Actuellement, il ne se passe quasiment pas une semaine sans que l’on ait une annonce dans le domaine de l’hydrogène, qu’il s’agisse de projets d’usines de production, de gigafactories d’électrolyseurs ou de composants, d’écosystèmes territoriaux ou encore de partenariats d’envergure internationale. Au-delà de la diversification des usages (de l’industrie à l’énergie et à la mobilité), où en est-on vraiment dans le développement de la filière ?

Quoi de neuf au niveau européen ?

Pour la Commission européenne, l’hydrogène est indispensable dans l’optique de décarboner l’industrie européenne et de parvenir aux objectifs climatiques de 2030 jusqu’à la neutralité en 2050.  Dans sa stratégie dédiée adoptée en 2020, elle avait fixé l’objectif de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable en UE d’ici 2030. Depuis, dans le cadre du plan REPowerEU de 2022, elle a ajouté l’objectif de faciliter l’importation de 10 autres millions de tonnes à la même échéance. La création en cours de la Banque européenne de l’hydrogène doit contribuer à réaliser ces objectifs, les 3 milliards d’euros prévus devant permettre de déverrouiller les investissements privés dans l’ensemble de la chaîne de valeur.

 

Hydrogène décarboné: une solution prometteuse pour les collectivités

L’hydrogène décarboné se présente comme une solution prometteuse pour l’industrie mais aussi pour les collectivités. C’est tout l’objet des pages de ce livre blanc.

 

Plus récemment encore (mars 2023), le Conseil et le Parlement sont arrivés à un accord sur la nouvelle directive EnR qui doit porter la part des renouvelables dans la consommation finale de l’UE à 42,5% d’ici 2030, avec possibilité, pour certains Etats membres, d’aller jusqu’à 45%. Dans cette optique, l’industrie devra augmenter son utilisation des EnR de 1,6% chaque année d’ici 2030 mais elle devra aussi utiliser 42% d’hydrogène produit avec des renouvelables d’ici 2030 et 60% d’ici 2035. Enfin, l’hydrogène renouvelable figure parmi les technologies clés* du Net Zero Industry Act pris à la fin du mois de mars dans le cadre du Plan Industriel du Pacte vert.

 

… et au niveau national ?

La France inscrit également l’hydrogène renouvelable et bas carbone aux premiers rangs des technologies clés pour verdir l’industrie. Après un plan hydrogène en 2018, elle a adopté en 2020 une stratégie déclinée en trois axes : décarboner l’industrie, décarboner la mobilité lourde ou intensive et soutenir la recherche, l’innovation et le développement de compétences. L’un des objectifs notables fixés dans ce cadre était d’installer 6,5 GW d’électrolyseurs d’ici 2030.

Tout ceci s’est traduit par des avancées à différents niveaux. Un PEPR H2 piloté par le CEA et le CNRS a été mis en place (recherche amont). Plusieurs appels à projets ont été lancés – et pour certains, renouvelés – parmi lesquels les AAP « Briques et démonstrateurs » et « Ecosystèmes territoriaux d’hydrogène » pilotés par l’Ademe. En parallèle, la plupart des régions se sont dotées de feuilles de route, plans ou stratégies spécifiques.

De nombreux écosystèmes ont été déployés en vue de mettre en regard les capacités de production locale et les usages de proximité potentiels. Des projets d’usines de production par électrolyse pour usages industriels ont vu le jour (ex. : décarbonation de ciment en région Aura ou d’acier en Hauts-de-France, production d’ammoniac dans le Grand Est ou de méthane de synthèse et e-carburant en PACA, production massive d’hydrogène vert en Normandie) et d’autres modes de production se développent, notamment à partir de biomasse ou en couplage avec de l’éolien offshore. De même, plusieurs gigafactories sont en déploiement (Cockerill dans le Grand Est, McPhy et GenHy en Bourgogne Franche Comté, Genvia en Occitanie, Elogen en Centre Val de Loire).

