L’actualité ne cesse de nous le montrer partout dans le monde : les catastrophes naturelles liées au changement climatique se multiplient et s’intensifient. Selon France Assureurs, le montant des sinistres dus aux événements naturels en France devrait presque doubler d’ici 2050, passant de 74 Md€ pour la période 1989-2019 à 143 Md€ pour 2020-2050. La sécheresse/le retrait-gonflement des argiles et les inondations figurent aux premiers rangs devant les tempêtes et les submersions marines. Comment le système assurantiel fait-il face ?

Quel système en France ?

En France, l’assurance contre des dommages aux biens issus de risques naturels (non agricoles) est régie par un dispositif assurantiel contractuel classique pour les risques assurables comme les tempêtes et par le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (Cat Nat) pour les risques non assurables.

Créé en 1982 dans une optique de responsabilité et de solidarité, ce régime impose que tout contrat d’assurance contre les dommages aux biens intègre une garantie contre les catastrophes naturelles, offrant une couverture qui atténue sensiblement leur vulnérabilité à un ensemble complet de risques physiques.

La garantie Cat Nat prend en charge les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pas pu empêcher leur survenance ou n’ont pas pu être prises. Elle s’applique après des inondations (par ruissellement, débordement de cours d’eau ou remontée de nappe), des phénomènes liés à l’action de la mer (submersions marines, fortes vagues…), des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols argileux, des mouvements de terrain, des avalanches, des cyclones et ouragans (vents supérieurs à 145 km/h en moyenne sur 10 minutes ou 215 km/h en rafales) et après des séismes et des éruptions volcaniques.

Le dispositif ne couvre pas les dommages provoqués par les feux de forêts et de végétation, par les vents violents dont la vitesse est inférieure à celle des cyclones et ouragans ni les dommages causés par la grêle ou le poids de la neige. Ces dégâts sont couverts par d’autres garanties incluses dans les contrats « dommages aux biens » de manière obligatoire (tempêtes) ou optionnelle (grêle)*.

Pour bénéficier du régime Cat Nat, il faut avoir souscrit une assurance de dommages aux biens et la catastrophe doit avoir été reconnue par un arrêté interministériel publié au JO, après demande du maire.

Un régime déficitaire depuis 2015

Le régime Cat Nat est basé à la fois sur l’assurance privée et sur la ré-assurance publique de la Caisse centrale de ré-assurance (CCR) détenue par l’État. Cependant, la CCR a lancé une alerte fin 2022 sur la pérennité du dispositif face aux effets toujours plus importants de l’intensification des phénomènes climatiques et météorologiques.

De fait, d’après les résultats d’une étude qu’elle a menée récemment, si l’on s’en tient au scénario 8.5 du GIEC (le plus pessimiste, avec une multiplication par deux des GES et une température de 4,4°C en 2050), le risque de sécheresse devrait augmenter de 23 %, les inondations, de 38 % et les submersions marines de 82 % d’ici 2050.

Le stress climatique touche à la fois les clients assurés (particuliers, exploitants agricoles, entreprises), les assureurs et l’État (avec les ré-assureurs). Pour les clients, l’accès à l’assurance peut être de plus en plus difficile (ex. : primes toujours plus élevées, retrait de certains assureurs…).

Dans certains cas, la seule solution restante pour une entreprise sera de déménager et pour une collectivité, de renoncer à de nouvelles infrastructures. Les assureurs, eux, font face à un double défi avec, à la fois un risque sur leur modèle (du fait des incertitudes liées à l’avenir) et une volatilité qui se traduit par une baisse de fonds propres.

Que faire ?

La CCR estime que la sinistralité devrait augmenter de 40 % à horizon 2050 du seul fait du changement climatique et de 60 % si on intègre l’évolution des enjeux assurés. Face à cela, elle envisage trois pistes majeures. D’une part, il faut renforcer les mesures de prévention, en particulier vis à vis des risques de ruissellement et des risques de sécheresse.

Cela peut passer par une amélioration des outils existants comme les Plans communaux et intercommunaux de sauvegarde mais aussi par la diffusion d’une véritable culture du risque naturel dans le pays (par exemple en faisant de l’acculturation au risque climatique une priorité nationale).

D’autre part, il convient de préserver l’esprit originel du régime Cat Nat, à savoir la couverture d’événements d’intensité anormale. Enfin, la CCR estime nécessaire de revoir les ressources du régime en ré-haussant le taux de surprime pour permettre au dispositif de retrouver un équilibre.

Une mission sur l’assurabilité des risques climatiques

Devant l’ampleur du sujet, les pouvoirs publics ont également réagi. Pour garantir la soutenabilité du régime Cat Nat et renforcer le rôle du système assurantiel dans la prévention, l’atténuation et l’adaptation face au changement climatique, les ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu ont lancé en mars 2023 une mission chargée de réaliser un état des lieux et de proposer des recommandations sur l’évolution du système. Les travaux de cette mission portent sur trois axes :

  1.  les moyens permettant d’assurer la soutenabilité du régime français d’indemnisation en tant qu’outil clé de résilience,
  2.  le renforcement du rôle du système assurantiel dans le financement de la prévention et de l’adaptation face au dérèglement et une amélioration de l’articulation avec les interventions publiques existantes en la matière
  3. l’analyse de la contribution du cadre prudentiel et de la politique de souscription des assureurs à l’atténuation du changement climatique et les recommandations permettant d’en accroître la portée. Les résultats de cette mission doivent être remis aux ministres d’ici fin décembre.

Quel bilan pour 2022 ?


En mars 2023, France Assureurs a présenté le bilan de l’année 2022. Sur cette année, le nombre de nouveaux sinistres gérés a « augmenté d’un million, atteignant 13,9 millions de nouveaux sinistres sur l’année, soit 38 150 par jour dont 2 550 liés à des événements climatiques sur les habitations ». A elle-seule, la « facture climatique » « a atteint 10,6 Mrd€ pour les assureurs, un niveau jamais vu depuis plus de vingt ans avec, notamment, des épisodes de grêle intenses qui ont touché une commune sur deux pour un coût historique de 5,1 Mrd€ ». 2022 est également une année record en termes de sécheresse : le coût du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) s’est élevé à 2,9 Mrd€. Il pourrait tripler sur les trente prochaines années.

Pour 2023, le bilan devrait aussi être particulièrement lourd, la sinistralité des événements ne cessant d’augmenter. A titre d’exemple, les tempêtes Ciaran et Domingos ont occasionné 517 000 sinistrés et 1,3 Mrd€ de dégâts. Le gouvernement a publié le 26 novembre un décret et un arrêté permettant notamment d’avancer au 1er novembre l’entrée en vigueur de la prise en charge des frais de relogement d’urgence par Cat Nat, entrée en vigueur initialement prévue au 1er janvier 2024 par les textes du 30 décembre 2022.

*Il existe une garantie Tempête Grêle Neige (TCN) et, pour les agriculteurs, une garantie climatique sur récoltes (MRC).

À lire : Matières premières critiques : des objectifs renforcés

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