Aujourd’hui, sur 32,8 milliards de m³ d’eau douce prélevée dans le milieu naturel chaque année, 8 % sont consacrés aux usages industriels. Selon le SDES(1), ces prélèvements utilisés directement par les activités industrielles ou autres activités économiques baissent tendanciellement depuis 1994 (- 1,6 % par an en moyenne) et en 2020, ils étaient inférieurs de 42 % à ceux enregistrés en 1994. Si la lutte contre les fuites explique une grande part de ces réductions, la mise en place de solutions d’efficacité hydrique dans les process y contribue de plus en plus et va être complétée par les possibilités ouvertes par l’autorisation élargie de réutiliser les eaux usées traitées.

L’eau, une ressource fondamentale pour l’industrie

Indispensable dans les process de fabrication de nombreuses industries (industries de transformation : chimie, métallurgie, agro-alimentaire, électronique…), dans la fabrication de papier-carton ou encore dans la gestion des déchets, l’eau constitue un enjeu clé de performance économique et environnementale pour l’industrie. Elle est utilisée comme solvant (électrolyse, homogénéisation de mélange, ou nettoyage de matières premières, de composants, d’outils ou d’équipements), comme matière première (boisson, aliments, médicaments, peintures, savons…) ou comme fluide caloporteur (vapeur ou refroidissement).

L’industrie travaille depuis de nombreuses années déjà à réduire ses prélèvements que ce soit en transformant ses process, en réutilisant l’eau (eaux de process, eaux de pluie et eaux usées traitées) ou en décalant ses calendriers de production. Cela a commencé dans les années 1990 avec la mise en place de systèmes de management environnemental dont une partie visait à rationaliser l’utilisation de l’eau.

Si les démarches ont d’abord porté sur la réduction des fuites et la récupération et valorisation des eaux pluviales, d’autres opérations ont progressivement vu le jour comme la réutilisation en circuit fermé, le circuit de refroidissement en boucle fermée, la réutilisation en circuits en cascade, la récupération de l’eau issue des opérations de déshydratation, jusqu’à la réutilisation des eaux de process traitées en STEP pour certaines étapes des process (v. encadré).

Bien connaître ses consommations : condition sine qua non

Se lancer dans une démarche visant à réduire l’empreinte hydrique d’une entreprise passe par une première étape fondamentale. Pour adapter son outil productif, il est avant tout nécessaire d’avoir une connaissance fine de ses consommations : c’est l’étape du diagnostic (ou « water mapping ») . Ceci implique notamment l’installation de points de mesure qui permettront d’obtenir une cartographie par produit, par secteur et/ou par atelier. Cette cartographie permettra d’identifier et de hiérarchiser les points d’amélioration et de risques puis de préconiser les solutions technologiques et/ou organisationnelles appropriées.

Dans ce cadre, les nouvelles technologies sont particulièrement intéressantes. A titre d’exemple, Aquassay a développé un ensemble de solutions dédiées à l’acquisition, la transmission, la gestion et l’exploitation de données en masse et en temps réel avec une intelligence métier embarquée. L’objectif visé étant, pour l’industriel, de réduire ses consommations et ses rejets, d’optimiser le coût global de l’eau et d’améliorer sa productivité.

 

Quelques exemples d’actions menées dans plusieurs secteurs


Dans l’industrie agro-alimentaire,

Le producteur de sucre Cristal Union compte deux étapes très consommatrices d’eau sur son site de Bazancourt : le lavage des betteraves en entrée et l’extraction du sucre des betteraves. Il a travaillé avec BWT pour mettre en place un système utilisant l’eau présente dans les betteraves pour les process de lavage et d’extraction via une phase de prétraitement puis de recyclage avec osmoseurs. Résultat, le site recycle 400 000 m³ d’eau par an depuis 2011, soit l’équivalent de 57 % de ses prélèvements en milieu naturel.

De son côté, l’entreprise de transformation laitière Isigny Sainte Mère travaille avec Clauger qui, après avoir mis en place des compteurs aux points stratégiques avec centralisation en supervision, a installé un système de refroidissement / lubrification des pompes de process en circuit fermé et récupère les eaux issues de la concentration des matières laitières. Autre exemple plus transverse, l’installation d’osmoseurs BWT pour réduire l’empreinte carbone d’une brasserie a également permis d’économiser l’eau de chaudière de 60 %, passant de 25 m³ à 10 m³ de consommation par jour.

Dans la sidérurgie,

Le site de Dunkerque d’Arcelor Mittal recycle 3 millions de m³ par an  (soit près de 30 % de l’eau prélevée) et celui de Florange réutilise chaque année dans ses process 4 millions de m³ d’eaux usées. Autre exemple, le site d’Ugine d’Ugitech SA a réduit de 73 % ses prélèvements en eau grâce, entre autres, à la mise en série ou en recyclage de circuits.