Divers projets sont également lancés dans les secteurs de la mobilité et des transports (véhicules particuliers, bus, trains, avions ou encore piles à combustibles et stations d’avitaillement) et dans la logistique portuaire et aéroportuaire. Enfin, ce panorama ne serait pas complet si l’on n’évoquait les solutions de stockage (en réservoirs ou stockage souterrain), les groupes électrogènes ou encore la distribution de l’hydrogène dans des réseaux dédiés (« hydrogénoducs ») ou en injection dans le réseau gaz. L’ensemble de ces projets s’inscrit dans le total des 840 projets hydrogène recensés en Europe par la European Clean Hydrogen Alliance à fin 2022.

L’investissement : principal défi

Cependant, comme l’a rappelé la Commission européenne dans sa communication sur la Banque européenne de l’hydrogène du 16 mars, « le marché européen de l’hydrogène est confronté à quatre défis en matière d’investissement : il lui faut à la fois augmenter les capacités de fabrication des électrolyseurs, augmenter les nouvelles capacités de production d’hydrogène, ouvrir de nouveaux secteurs de demande pour l’hydrogène renouvelable et à faible teneur en carbone et développer des infrastructures dédiées à l’hydrogène. De telles évolutions nécessitent également des travailleurs qualifiés supplémentaires, ce qui exige des investissements importants qu’il s’agisse de reconversion ou d’amélioration des compétences ».

Si « tous les fonds européens pertinents sont mobilisés » (ex. : Horizon 2020 qui a soutenu les premiers électrolyseurs à l’échelle de 100 MW, Fonds pour l’innovation, appel à propositions de grande envergure clos le 16 mars), la Commission estime que « l’essentiel des investissements dans le secteur devra être couvert par des capitaux privés ». Ceci vaut également pour les Etats membres. Ainsi par exemple, le projet de loi Industrie verte en cours d’élaboration en France table sur « 0 euro pour les finances publiques », ce qui implique de trouver d’autres leviers. Parmi ceux à l’étude figurent la fiscalité et l’épargne (dont une transformation du livret DDS en livret vert).

 

Une nouvelle stratégie française d’ici l’été ?

Une nouvelle stratégie est en cours d’élaboration en France. Selon le ministre délégué chargé de l’Industrie Roland Lescure qui en avait présenté les principaux axes en décembre dernier, elle doit proposer un schéma opérationnel pour les hubs hydrogène (mutualiser la production dans ces hubs doit permettre une baisse des coûts et favoriser le développement d’activités industrielles décarbonées). Elle doit aussi contribuer à favoriser l’accès de ces hubs à une électricité décarbonée (les grands électrolyseurs devront être en mesure de conclure des contrats de long terme compétitifs avec les fournisseurs d’électricité). Et elle doit prévoir la maîtrise des équipements liés à l’hydrogène qui permettront à la France de s’assurer une position cruciale dans un marché mondial en croissance rapide.

Le ministère de l’Economie précise plus globalement que cette nouvelle stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène bas carbone devra « permettre une mise en œuvre rapide de manière à assurer le déploiement d’un hydrogène abondant et compétitif sur tous les grands bassins industriels du pays après 2030 » et qu’elle devra « apporter une réponse aux questions technologiques, économiques et de régulation que pose le développement de ces hubs hydrogène ». Rendez-vous d’ici fin juin pour plus de détails.

 

*Avec le solaire PV et thermique, l’éolien terrestre et les EMR, le biogaz/biométhane, les batteries et autres systèmes de stockage, les pompes à chaleur et la géothermie, le captage/stockage de carbone et les technologies des réseaux électriques.

 

À lire  : L’INERIS, engagé depuis plus de 20 ans sur l’hydrogène

S’inscrire à la newsletter

Restez informé de l'actualité du secteur

S’inscrire

Partagez ce contenu

Partagez ce contenu avec votre réseau !