Croissance des énergies renouvelables, développement de nouveaux usages de l’énergie dont la mobilité électrique et l’autoconsommation, besoins des sites isolés…, de nombreux facteurs expliquent la croissance considérable du secteur du stockage. De fait, stocker l’énergie est particulièrement intéressant pour pallier les variations de demande et faire face aux « pics » de consommation généralement enregistrés vers 19h30 et qui, jusque-là, sont couverts par le recours à des centrales à combustible fossile, voire à l’importation d’électricité…

Aujourd’hui pas moins de huit technologies reconnues permettent de stocker l’électricité, la chaleur ou le froid et la recherche avance pour en développer de nouvelles. Ces technologies se répartissent en deux grandes catégories : le stockage stationnaire qui permet de « décaler l’usage dans le temps sans le décaler dans l’espace » (Ademe) et ainsi d’assurer l’équilibre entre production et consommation et le stockage embarqué ou portable dédié aux applications mobiles (batteries surtout). Cependant des batteries sont également utilisées pour des usages stationnaires, en particulier pour des applications en autoconsommation, micro-grids ou en complément des réseaux intelligents.

 

Les solutions de stockage de l’électricité

Pour être stockée, l’électricité doit être transformée. Dans le cas des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), il s’agit d’un stockage gravitaire de masse d’eau (cf. deux retenues d’eau à des hauteurs différentes). A ce jour, l’accumulation par pompage représente plus de 90% de la capacité de stockage de l’énergie en UE. Dans le cas du CAES (Compressed air energy storage), il s’agit – par définition – d’un stockage par air comprimé, le plus souvent dans des cavités souterraines : ce stockage thermodynamique offre à la fois une grande capacité et une longue durée. Ces deux systèmes (STEP et CAES) font intervenir une turbine pour produire l’électricité.

Technologie connue depuis longtemps, le système par volants d’inertie permet de créer une énergie cinétique (liée à une masse en rotation, souvent sous forme cylindrique) qui est récupérée ensuite grâce à un alternateur selon le principe de la dynamo. Cette solution facilement mobilisable permet des ajustements ponctuels et de récentes innovations offrent de très hauts rendements (ex. : jusqu’à 97% pour les solutions Levisys).

Enfin le stockage par batteries fait intervenir des réactions électrochimiques via la circulation d’ions et d’électrons entre deux électrodes. Les composants peuvent être variés (plomb, lithium-ion, sodium-soufre, nickel-cadmium…). Alors que certains travaillent sur la 4e génération des batteries Li-ion, d’autres développent des solutions permettant de s’affranchir du lithium (v. encadré).

 

Batteries : bienvenue dans l’ère post-lithium !


L’offre de batteries au lithium a très fortement augmenté ces dernières années. Mais face aux risques qu’elles peuvent engendrer (feu, explosion…), un nombre croissant d’acteurs proposent d’autres types de solutions. Par exemple, la jeune société lilloise Hive Electric développe des batteries métal-ion fonctionnant avec des matériaux recyclés et recyclables comme le graphite ou l’aluminium. Cette solution de stockage embarqué pour la mobilité intéresse déjà la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis. De son côté, Tiamat, spin-off du CNRS, commercialisera en 2023 des batteries sodium-ion destinées à des applications de puissance en grands volumes. D’autres, comme Kemiwatt, développent des batteries à flux, i.e. basées sur la dissolution de molécules organiques dans l’eau : également appelées « redox », ces batteries autorisent un stockage stationnaire longue durée. Ces nouvelles solutions n’utilisent pas de métaux précieux ni de terres rares et certaines sont développées uniquement avec des ressources et matériaux présents en Europe.

 

Les solutions de stockage de la chaleur

Moins souvent mises en avant mais tout aussi fondamentales dans la voie de la décarbonation, les technologies de stockage thermique sont, elles-aussi, variées. L’énergie thermique peut être conservée sous forme de chaleur latente (avec de la glace ou des matériaux à changement de phase), sous forme de chaleur sensible (avec de l’eau chaude ou des sels fondus) ou sous forme chimique (via des réactions chimiques réversibles ou la production d’hydrogène). Une autre solution, le stockage électromagnétique (SMES – Superconducting magnetic energy storage), se base sur la création d’un champ magnétique dans une bobine et permet une récupération rapide de l’énergie produite.

 

Les avancées de la recherche

Les travaux de recherche en cours visent plusieurs objectifs : proposer des matériaux à coût moins élevé, réduire les quantités de matériaux ou de substances chimiques utilisées, identifier des couples chimiques plus performants pour les batteries, réduire les pertes et donc augmenter les rendements, anticiper les coûts d’installation et de maintenance… Ainsi, par exemple, l’IFPen travaille sur l’amélioration des rendements des CAES jusqu’à 70%. D’autres travaux portent sur le développement de nouvelles solutions de CAES ou l’optimisation du stockage thermique en aquifères.

 

Vers une stratégie européenne du stockage

Au-delà du « buzz médiatique » déclenché en 2017 par l’annonce de l’Alliance européenne pour les batteries en vue, notamment, de produire sur le territoire de l’UE, le Parlement européen en appelle à une véritable stratégie européenne dédiée. C’est en tous cas ce qu’il a demandé dans une résolution du 10 juillet 2020. Il est vrai que, en 2018, pas plus de 3% des capacités de production mondiales de cellules de batteries Li-ion étaient situées en UE contre 85% en Asie-Pacifique. Plus globalement, la Commission estime que l’UE devra être en mesure de stocker six fois plus d’énergie qu’aujourd’hui si elle veut parvenir à l’objectif de neutralité des émissions de GES d’ici 2050.

Au final, qu’elles soient chimiques, électrochimiques, électriques, mécaniques ou thermiques, les solutions de stockage d’énergie permettent une grande diversité d’applications bien au-delà du seul lissage de la production d’énergie solaire ou éolienne. Après avoir connu une baisse de 30% en 2019 par rapport à 2018 (avec 2,9 GW ajoutés), le développement mondial des capacités de stockage à grande échelle semble repartir à la hausse : une récente étude du cabinet spécialisé Clean Horizon rapportée par GreenUnivers montre que 8,6 GW de projets sont déjà annoncés à début mai (hors STEP), soit l’équivalent du total de l’année 2019. Ce qui augure une année 2021 prometteuse. Et parmi les développeurs les plus dynamiques, le Français Neoen est classé au 3e rang, derrière l’Américain NextEra et Solar Philippines (v. encadré).

 

Neoen, acteur majeur du stockage en Australie


Producteur indépendant d’énergies renouvelables, Neoen développe aussi des centrales de stockage à grande échelle. Ainsi, après la Hornsdale Power Reserve développée avec Tesla dans le sud de l’Australie (150 MW ; 193,5 MWh), il a annoncé fin février avoir finalisé le financement d’un autre projet australien : la Victorian Big Battery qui sera l’une des plus puissantes au monde (300 MW ; 450 MWh). Ce projet s’inscrit dans l’objectif global de 5 GW de capacité en opération ou en construction que s’est fixé Neoen pour fin 2021.

 

À voir  : Changement d’échelle pour l’hydrogène

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