De même, dans la métallurgie,

Saint Gobain PAM a déjà réduit sa consommation d’eau de 75 % au cours des dix dernières années via des investissements dans les boucles fermées et devrait encore la diviser par deux dans les trois ans à venir.

Dans le domaine de la chimie, pharmacie, cosmétique,

un site belge de L’Oréal dédié à la production de soins capillaires a réduit sa consommation globale d’eau par la collecte des eaux de démarrage des deux osmoseurs mis en place par BWT. Les eaux collectées sont ensuite dirigées vers le système de refroidissement pour y être utilisées. L’usine a également installé un système de traitement des effluents par ultrafiltration et osmose inverse. L’eau ainsi traitée peut être employée dans les utilités.

En 2022, près de 60 millions de litre d’eau ont été économisés. De son côté, le site gardois de Seqens a mis en place un nouvel atelier de fabrication en boucle fermée intégrant des tours adiabatiques de refroidissement, celui-ci constituant l’une des opérations les plus consommatrices en eau dans la production de principes actifs.

 

 

Aller plus loin dans la sobriété hydrique

Pour optimiser encore plus la sobriété hydrique, le gouvernement a lancé un Plan Eau(2) en mars 2023 et a identifié cinquante sites industriels à enjeux à traiter en priorité. Ces sites ont été retenus en fonction de trois critères : consommation d’eau, situation dans des zones en tension hydrique, potentiel important de réduction de leurs consommations. Outre les sites d’Arcelor Mittal, d’Isigny, de Seqens et de Saint Gobain PAM déjà cités ci-dessus, notons aussi le site de Kem One à Balan qui, après avoir réduit ses consommations de 30 % en près de vingt ans, les a encore diminuées de 20 % en 2023 (vs 2019) et va poursuivre sa démarche pour réduire encore de 75 % ses prélèvements d’ici 2030 avec le recyclage en boucle fermée des « eaux mères » utilisées comme solvant dans la transformation du PVC.

Quelle réutilisation des eaux usées traitées dans les process industriels ?

La réutilisation des eaux usées traitées prend également son essor dans les process industriels, facilitée par les récentes évolutions réglementaires. Ainsi par exemple, dans le cadre du dispositif France Expérimentation destiné à lever les blocages réglementaires pour faciliter des projets innovants d’intérêt général, le site du Pays de Bray de Danone qui produit fromage blanc et yaourts a été retenu pour mener une expérimentation devant permettre de réduire sa consommation d’eau brute annuelle de 30 %, soit près de 200 millions de litres économisés par an, en réutilisant une partie de l’eau sortant de sa station d’épuration (STEP).

De même, l’entreprise Isigny Sainte Mère étudie l’opportunité de réutiliser non seulement les eaux issues de ses process d’évaporation mais aussi celles issues des rejets en STEP pour les process les acceptant.

1000 projets de REUT et des innovations accompagnées

L’objectif fixé par le Plan Eau est de développer 1000 projets de REUT d’ici 2027. Ces travaux doivent permettre aux industriels de recycler et/ou réutiliser plus largement les différents types d’eau essentiels à leur production et ainsi limiter les quantités prélevées.

Rappelons par ailleurs que, dans la continuité de ce Plan Eau, un appel à projets « Innov Eau » a été lancé en juillet dernier(3), l’idée étant « d’anticiper la transition hydrique en intégrant l’enjeu ‘eau’ dans France 2030 et d’y contribuer en soutenant l’innovation en France ». Quatre axes principaux sont retenus :

  • Agir sur la gestion de la ressource naturelle pour adapter nos systèmes au changement climatique
  • Economiser la ressource : sécuriser l’acheminement en limitant efficacement les pertes hydriques et agir sur les usages de l’eau
  • Renforcer le traitement pour améliorer durablement la qualité de l’eau et des milieux
  •  Développer le numérique et la donnée au service de la gestion de la ressource

Après une première relève début décembre, la deuxième est prévue le 8 avril et les suivantes, le 11 septembre puis le 13 janvier 2025. A suivre donc.

 

1) « Les prélèvements d’eau douce : principaux usages en 2020 et évolution depuis 25 ans en France », Datalab Essentiel, CGDD – SDES, Juin 2023

2) « Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau – 53 mesures pour l’eau », Mars 2023. 

3) L’appel à projets « Innov Eau » est opéré par l’Ademe

 

À lire : Plan eau – aperçu des mesures pour préserver nos ressources  

 

 

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