Décarboner les transports en une génération dans l’objectif de neutralité carbone en 2050 implique, entre autres, de favoriser une mobilité plus collective. En milieu urbain ou péri-urbain, les solutions de transport aérien par câble présentent de nombreux atouts. Déjà adoptées dans plus de 80 villes du monde entier, souvent en complément de solutions déjà existantes, elles commencent à se déployer en France.

Pollution aux particules fines, congestion, émission de gaz à effet de serre, emprise foncière des infrastructures…, le modèle de transport urbain axé sur la voiture thermique particulière n’est plus viable. Mais le modèle du tout véhicule électrique ne l’est pas non plus, pour d’autres types de raisons. Comme dans le secteur de l’énergie, c’est donc la recherche d’un mix équilibré répondant au mieux aux enjeux du territoire qui doit primer. Le transport aérien par câble peut constituer un élément pertinent tant sur le plan technique que financier.

Quels atouts principaux ?

Déjà décliné en milieu urbain depuis des décennies mais plutôt à des fins touristiques et/ou événementielles avec l’exemple emblématique du Pain de Sucre à Rio mais aussi, plus près de nous, des « bulles de Grenoble », le transport aérien par câble présente de nombreux atouts pour la mobilité urbaine. Qu’il s’agisse de télécabines ou de téléphériques (v. encadré), il permet le franchissement d’obstacles ou « coupures urbaines ») tels que cours d’eau, axes routiers ou ferroviaires, ouvrages ou lignes à haute tension, ce que ne permettent pas d’autres solutions de mobilité. Il se base sur une technologie déjà éprouvée, économiquement compétitive et relativement rapide à déployer (certains projets ont été concrétisés en deux ans).

Ce mode de déplacement sûr, rapide et accessible fonctionne à l’électricité et a une empreinte écologique et carbone limitée. Autre argument de taille pour les responsables de collectivités et aménageurs, il mobilise peu de foncier et ne nécessite pas de travaux importants de génie civil. Autrement dit, une ligne de transport par câble représente un investissement nettement inférieur à celui d’un tramway ou d’un métro. Au-delà de la mobilité pendulaire, le transport urbain par câble peut servir à désenclaver un quartier à forte densité ou à accompagner le développement d’une zone, s’inscrivant ainsi dans la politique globale de la ville.

 

Différentes technologies disponibles


Selon le Cerema, les télécabines mono-câbles constituent le système le plus courant en milieu urbain. Les télécabines bi-câbles ou tri-câbles (i.e. avec un câble tracteur et un ou deux câbles porteurs) sont plus adaptées pour des situations plus contraintes. Elles offrent une capacité plus élevée, une meilleure stabilité au vent et une portée entre pylônes plus importante. De leur côté, les téléphériques proposent des cabines de très grande taille en « va et vient » et, depuis peu, en système débrayable, preuve que la recherche et l’innovation avancent dans le domaine.

 

Le marché des solutions de transport par câble compte plusieurs acteurs, le plus souvent historiques dans le domaine des remontées mécaniques mais ayant diversifié leurs activités au fil des ans : Poma, Leitner, MND Group, Doppelmayr. Poma, par exemple, a travaillé avec la ville de Medellin (Colombie) qui intégré dès 2004  une ligne de transport par câble aérien à son réseau de transport urbain. Doppelmayr a réalisé un important réseau de téléphérique interurbain à La Paz (Bolivie). Mais le marché ne concerne pas que l’Amérique latine, ces différents groupes ont également des références en Amérique du Nord (Etats-Unis, Saint Domingue…), en Asie (Chine, Corée du Sud…), en Afrique (Algérie, Egypte…), etc.

En France, le nombre de réalisations déjà en service est limité (Brest), du fait notamment de la complexité des procédures nécessaires (évaluation environnementale, compatibilité du projet avec les documents d’urbanisme, reconnaissance de son utilité publique…). Cependant, de nombreux projets sont en cours.

