Issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement (préventif, curatif ou palliatif) dans le domaine de la médecine humaine ou vétérinaire, les déchets d’activités de soins peuvent présenter plusieurs risques dont le risque infectieux(1). En France, la gestion des DASRI est encadrée depuis plus de vingt-cinq ans mais elle fait actuellement l’objet d’une révision qui pourrait conduire à un déclassement de certains de ces déchets.
Déchets d’activités de soins à risque infectieux : de quoi parle-t-on ?
L’article R.1335-1 du Code de la santé publique considère comme DASRI les déchets qui « soit présentent un risque infectieux du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent une maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants, soit, même en l’absence de risque infectieux, relèvent d’une des catégories suivantes : matériels et produits piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ; produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ; déchets anatomiques humains correspondant à des fragments humains non aisément identifiables »(2).
Les producteurs de DASRI
Les DASRI sont produits par les établissements de santé (hôpitaux, laboratoires, centres de recherche, services de collecte du sang…), les professionnels libéraux (ou « secteur diffus »)(3) et les patients en auto-traitement. Tout producteur ou détenteur d’un DASRI est responsable de ce déchet : il est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion jusqu’à son élimination ou sa valorisation finale.
Une filière d’élimination spécifique
Etant porteurs d’agents biologiques (micro-organismes viables – bactéries, virus, moisissures, levures – ou leurs toxines), les DASRI sont pris en charge de manière à prévenir les expositions dangereuses et éviter la propagation de maladies infectieuses, les expositions pouvant se faire par contact (ou projection) avec des liquides biologiques ou par piqûre ou coupure (seringues, aiguilles, scalpels…).
Leur gestion est encadrée par des règles précises d’emballage, d’entreposage, de transport, de traçabilité et de formation/information du personnel (cf. arrêtés de septembre 1999 modifiés depuis). Les producteurs doivent mettre leurs DASRI dans des emballages spécifiques certifiés (boîtes, sacs, caisses) et les entreposer dans un local dédié ventilé et non chauffé. S’ils produisent moins de 15 kg/mois, ils peuvent les déposer dans des collecteurs automatiques mis à disposition par certaines déchetteries, sur présentation d’une clé électronique nominative. Au-delà de 15 kg/mois, ils sont tenus de faire opérer la collecte et le transport par des professionnels, la fréquence d’enlèvement étant fonction de la quantité de déchets générée. Outre les impératifs de tri, de conditionnement et d’entreposage, les emballages qui sortent de l’établissement producteur doivent répondre aux exigences de la réglementation sur le transport des matières dangereuses par route.
Si la plupart des DASRI partent en incinération (v. encadré Chiffres), certains peuvent faire l’objet d’un prétraitement basé sur une désinfection thermique ou chimique suivie d’un broyage pour les déchets solides ou de différents modes de traitement pour les déchets liquides, en fonction de leur type (biologique, chimique ou radioactif). Les appareils de prétraitement par désinfection (ex. : Ecostéryl, Ecodas, Sterilwave…) doivent faire l’objet d’une attestation de conformité délivrée par un organisme agréé par le Ministère de la santé et de l’accès aux soins. Une fois prétraités dans un appareil conforme, les DASRI peuvent partir dans les filières de traitement de déchets ménagers.
DASRI des particuliers
Chaque année, près de 2 millions de personnes utilisent des produits perforants à leur domicile dans le cadre de leur traitement médical. A travers la filière REP DASRI PAT instituée par décret en juin 2011, ces patients en auto-traitement (PAT) de même que les utilisateurs d’auto-tests peuvent retirer chez leur pharmacien un mini-collecteur pour les déchets coupants (boîte jaune). Depuis 2023, ils peuvent aussi retirer une boîte violette destinée, elle, aux DASRI avec électronique ou « e-DASRI » (ex. : pompes patch, capteurs…). Les pharmacies collectent ces boîtes sans frais conformément à l’article 89 de la loi AGEC du 10 février 2020.
La filière REP DASRI PAT est opérée depuis 2012 par DASTRI, seul éco-organisme agréé à ce jour. A fin 2023, 95 % des pharmacies ont intégré le réseau DASTRI, soit près de 20 500 points de collecte. Plus récemment, avec le développement de la vaccination en pharmacie, une filière DASTRI Pro a été mise en place avec la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) sur le même principe de prise en charge que les DASRI PAT.
Chiffres clés (source DASTRI, 2023)
La filière DASRI en France, c’est 47 installations de traitement des DASRI sans électronique dont 25 unités de traitement par incinération avec valorisation énergétique (UVE), 15 sites de prétraitement par désinfection, 1 site d’incinération en UIOM* après prétraitement et 6 sites de stockage en ISDND* après prétraitement. Pour les DASRI avec électronique, DASTRI dispose d’une unité de séparation (5 matériaux : carton, métaux, plastiques, piles et cartes électroniques) au sein de DASTRI Lab, près de Besançon.
En 2023, DASTRI a traité 1965 tonnes, dont 820 tonnes de contenants et les déchets issus de vaccination. Sur ces 1965 tonnes, 1204 (61,2 %)sont parties en incinération et 761 (38,8%) ont été prétraitées, dont 539 tonnes ont ensuite été incinérées et 222 tonnes, enfouies en ISDND. Par ailleurs, 4,1 millions de boîtes jaunes et plus de 133 000 boîtes violettes ont été distribuées.
