Bien connaître la quantité de matières primaires mobilisées par une économie est un préalable à toute politique d’économie circulaire. Dans cette optique, l’empreinte matières est l’indicateur ad hoc. Elle est aujourd’hui calculée selon une méthodologie développée par Eurostat pour les Etats membres de l’UE. Cependant deux chercheurs français proposent une autre méthodologie qui prend plus en compte la structure du système productif du pays et offre une décomposition plus fine. Détails.

L’empreinte matières mesure à la fois les quantités de matières contenues dans les produits consommés (‘flux directs’) et les quantités de matières utilisées dans les processus productifs (‘flux indirects’), qu’elles soient intérieures ou importées. Elle constitue donc un indicateur plus complet que la seule comptabilisation des flux directs de matières.

Dans l’étude publiée fin novembre(1), les auteurs se sont basés à la fois sur les données monétaires des comptes nationaux de l’Insee (tableaux entrées-sorties symétriques), les données physiques d’extraction intérieure de matière (comptes des flux de matières de la France) et les données de contenus en matières des importations (Eurostat), le tout pour l’année 2013.

Selon leurs calculs, l’empreinte matières de la France en 2013 s’élevait à 898 Mt toutes matières confondues, soit 13,7 tonnes par habitant. Ceci n’est pas très éloigné du total par habitant (13,3 tonnes) obtenu via la méthodologie Eurostat. Mais la nouvelle méthodologie donne la possibilité de décomposer l’empreinte matières selon les produits de la demande finale auxquels elle se rapporte. Ainsi, d’après les auteurs, l’empreinte est largement dominée par les minéraux non métalliques (378 Mt, soit 42% du total) suivis par la biomasse (244 Mt, soit 25%) et les combustibles fossiles (208 Mt, 23%), les métaux représentant quant à eux 10% du total avec 88 Mt.

 

L’empreinte par catégorie de matières

La nouvelle méthodologie permet d’aller plus loin dans l’analyse en décomposant l’empreinte par grande catégorie de matières et de produits. On apprend ainsi que l’empreinte en minéraux non métalliques résulte en majeure partie de l’investissement en construction (51%). L’empreinte en biomasse est soutenue à 47% par la consommation de produits agroalimentaires et à 21% par la consommation de produits agricoles. L’empreinte en combustibles fossiles est liée à hauteur de 25% à la consommation en produits issus du raffinage de pétrole, le reste étant réparti entre les autres catégories de produits. Rappelons que les produits énergétiques et les services de transports – les plus intenses en combustibles fossiles – sont utilisés comme consommations intermédiaires pour la majorité des autres produits. Enfin, s’agissant des métaux, un tiers de l’empreinte vient de l’industrie manufacturière liée aux métaux et minéraux (machines, véhicules…) et plus d’un quart, de la construction.

 

L’empreinte par catégorie de produits

Le produit dont l’empreinte matières est la plus importante est la construction (27% de l’empreinte totale) du fait essentiellement de l’utilisation de sables et graviers. Viennent ensuite les produits agricoles et agro-alimentaires à hauteur de 25% (céréales et cultures fourragères). Les produits manufacturés à base de combustibles fossiles ou de métaux représentent 17% du total. Les services marchands comptent pour près de 20% avec une structure par matière variable selon les services (forte utilisation de biomasse dans l’hébergement et la restauration, de combustibles fossiles dans les transports…). Enfin, l’empreinte des services non marchands représente 7%.

 

Construction et rénovation : quelle consommation de matériaux d’ici 2050 ?


L’Ademe a publié fin décembre deux études prospectives sur la consommation de matériaux des bâtiments en construction neuve et en rénovation BBC, pour la période 2015-2050. Il en ressort que la construction neuve devrait consommer 1,3 milliard de tonnes de matériaux* contre 74 millions de tonnes pour la rénovation, soit un rapport de 1 à 17. A titre d’exemple, la construction d’une maison individuelle consomme en moyenne 1,2 tonne de matériaux par m², soit près de 40 fois plus que la rénovation. Et la construction d’un bâtiment de logements collectifs ou d’un EHPAD consomme en moyenne 1,6 tonne par m², soit près de 80 fois plus qu’une rénovation. Ce qui amène l’Ademe à conclure que « mises en regard des problèmes de pression sur les ressources (sable…), des questions d’artificialisation des sols liées à la construction neuve et d’émissions de gaz à effet de serre souvent plus favorables à la rénovation, ces deux études apportent un élément supplémentaire plaidant en faveur de la rénovation et pour la limitation autant que possible de la construction neuve au strict nécessaire ». Ces études plaident aussi fortement pour un véritable développement de l’utilisation de matières recyclées dans le secteur.
*Dont 85% uniquement pour les granulats, le sable et le ciment.

1) « L’empreinte matières de l’économie française : une analyse par matière et par catégorie de produits », K. Mohkam (CGDD) et O. Simon (Insee), n° G2019/11, Novembre 2019.

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