Celui de Toulouse, mené avec Poma, doit être mis en service courant 2022. Constitué d’un téléphérique tricâble qui traversera un fleuve et survolera une colline permettant de relier trois pôles d’activités majeurs du sud de la ville, il sera intégré au réseau de transport de l’agglomération.

Autre projet Poma, le futur métrocâble de Grenoble enjambera deux cours d’eau, des voies ferrées, des autoroutes et des lignes de tram. A la Réunion, la ville de Saint-Denis s’équipe déjà d’une deuxième ligne de téléphérique. Ce projet porté par MND Group se distingue par l’intégration de 600 m² de panneaux PV sur la station, qui permettront au téléphérique de produire l’équivalent de 92 % de sa consommation électrique annuelle.

En Ile-de-France, un projet de liaison entre Créteil et Villeneuve-Saint-Georges (anciennement Téléval, devenu Câble 1) devrait voir le jour d’ici 2025, porté par Doppelmayr.

D’autres projets sont à l’étude dans le cadre du Grand Paris et dans l’optique des JO 2024.

Enfin, ce  rapide tour d’horizon ne serait pas complet si l’on n’évoquait le projet de transport urbain aérien à la demande porté par la start-up Supraways. Ce projet vise à développer des véhicules autonomes sans conducteur, les ‘Supras’ (systèmes urbains personnalisables rapides autonomes solaires), qui glisseront au-dessus de l’espace public à une vitesse compétitive, le tout grâce à des infrastructures de guidage organisées en réseau de boucles interconnectées. Supraways doit passer à l’échelle 1 courant 2022 avant de réaliser un centre d’essais en 2023.

Déjà des critiques…

Comme toute solution nouvelle, le transport aérien par câble a ses détracteurs. Et parmi les points évoqués figure la question de l’acceptabilité. Car certains voient déjà des problèmes de vie privée et de confidentialité dans le survol d’habitations. Certes une loi de 1941 qui interdisait aux téléphériques de survoler à moins de 50 mètres les parcelles privées a été abrogée par une ordonnance sur la servitude d’utilité publique de libre survol prise en 2015 à la suite de la loi TECV. Mais en mars 2017, un autre décret a précisé les choses (décret dit STPG pour ‘sécurité des transports publics guidés’). Qui plus est, des solutions technologiques permettent de s’affranchir de cette contrainte, à l’exemple de vitres qui s’opacifient quand la cabine passe à proximité d’habitations.

Certains évoquent l’argument des nuisances sonores mais là encore, les recherches avancent et les plus récents systèmes, opérant avec moins de frottements, limitent le bruit au passage des pylônes. Il n’en reste pas moins que le bruit d’un téléphérique ou d’une télécabine peut difficilement être comparé à celui de véhicules thermiques.

Pour d’autres encore, ce genre de système ne peut fonctionner qu’en ligne droite. C’est déjà de l’histoire ancienne puisque tout un travail est déjà en cours sur des pylônes d’angle autorisant des virages jusqu’à 45° sans avoir à implanter de stations intermédiaires, comme l’avaient annoncé Eiffage, Poma et la RATP lors du lancement de leur offre commune UP fin 2018, à l’occasion du Forum des Projets Urbains.

On le voit, le transport aérien par câble a toute sa place dans les solutions de mobilité urbaine bas carbone. Selon le cabinet américain Persistence Market Research, le marché mondial du transport par câble devrait atteindre 4,6 milliards de dollars en 2024 (vs 1,9 Md en 2016) avec plus du tiers dédié au transport des personnes en milieu urbain. De quoi voir venir de nombreux projets.

 

Pour aller plus loin


La Banque Mondiale a réalisé une analyse intéressante sur le sujet comprenant 21 études de cas aux spécifications techniques et business models variés.

« Urban Aerial Cable Cars as Mass Transit Systems » World Bank Group, Sept. 2020, disponible sur World Bank Document

 

Lire aussi  : Adapter les villes : des solutions pour passer du discours aux actes

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