Avec 48 000 décès par an en France et plus de 428 000 en Europe (1), la pollution de l’air représente un enjeu majeur de santé publique. Elle constitue le premier sujet de préoccupation environnementale des Français. La prise de conscience a été d’autant plus flagrante en cette année particulière, marquée par une période de confinement quasi total. Depuis, quelques mesures ont été prises et des avancées technologiques continuent de voir le jour. Mais pour les professionnels, c’est toute une économie qu’il convient de créer.

Selon le CGDD, la qualité de l’air s’améliore en France sur la période 2000-2019 en lien avec la réduction des émissions de polluants(2). Cependant des dépassements des seuils réglementaires fixés pour la protection de la santé humaine persistent dans 56 agglomérations, en particulier pour l’ozone, le dioxyde d’azote, les particules fines et, dans une mesure moindre, le nickel et le benzo(a)pyrène. A lui-seul, le trafic routier serait responsable de 57% des émissions d’oxydes d’azote et d’une part significative des émissions directes de particules fines.

 

Pérenniser la baisse de la pollution liée au confinement

FIMEA, la Fédération interprofessionnelle des métiers de l’environnement atmosphérique, regroupe plus de 85 adhérents spécialisées dans les différents domaines liés à l’amélioration de la qualité de l’air(3). Son président, Etienne de Vanssay, revient sur les enjeux et les leviers à actionner pour « renouveler » et pérenniser la baisse de la pollution atmosphérique amorcée lors du confinement.

« La pollution a un effet néfaste à court mais aussi moyen terme sur la santé. Par exemple, outre les effets déjà bien documentés comme les BPCO ou les maladies cardiovasculaires, de plus en plus d’études scientifiques commencent à montrer des liens entre obésité et pollution, même constat avec le diabète ou les maladies neurodégénératives (Alzheimer). Dans l’actualité récente, le monde scientifique suspecte de plus en plus un lien direct entre niveau de pollution et contamination par le coronavirus (et ses successeurs) avec un risque aggravé pour les populations d’individus fragilisés.

Il est aussi nécessaire de rappeler qu’il y a deux grandes catégories de polluants atmosphériques (cf. article 2 de la LAURE) : les polluants à effets court terme (essentiellement à effets sanitaires ou PES) et les polluants à effets long terme (essentiellement GES à effets climatiques). Les premiers ont des effets délétères quasi immédiats sur notre santé tandis que les seconds ont une action à long terme (les émissions d’aujourd’hui auront des effets dans 50 à 100 ans), par contre tous deux sont généralement émis par les mêmes sources. Le levier de transformation est donc très fort : en faisant attention à favoriser les synergies et lutter contre les antagonismes, agir sur la qualité de l’air aujourd’hui permettrait de régler le problème du climat demain… C’est le message à faire passer car l’air touche chacun quel que soit son âge, origine ou niveau d’éducation, c’est donc notre affaire à tous. » 

 

Vers une « nouvelle économie de l’air »

« Autre fait non révélé par la crise sanitaire, selon Etienne de Vanssay, la qualité de l’air va avoir une réalité économique en phase avec les enjeux. Solution pérenne pour améliorer la qualité de l’air et solution économique qui l’accompagne vont de pair. Créer de la valeur, des emplois, de l’économie dans un cercle vertueux est le meilleur moyen d’accélérer la transformation.

FIMEA promeut la notion de « nouvelle économie de l’air » notamment en Conseil National de l’Air et pour aller plus loin, il faudra travailler avec Bercy afin que l’économie de l’air apparaisse aux côtés des quatre autres grandes filières économiques de l’environnement que sont l’efficacité énergétique, la transition énergétique, les déchets et l’eau.

Dans ce but, au sein de FIMEA, nous menons plusieurs grands projets dont Aircosystem pour déterminer le système économique de l’air. Et c’est un travail conséquent car il existe plusieurs vecteurs économiques de la qualité de l’air mais aucun n’est une évidence. En parallèle, d’autres leviers seraient à activer tels que celui de la réglementation. Aujourd’hui, cette dernière reste « light ». Il y en a au niveau industriel, au niveau professionnel (exposition sur le lieu au travail aux agents chimiques), au niveau des bâtiments recevant des publics sensibles (enfants, personnes âgées…) mais c’est loin d’être suffisant.