*UIOM : Unité d’incinération des ordures ménagères – ISDND : Installation de stockage de déchets non dangereux
Un déclassement des DASRI en déchets banals ?
Le Haut Conseil de la Santé Publique a revisité la définition des DASRI en juin 2023. Pour lui, « un déchet à risque infectieux (risques biologiques) correspond à un déchet d’activités de soins provenant d’un foyer de multiplication active d’agents biologiques pathogènes – groupes 2 à 4 (foyer infectieux ou colonisation microbienne). Un déchet à risque infectieux correspond aussi à un déchet d’activités de soins qui est fortement imprégné de sang, de sécrétions ou d’excrétions avec risque d’écoulement. »
Le HCSP exclut des DASRI « les DAS qui ne proviennent pas d’un foyer de multiplication active d’agents biologiques pathogènes ; les DAS issus d’un patient présentant une infection, sauf s’ils ont été en contact avec un foyer infectieux ; les DAS qui ont perdu les propriétés de risque infectieux par un traitement de désinfection ; les dispositifs médicaux à usage unique reconnaissables qui n’ont pas été en contact avec un foyer infectieux ou de colonisation microbienne ou qui n’ont pas été imprégnés par une grande quantité de sang, de sécrétions ou d’excrétions. »
Quelques exemples concrets
Selon le HCSP, un abaisse-langue utilisé pour un patient ne présentant aucune infection, un masque de protection individuelle utilisé par un professionnel de santé, un pansement utilisé après une injection sous-cutanée et un champ opératoire taché de quelques gouttes de sang sont considérés comme des DAS assimilables à un déchet ménager.
En revanche, un abaisse-langue utilisé pour un patient présentant une infection du rhino-pharynx, un masque anti-projections utilisé par un patient souffrant d’une infection pulmonaire, un pansement pour un patient présentant une infection cutanée ou un champ opératoire fortement imprégné de sang sont considérés comme des DASRI.
A l’heure où tout le monde parle de simplification, cette nouvelle approche peut interpeller. Par exemple, la question se pose de savoir qui, au sein de l’établissement, va déterminer si tel ou tel déchet a été en contact avec un foyer infectieux ? De même, où faut-il mettre le curseur pour déterminer la quantité de sang, de sécrétions ou d’excrétions dont est imprégné un déchet ?
En octobre 2024, le HCSP a apporté quelques débuts de réponses dans son avis relatif à la révision du Guide national sur l’élimination des DASRI publié en 2009. Outre l’utilisation de sa nouvelle définition des DASRI, il y recommande de « former les personnels de soins, en ville et dans les établissements de santé et médico-sociaux, à bien identifier les DASRIA (DASRI assimilables à un déchet ménager) selon le contexte et l’état clinique du patient, en considérant autant le risque infectieux, avéré ou suspecté chez le patient que le risque biologique pour les professionnels de la collecte et du traitement des déchets. » Il propose aussi de « mettre en place des formations adaptées des personnels de logistique et de collecte des déchets aux nouvelles filières de recyclage et de valorisation ». Enfin il préconise de « veiller à l’organisation, le plus largement possible, selon la réglementation de lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire (loi AGEC), de filières spécifiques de recyclage et de valorisation des déchets d’activités économiques autres (« DAE autres ») que les déchets d’activités de soins à risque infectieux, chimique/toxique, radioactif ou issus de médicaments. Les actions portent sur le tri et la préparation éventuelle du déchet, les contenants, l’entreposage, le transport et le traitement, ceci afin d’éviter l’engorgement des filières d’élimination des ordures ménagères. »
Les professionnels des déchets réagissent
Face à cela, certains acteurs de la filière Déchets tirent la sonnette d’alarme. Pour la Fnade et le Snefid(4) par exemple, « ce tri reposant sur les soignants qui doivent donc distinguer les déchets selon ces critères est source d’erreurs de tri alors que, aujourd’hui, les établissements de santé trient leurs déchets entre « déchets potentiellement contaminés (à risques) » et « déchets non dangereux » (assimilables aux déchets ménagers), soit « un tri simple à opérer et qui assure la sécurité de toute la filière. »
Les deux organisations soulignent que « le principe de précaution doit être systématiquement appliqué par une règle claire directement applicable sans recours à une appréciation personnelle, en classant systématiquement en DASRI tous les déchets en contact avec le corps humain, c’est à dire tous les déchets de santé hors emballage. » Pour elles, en dehors des déchets qui doivent faire l’objet d’un tri à la source en amont de l’acte de soin, « les autres déchets doivent être traités de façon privilégiée dans des unités de valorisation énergétique pour éviter tout contact homme/déchets. »
Affaire à suivre, donc.
1) Les autres risques considérés sont le risque chimique et toxique, le risque radioactif et le risque mécanique.
2) Sont aussi assimilés aux DASRI les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire ainsi que ceux issus des activités de thanatopraxie, des activités de chirurgie esthétique, des activités de tatouage par effraction cutanée et des essais cliniques ou non cliniques conduits sur les produits cosmétiques et les produits de tatouage.
3) Difficile à établir, le gisement des DASRI issus des professionnels libéraux est estimé entre 9 000 et 13 000 tonnes (Ademe).
4) Fnade : Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement – Snefid : Syndicat national des entrepreneurs de la filière Déchets