Grâce au développement des technologies numériques, l’industrie 4.0 promet aux entreprises gains de productivité et réduction des coûts. Mais ces évolutions sont-elles durables et compatibles avec une réduction de l’impact environnemental ?
Qu’est-ce que l’industrie 4.0 ?
L’industrie 4.0, appelée aussi usine du futur, est un système de production industrielle interconnectée. La circulation de l’information, au sein de l’usine et dans son écosystème, y est démultipliée. Après s’être d’abord développée autour du contrôle des machines en temps réel via l’essor des capteurs intelligents, son champ d’application est aujourd’hui bien plus large.
Pour beaucoup, cette usine du futur incarne la quatrième révolution industrielle, après celle de la mécanisation au XVIIIe siècle (vapeur), de l’automatisation au XIXe siècle (électricité et pétrole) et de la production de masse et de la mondialisation au XXe siècle (électronique et informatique).
Avec l’industrie 4.0, l’ère de l’usine intelligente et connectée s’ouvre. Cette smart factory intègre les principes de :
- smart production : l’optimisation de la production via une nouvelle collaboration entre humains et machines.
- smart services : l’interconnexion des systèmes, en interne mais aussi vers les partenaires extérieurs et les clients.
- smart energy : le souci de la durabilité.
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L’industrie 4.0 : quels enjeux en 2020 ?
L’usine du futur, oui, mais pour quoi faire ? Ses objectifs premiers demeurent le gain de productivité, la baisse des coûts et le basculement dans l’ère de la personnalisation de masse (ou mass-customization). Pour les pays les plus avancés, l’enjeu majeur de cette quatrième révolution industrielle est de retourner la tendance de la mondialisation à leur avantage.
L’industrie 4.0 doit être capable de produire plus vite, d’être plus réactive face à une demande mouvante et de se corriger de façon autonome grâce au principe de maintenance prédictive. Elle peut s’appuyer sur des innovations technologiques majeures : l’IoT (Internet des objets en français), le Cloud computing, la cobotique, l’impression 3D ou encore les jumeaux numériques industriels…
La data et l’intelligence artificielle jouent un rôle-clé pour assurer un niveau d’adaptabilité des systèmes de production jamais atteint. En parallèle, l’IoT industriel ou encore la blockchain révolutionnent la traçabilité des flux et des produits. L’émergence de la Smart Data industrielle rend quant à elle possible la business intelligence.
Et l’humain dans tout ça ? Dans la smart factory, un renversement s’opère : l’usine se met au service de l’employé pour lui permettre de concentrer ses efforts sur les prises de décision stratégiques. Des technologies comme la réalité augmentée, utile pour accélérer la compréhension des flux de data, prennent ici tout leur sens. C’est la montée en puissance de la cobotique – collaboration hommes-robots –, ou la notion d’interactions homme-machine (IHM).
Surtout expérimentée pour l’heure par de grands acteurs industriels, l’usine du futur porte déjà des fruits. Grâce à elle, Siemens affirme ainsi avoir multiplié par deux la productivité de son site d’Amberg, en Allemagne (1).
L’industrie 4.0 est-elle compatible avec les objectifs de développement durable ?
L’empreinte écologique de l’industrie est massive. Rien qu’en France, le secteur industriel génère 17,8 % des gaz à effet de serre (2). Il forme par ailleurs une importante source de pollution et de déchets (37 % des déchets non-dangereux en France (3)).
Or, avec sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), la France a affirmé en 2020 sa volonté de voir se développer des « technologies de rupture » visant à décarbonner l’industrie. Le digital peut-il aider à concilier production industrielle et développement durable ? Les avis divergent.
Certains estiment que les problématiques environnementales (extraction des matières premières, traitement des déchets…) ne sont en réalité que déplacées vers les pays du sud. « Les références explicites à la durabilité écologique des systèmes de production restent rares », constate l’Ademe (4).
Selon d’autres experts toutefois, l’industrie 4.0 est bien compatible, voire indissociable, avec une meilleure gestion de l’impact environnemental. Le digital est même présenté comme LE levier pour une industrie propre. La même Ademe note ainsi qu’ « une part significative (des) gains énergétiques (à réaliser par l’industrie d’ici 2030) est conditionnée par le déploiement de technologies éprouvées et par celui de l’innovation ».
Quelques exemples d’innovations vertes
L’impression 3D est souvent citée comme une innovation environnementale fructueuse de l’industrie 4.0. Ses avantages énergétiques sont bien documentés. GE Aviation et Safran Aircraft Engines ont, par exemple, réussi à réduire d’un quart le poids de leurs moteurs LEAP et faire baisser la facture énergétique et les émissions de CO2 en misant sur elle (5).
A côté, l’IoT et l’intelligence artificielle s’intègrent de plus en plus dans les stratégies d’optimisation énergétique, notamment en ce qui concerne les robots industriels. La Smart Data produit également des résultats. En France, citons l’exemple d’Energiency et de sa plate-forme d’analyse en temps réel des données de performance énergétique. La start-up d’intelligence énergétique affirme être capable de faire baisser de 15 % la consommation d’énergie d’une usine. Et elle est loin d’être la seule positionnée sur ce créneau.
L’usine 4.0 sera-t-elle durable ? Si son objectif premier reste la recherche de productivité, face à l’urgence climatique, il est certain que l’ambition environnementale va y occuper une place de plus en plus grande.
1) Source Techniques-ingenieur – https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lusine-4-0-cest-quoi-37271/
2) Le Monde.fr – lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/08/voiture-industrie-viande-quelles-sont-les-causes-du-rechauffement-climatique-en-france_5486767_4355770.html
3) Ministère de la Transition écologique et solidaire – https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/pollution-lair-origines-situation-et-impacts#:~:text=Les%20impacts%20de%20la%20pollution%20atmosph%C3%A9rique,ans%20pouvant%20d%C3%A9passer%202%20ans)
4) Ademe – https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/industrie-numerique_2017-synthese.pdf
5) Les Echos – https://www.lesechos.fr/thema/articles/produire-durable-le-defi-de-lusine-40-1007792