Il faut aussi penser à la mise en place d’actions avec des réseaux de surveillance et plans d’actions associés : PPA (plan de protection de l’atmosphère), PRQA (plan régionaux qualité de l’air), SRCAE (Schéma régional climat air énergie). Il y a eu en quinze ans une montée en puissance des sujets sur la qualité de l’air avec naissance de rendez-vous importants comme Les Respirations ou Atmos’Fair, prise de position des pouvoirs publics et quelques projets de lois. Et puis, la qualité de l’air est sortie des structures gouvernementales (ex. : le Haut Conseil au Climat, la Stratégie Climat Énergie… où l’air a disparu), il faut remédier à cela.

Enfin, un autre levier important serait celui de la mise en place d’outils de suivi, de contrôle mais aussi de sensibilisation et de formation, car la surveillance de la pollution de l’air sera plus efficiente si collective. »

Au final, pour E. de Vanssay, « le chemin reste long mais « praticable » : information, sensibilisation, réglementation contraignante, changement de paradigme pour la surveillance et soutien des instances politiques ainsi que des outils adaptés seraient les premiers solides jalons vers une amélioration réelle des problèmes de pollution de l’air. »

 

En attendant, les solutions s’exposent

En lien avec les principaux axes de la politique environnementale naissante en France dans les années 1970, le salon Pollutec a très tôt intégré les thématiques de l’air : air ambiant d’abord puis air intérieur dans les années 2000. Chaque édition du salon est ainsi l’occasion de présenter les dernières innovations lancées par les professionnels du secteur dans les domaines de l’instrumentation (mesure, modélisation…) et du traitement (matériels de filtration, aspiration, purification, dépoussiérage…) sans oublier les solutions à moindre impact. Début septembre, les innovations déjà déclarées par les exposants portent essentiellement sur l’instrumentation. Elles comprennent un analyseur autonome qui évolue pour prendre en compte le formaldéhyde, un analyseur automatique de composés organiques volatils et semi-volatils (Airmotec/Chromatotec), un échantillonneur séquentiel avec analyse en temps réel de la teneur en carbone suie, un chromatographe pour BTEX qui fonctionne sans gaz vecteur (Dado Lab). Par ailleurs est également proposé un sécheur de gaz destiné à protéger les analyseurs de l’humidité (Dado Lab). Enfin, opérationnelle depuis un an, la première station autonome au monde pour la surveillance de la qualité de l’air (Solar AQMS) proposée par Envea rassemble les dernières avancées du spécialiste de l’IMA : analyseurs éco-conçus (Série-e), connectivité élevée, alimentation en 24 V (d’où compatibilité avec les batteries et panneaux solaires), système d’acquisition et de traitement de données permettant de gérer l’énergie… Capable de supporter des températures jusqu’à 50°C sans climatisation ni connexion au réseau électrique, elle est indiquée pour les pays en développement de même que pour les ‘smart cities’ concernées par la diversification de leur mix énergétique.

En parallèle, les applications spatiales font l’objet d’un focus particulier sur le salon depuis plusieurs années. En effet, les satellites, toujours plus performants, sont capables de surveiller la planète (terre, océans, climat mais aussi air, à l’image du système de détection d’ammoniac dans l’atmosphère). Dans ces domaines, les possibilités sont vastes et évoluent en permanence. A cet égard, le président du Centre national d’études spatiales, Jean-Yves Le Gall, souligne que « parce que 26 des 50 variables essentielles qui décrivent le climat ne peuvent être observées que depuis l’espace, le CNES a fait de la lutte contre le changement climatique sa priorité, en coopérant avec ses partenaires internationaux pour développer des outils toujours plus performants et surtout en organisant une véritable coordination entre les agences spatiales du monde entier. Durant la période de confinement liée à l’épidémie de Covid-19, ce sont par exemple les satellites du programme européen Copernicus(4) et les instruments IASI(5) à bord des satellites Metop qui ont mis en évidence la baisse de pollution atmosphérique liée à la diminution des activités anthropiques ».

