelles. Il en ressort que, quel que soit le scénario envisagé (2 scénarios climatiques – l’un à 2°C et l’autre à 4°C – et 2 scénarios de mobilité), la capacité de production du cuivre va devoir augmenter considérablement. Ce qui n’est évidemment pas sans conséquences.

Ainsi par exemple, le Chili, pays parmi les plus gros producteurs mais aussi confronté à un important stress hydrique, étudie la possibilité d’utiliser de l’eau de mer plutôt que de l’eau douce pour les opérations de concentration du minerai. Si l’intention est intéressante en termes de préservation de la ressource eau, elle l’est nettement moins côté impact environnemental. Car non seulement elle impliquerait de transporter l’eau de mer jusqu’aux sites miniers, souvent à haute altitude mais en plus elle nécessiterait de dessaler l’eau, d’où notamment des consommations énergétiques supplémentaires et des rejets de saumure.

Cet exemple tend à montrer que, outre les risques sur l’offre de matière première et l’importance économique et technique de celle-ci, les études de criticité doivent intégrer un troisième axe : les impacts de la production de cette matière première sur l’environnement et la santé. Il ne s’agirait pas d’opposer les solutions pour la transition énergétique et la préservation de l’environnement.

 

 

Les matières premières les plus critiques en Europe et en France

L’UE a revu en 2017 sa liste des matières premières critiques : elle en compte désormais 27, soit 9 de plus qu’en 2014, année de la deuxième révision (cf. COM 2017-490, du 13.09.2017). Et selon le BRGM, les matières les plus critiques en France sont, en 2018, le tungstène, les terres rares, l’antimoine, les platinoïdes, le cobalt, le scandium et le rhénium. En parallèle, les substances considérées comme les plus stratégiques sont le tungstène, certaines terres rares (praséodyme, néodyme et dysprosium), le cobalt, le cuivre, le chrome, le nickel, le molybdène, le titane, le lithium, le tantale, le béryllium et certains platinoïdes (platine, palladium et rhodium).

 

Fournisseurs de matériaux critiques

Principaux producteurs de matières premières critiques dans le monde (source : UE)

 

1) Merci au BRGM pour son aide précieuse !

2) C’est pour cela d’ailleurs qu’il est délicat de donner un nombre d’années de réserves pour telle ou telle matière, d’autant que les utilisations peuvent considérablement évoluer (comme on le voit actuellement avec le numérique, les EnR ou encore les véhicules électriques) et que des substitutions peuvent être trouvées.

3) Raphaël Danino-Perraud, « Face au défi des métaux critiques, une approche stratégique du recyclage s’impose », IFRI, Décembre 2018. A noter : Nous reviendrons dans un prochain article sur les enjeux du recyclage et le développement des compétences industrielles dans ce domaine.

4) Lancé en janvier 2018 pour deux ans, le projet GENERATE (Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique) est piloté par Emmanuel Hache (IFPen) et Samuel Carcanague (IRIS). Le cobalt, le platine, certaines terres rares mais aussi le ciment et l’eau feront également l’objet d’analyses. En savoir plus : https://anr.fr/Projet-ANR-17-CE05-0024 

 

S’inscrire à la newsletter

Restez informé de l'actualité du secteur

S’inscrire

Partagez ce contenu

Partagez ce contenu avec votre réseau !