Alors que, jusque-là, la plupart des soutiens développés pour faciliter la décarbonation de l’industrie concernaient surtout les grands groupes des secteurs les plus émetteurs, le ministère de l’Economie a annoncé fin novembre mettre en place un nouveau dispositif à destination des PME et ETI : les « obligations transition ».

 

En septembre 2023, le baromètre Argos Wityu et BCG sur les progrès des PME et ETI(1) européennes en matière de décarbonation indiquait que seules 11 % des PME et ETI avaient déployé un plan de décarbonation structuré (i.e. avec mesure des GES, feuille de route précise, investissements substantiels) et qu’elles étaient surtout motivées par la réglementation, les prix de l’énergie et la demande des clients et non par l’objectif d’une approche structurée et globale. Les trois principaux freins identifiés étaient, sans grande surprise, le manque de ressource financière, la complexité réglementaire et le manque d’expertise en interne. Un mois plus tard, une étude Bpifrance Le Lab indiquait que 88 % des dirigeants français de PME-ETI déclaraient pouvoir réduire leur empreinte carbone notamment via l’écoconception ou la sélection de leurs fournisseurs mais pas du tout en s’engageant dans la refonte de leur stratégie ou dans la modification de leur business model…

Pour soutenir les PME et ETI dans leur effort de décarbonation, le ministère français de l’Economie a lancé un nouveau dispositif en novembre 2024 : les « obligations transition » (OT). Ce nouveau type d’obligations sera déployé avec les assureurs et les sociétés de gestion et bénéficiera d’une garantie de l’État pour des financements de long terme. Ces financements « permettront d’améliorer la performance environnementale des entreprises tout en accélérant leur développement ».

Un dispositif pour le long terme

L’originalité du dispositif est qu’il permet d’émettre des financements de long terme (8 ans) avec un différé d’amortissement de 4 ans. La garantie de l’État – d’un montant maximum de 5 milliards d’euros – pourra couvrir l’ensemble des pertes finales du fonds jusqu’à un maximum de 30 % de l’encours du fonds. Il s’agit, selon le ministère, de « favoriser le financement des projets considérés comme peu rentables à court terme et insuffisamment couverts par les offres commerciales des réseaux bancaires. »

Ces « obligations transition » seront distribuées de 2025 à fin 2029 pour « assurer la cohérence avec la première échéance fixée par le plan européen Fit for 55 qui prévoit, pour 2030, une réduction de 55 % des émissions de GES par rapport à 1990 ».

Trois entrées d’investissement possibles

Le dispositif prévoit trois entrées d’investissement :

– entrée « équipement » : financement de projets d’amélioration de la performance environnementale de l’entreprise concernée. L’investissement doit correspondre à l’acquisition d’un équipement prévu par la réglementation (cf. Art. 4 et 5 du décret n° 2024-752 du 7 juillet 2024). L’équipement acheté ne peut constituer une simple mise aux normes européennes en cours ou à venir dans les 18 mois.

– entrée « entreprise solution » : financement direct de PME dont l’activité principale contribue à la transition de l’économie. L’entreprise doit mener une ou plusieurs activités ou technologies dites « solution » prévues par la réglementation (cf. Art. 4 et 5 du décret n° 2024-752 du 7 juillet 2024). Ces activités doivent représenter 50 % du chiffre d’affaires ou 50 % des dépenses d’investissement (Capex).

– entrée « entreprise en transition » : financement direct de PME ayant engagé une démarche de décarbonation. L’entreprise doit présenter un bilan d’émission de GES et un plan d’action fixant ses objectifs de décarbonation et ses actions pour les réduire. Elle doit en outre transmettre à la société de gestion un rapport annuel sur l’atteinte des résultats fixés dans le plan d’action. En fonction de l’atteinte des objectifs, la société de gestion peut revoir le taux d’intérêt de l’obligation transition à la baisse ou à la hausse.

Les PME sont éligibles aux trois entrées mais les ETI ne sont éligibles qu’à l’entrée « équipement ».

Quel fonctionnement concret ?

Les obligations transition seront placées dans deux fonds gérés par des sociétés de gestion partenaires et abondés par les investisseurs institutionnels comme les assureurs :

– un fonds d’alignement d’intérêt qui hébergera 20 % des encours qui ne seront pas garantis par l’État,

– un fonds garanti qui conservera 80 % des encours. L’État apportera sa garantie à hauteur de 100 % sur les éventuelles premières pertes dans la limite de 5 milliards d’euros et jusqu’à un maximum de 30 % de l’encours du fonds.

Comment s’y prendre ?

Pour émettre une obligation transition, l’entreprise doit adresser sa demande à une société de gestion habilitée à distribuer ce produit. Elle devra fournir un dossier complet comprenant un plan d’investissement avec le montant et la description du projet d’investissement, une déclaration de l’ensemble des aides publiques déjà reçues et les documents justificatifs selon l’entrée sollicitée.

A noter : En souscrivant une obligation transition, l’entreprise s’engage à utiliser le financement pour l’objet indiqué dans son plan d’investissement et engage sa responsabilité sur la véracité des informations communiquées. En cas de dol(2), d’erreur ou de non-respect des textes réglementaires sur les obligations transition, l’État peut retirer sa garantie et la société de gestion peut exiger un remboursement anticipé.

 

Stratégie Décarbonation de l’industrie : trois ans déjà

Après le fonds Décarbonation Industrie lancé via France Relance en 2020-2021, la France s’est dotée début 2022 d’une Stratégie d’accélération Décarbonation de l’industrie dans le cadre de France 2030. Cette stratégie prévoyait l’élaboration de feuilles de route pour neuf grands secteurs particulièrement émetteurs (chimie, acier, aluminium, ciment, verre…) et la mise en place de différents dispositifs de soutien avec une enveloppe de 5 milliards pour décarboner les sites industriels et 610 M€ pour favoriser les solutions innovantes. Parmi ces dispositifs figurent les appels à projets Zibac, IbacPME, DemiBac, Solinbac, BCIAT et Decarb-Ind et des appels à manifestation d’intérêt comme l’AMI « Massifier le nombre d’industriels qui s’engagent dans la décarbonation via un ou plusieurs dispositifs du programme PACTE Industrie pour, entre autres, construire une stratégie décarbonation et un plan de transition » lancé par l’Ademe en avril 2024. Bpifrance et l’Ademe ont lancé l’Accélérateur Décarbonation, un programme d’accompagnement pour les dirigeants de PME et ETI souhaitant se faire accompagner pour définir une stratégie bas carbone (4e promotion en février 2025). L’association Pacte PME a lancé en juillet 2023 l’Alliance Décarbonation via laquelle plusieurs grands comptes soutiennent les efforts de décarbonation de leurs fournisseurs (1500 PME identifiées). Enfin, l’Ademe a lancé en décembre 2024 un appel d’offres « Grands projets industriels de décarbonation » pour les projets représentant un montant d’aide total d’au moins 20 M€ à l’exemple des projets de captage-stockage de carbone. Et en parallèle, elle a relancé l’AAP Décarbonation Industrie « pour soutenir des projets permettant de réduire d’au moins 1000 t CO2/an ».

 

1) Selon l’Insee, la France comptait 159 000 petites et moyennes entreprises (PME) et 6 200 entreprises de taille intermédiaires (ETI) en 2021.

2) En droit des contrats, le dol désigne une manœuvre frauduleuse destinée à tromper.

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