Le président du CNES poursuit : « avec la reprise engendrée par la sortie de crise sanitaire, le suivi des émissions de polluants liées à nos modes de vie semble plus que jamais d’actualité afin de préserver notre planète, bien commun de l’humanité. La nécessité de suivre l’évolution des gaz à effet de serre n’a jamais été aussi forte. L’objectif de la mission MicroCarb du CNES, prévue pour 2021, est justement de cartographier, à l’échelle planétaire, les flux du principal gaz à effet de serre anthropique : le CO2. Microcarb sera équipé d’un spectromètre capable de mesurer des teneurs en dioxyde de carbone avec une grande précision. Il intègre aussi un imageur pour détecter des nuages, dont la présence nuit aux mesures. Si le dioxyde de carbone est le principal responsable lié aux activités humaines du réchauffement climatique, la deuxième place revient au méthane. Pour savoir comment il est produit, Merlin, une mission innovante conçue par le CNES et l’Agence spatiale allemande (DLR) traquera ses sources d’émission dès 2025. Ces observations depuis l’espace seront uniques aussi bien en termes de précision que d’échantillonnage. Grâce à elles, les scientifiques pourront mieux quantifier et localiser les émissions de méthane sur l’ensemble de la planète et suivre leur évolution. Elles viendront compléter un panel d’autres mesures acquises par des instruments déjà à l’œuvre sur des missions comme IASI ou Sentinel-5P et bientôt le « Sentinel » dédié au CO2 de Copernicus et les instruments IASI-NG de nouvelle génération ».

 

Un été riche en actualités sur la qualité de l’air


Partenaires au sein du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA), Inéris et LNE ont créé l’association CIE (Certification Instrumentation pour l’Environnement) afin d’établir une certification des systèmes capteurs pour la mesure de la qualité de l’air. Cette certification (« Air Quality Sensor ») portera d’abord sur les PM2.5 et NO2 puis l’O3 et les PM10.

De son côté, l’Ademe a lancé début août le premier appel à propositions dans le cadre du nouveau programme de recherche pour l’amélioration de la qualité de l’air (AQACIA) qui remplace les programmes Primequal et Cortea ainsi que le volet R&D d’AACT-Air et le volet Air d’Impacts (dépôt des dossiers jusqu’au 27 novembre).

Enfin, à l’occasion de la journée nationale de la qualité de l’air du 16 septembre, le ministère a confirmé l’entrée en vigueur au 1er janvier 2021 de la nouvelle mouture de l’indice sur la qualité de l’air. Intégrant les PM2.5, supprimant le niveau ‘Très Bon’, ajoutant un niveau ‘Extrêmement mauvais’, ce nouvel indice Atmo se veut plus précis et plus clair pour être « plus représentatif de l’état de la qualité de l’air et davantage en phase avec les préoccupations des citoyens ». De plus, ses seuils sont « alignés avec ceux choisis par l’AEE* ». En revanche, il ne prend pas en compte les ‘effets cocktail’ (mélanges de polluants) qui, jusque-là, ne font pas l’objet d’une réglementation.

*Agence européenne pour l’environnement : https://www.eea.europa.eu/

 

1) Chiffres Santé Publique France. D’autres estimations basées sur des méthodes de calcul différentes et de nouvelles données épidémiologiques parlent même de 67 000 décès annuels en France et 790 000 en Europe (cf. étude publiée dans European Heart Journal du 12 mars 2019)

2) « Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2019 » publié le 16 septembre, à l’occasion de la Journée nationale de la qualité de l’air, CGDD/SDES, coll. Datalab.

3) FiMEA travaille sur quatre axes spécifiques : métrologie, expertise, épuration, communication (www.fimea.fr).

4) Lancé il y a 20 ans, le programme européen Copernicus met « l’observation et la surveillance de l’environnement et de la Terre au service des citoyens et des décideurs ». Il fournit des données objectives, libres et gratuites sur le changement climatique, la qualité de l’air, la surveillance des océans, les surfaces continentales, la sécurité et le suivi des situations d’urgence. Ces données viennent des satellites d’observation (dont les « Sentinel ») et des informations recueillies in situ (balises en mer, ballons, mesures au sol, statistiques…).

5) L’instrument IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge) mesure la température et l’humidité de l’atmosphère et détecte les gaz présents (O3, CH4, CO…) même à l’état de traces.

 

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