Alors que l’eau se fait de plus en plus rare, la gestion durable de cette ressource vitale est devenue essentielle et doit permettre de la préserver, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Le centre régional d’information des Nations unies estime en effet que « d’ici à 2050, au moins une personne sur quatre vivra probablement dans un pays touché par une pénurie chronique ou récurrente d’eau douce ».

Si on évoque souvent une consommation moyenne de 148 litres par jour et par personne en France (selon l’ADEME), ce chiffre, bien qu’éloquent, n’englobe que la consommation dite « domestique », soit l’eau que nous utilisons pour nous hydrater, nous laver, entretenir la maison ou arroser le jardin. Or, les voitures que nous conduisons, l’électroménager et l’énergie que nous utilisons, les vêtements que nous portons ou encore les aliments que nous consommons en nécessitent une grande quantité pour être produits.

Développée par analogie avec le concept d’empreinte écologique, l’empreinte eau vise à estimer les volumes d’eau utilisés pour satisfaire les besoins des populations (alimentation, habillement, habitation, transport, etc.) et quantifie ainsi la pression des usages anthropiques, directs et indirects, sur la ressource. Elle vise à améliorer les politiques de gestion de l’eau.

Pour cela, elle prend en compte l’eau virtuelle, cette eau que nous consommons de manière indirecte et qui a un impact conséquent sur la disponibilité de la ressource sur notre planète.

Eau virtuelle : définition

L’eau virtuelle est l’eau nécessaire à l’ensemble de la production de biens et services consommés par les populations, qu’ils soient produits localement ou importés. Celle dont l’utilisation n’est pas directement observable ou visible dans le produit final, mais qui est indispensable à sa fabrication, sa distribution ou son transport et que nous consommons alors de manière « indirecte ». Si nous prenons l’exemple de la production de viande, elle correspond à l’eau servant à abreuver le bétail, irriguer les cultures qui les nourriront, nettoyer les installations d’élevage, transformer la viande, etc. Elle représente donc de très grands volumes.

Pourquoi ce concept ? Simplement parce qu’il met en évidence la part invisible ou cachée des usages anthropiques. Il permet de mesurer plus justement l’empreinte eau (ou water footprint) d’un pays, d’une organisation ou d’un individu, soit la pression réellement exercée par nos modes de vie et, plus largement, par les activités humaines, qu’elles soient domestiques, industrielles, agricoles, commerciales ou touristiques sur cette ressource précieuse.

Empreinte eau : différentes méthodes de calcul

Jusqu’en 2006, l’approche pour calculer l’empreinte eau était purement volumétrique, la plus connue d’entre-elles étant sans doute la méthode Water Footprint Network, développée par Arjen Hoekstra. Celle-ci comptabilisait ainsi les volumes nécessaires à la fabrication d’un produit, indépendamment du type d’eau (bleue ou d’irrigation, verte ou de pluie, grise ou eau utilisée pour diluer les polluants) ou de l’endroit où elle était consommée.

L’approche volumétrique s’est améliorée pour prendre en compte la quantité réellement consommée (non restituée au milieu naturel), le stress hydrique local (d’un point de vue géographique et saisonnier, toutes les régions ne sont pas égales vis-à-vis de l’eau douce disponible) et les effets de la privation de cette ressource sur les écosystèmes, la santé humaine et les ressources pour les générations futures.

L’empreinte eau comptabilise désormais tous les impacts relatifs à la consommation et à la pollution de la ressource, dans une perspective cycle de vie (ACV), de l’extraction des matières premières, à la transformation, le transport, l’usage et la fin de vie du produit. Elle prend en compte les volumes consommés et les émissions de polluants pour évaluer l’impact de la privation d’eau et de la pollution des milieux aquatiques sur la santé humaine, la santé des écosystèmes et la disponibilité de la ressource pour les générations futures. L’eau bleue devient alors un indicateur de privation d’eau, l’eau verte est abandonnée et l’eau grise est remplacée par des indicateurs de pollution ACV (écotoxicité, eutrophisation, toxicité pour l’homme, etc.).

La méthode AWARE (Available WAter REmaining) est ainsi recommandée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le PEF (Product Environnemental Footprint, développé par la Commission européenne). Depuis 2016, la norme ISO 14046 fournit des lignes directrices et vise à standardiser la mesure de l’empreinte eau.

Eau virtuelle : quels volumes ?

Selon la méthode utilisée (Water Footprint Network, développé par Hoekstra ou AWARE, par exemple), les résultats du calcul seront donc différents.

On peut toutefois noter que dans son Memento Graphique, l’INRAE retient des volumes de :

  • 1 300 litres pour concevoir un T-shirt, soit l’équivalent de 70 douches.
  • 3 100 litres pour la fabrication d‘un lave-linge.
  • 30 litres pour produire un hamburger.

Ainsi, à travers les exportations et importations de produits agricoles et biens manufacturés, le commerce d’eau virtuelle est un moyen de pallier les pénuries en redistribuant la ressource à l’échelle mondiale : il permet aux pays dont la ressource est faible de consommer des produits gourmands en eau qu’ils seraient dans l’incapacité de produire (et ainsi d’assurer leur sécurité alimentaire), par exemple.

L’impact de l’eau virtuelle sur la gestion de l’eau et l’environnement

En important des biens et services, les pays consommateurs externalisent non seulement la production de ces biens et services, mais également les risques de pénurie. Le commerce d’eau virtuelle soulève donc le problème de la gestion durable de cette ressource.

L’empreinte eau de la France, par exemple, dépasse de plus de deux fois la ressource prélevée sur le territoire, selon le bilan annuel du ministère de la Transition écologique (les chiffres clés sur l’eau et les milieux aquatiques, édition 2020). Cela signifie que la consommation de cette ressource à l’étranger pour produire les biens et services importés en France est supérieure à celle nécessaire pour produire les biens et services exportés de France.

Les pays importateurs utilisent ainsi une eau qui n’est pas issue de leurs propres ressources, mais de celles de régions parfois arides et en situation de stress hydrique et peuvent mettre sous pression des zones fragiles, souvent dépourvues de politiques de conservation de cette ressource rare.

L’eau virtuelle, essentielle pour calculer son empreinte eau

L’empreinte eau est un outil stratégique pour faire face à la raréfaction de la ressource, structurer les politiques de gestion et encourager des pratiques de production et de consommation durables. À condition toutefois qu’elle prenne en compte l’eau consommée de manière « virtuelle ».

L’eau virtuelle permet en effet de calculer la quantité réellement consommée sous forme de biens et services échangés à l’international et de dégager les grands flux entre les différentes régions du monde. En la prenant en compte dans son calcul, l’empreinte eau peut ainsi quantifier l’impact de la consommation réelle sur la disponibilité de la ressource à l’échelle mondiale et peut être utilisée pour évaluer la durabilité environnementale des modes de vie, pratiques agricoles et activités industrielles.

Elle permet ainsi de faire face aux enjeux de l’eau et de mieux gérer cette ressource vitale pour l’avenir de la planète.

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