Comme toute activité industrielle, le recyclage des navires et des bateaux en fin de vie ne s’improvise pas. Il exige un démantèlement correct dans des installations spécialisées avant envoi des différents matériaux dans les filières de valorisation dédiées. Qu’en est-il exactement ?

Selon la Commission européenne, les Européens détiennent 35 % de la flotte mondiale de commerce, soit près de 15 000 navires dont 10 000 sous pavillon d’un Etat membre. Mais pour l’instant, 7 % de ces navires sont démantelés en Europe. Autrement dit, 93 % partent ailleurs, essentiellement en Asie du Sud et en Turquie. L’ONG Shipbreaking Platform a quant à elle estimé que sur 763 navires et installations flottantes offshore vendus à des « scrap yards » (chantiers de démolition) en 2021, 583 seraient partis vers le Bangladesh, l’Inde et le Pakistan.

 

Quel cadre international ?

Si la Convention internationale de Hong Kong « pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires » adoptée en mai 2009 (OMI) n’est toujours pas entrée en vigueur, l’Europe a élaboré un règlement en 2013 qui en applique une partie. Ce règlement n°1257/2013 (EU Ship Recycling Regulation) consolidé en 2018 est applicable depuis janvier 2019 aux navires (existants et neufs) commerciaux de plus de 500 tonneaux de jauge brute et sous pavillon d’un Etat membre.

Outre la nécessité d’un inventaire des matières dangereuses à bord (amiante, métaux lourds, hydrocarbures, substances appauvrissant la couche d’ozone…), le règlement stipule que le recyclage ne peut être effectué que dans une installation agréée par Bruxelles selon des critères stricts de sécurité des travailleurs et de protection de l’environnement. Ces installations opèrent la dépollution (désamiantage…) et le démantèlement (cisaillement des ferrailles…) puis envoient les matériaux aux filières de valorisation dédiées.

La liste de ces installations a été mise à jour fin avril(1). Elle compte désormais 46 installations agréées dont 37 en Europe (UE + Norvège et Royaume-Uni), 8 en Turquie et une aux Etats-Unis. Ces installations proposent différentes méthodes de traitement : à quai (poste de mouillage, rampe de démantèlement), en plan incliné, en cale sèche, en cale de halage, à flot ou à quai dans le dock flottant. Celles de Turquie travaillent en échouage. En France, les quatre installations agréées sont Démonaval Recycling (76), Gardet & de Bézenac Recycling – groupe Baudelet Environnement (76), GPM Bordeaux (33) et Navaléo – groupe Recycleurs Bretons (29). Baudelet par exemple démantèle huit navires dans le cadre d’un marché remporté en 2021 avec la Marine nationale et Navaléo en a récemment déconstruit les trois derniers sous-marins diesel.

Une procédure d’évaluation du règlement européen est lancée cette année. L’idée est de déterminer dans quelle mesure le règlement contribue aux objectifs politiques généraux du Pacte vert européen et du plan d’action pour l’économie circulaire, d’évaluer la qualité de son application et son impact et d’identifier les lacunes dans sa mise en œuvre et son application. Une consultation publique sera menée cet automne. Et l’adoption définitive est prévue pour le troisième trimestre 2023.

 

Plusieurs projets sur la fin de vie des navires soutenus par le FIM


Parmi les 28 projets lauréats du FIM (fonds d’intervention maritime) annoncés le 20 avril*, plusieurs concernent la fin de vie des navires : « Collectes de navires et épaves abandonnées » en Bretagne ; « Elimination des épaves » en Guyane ; « Elimination des épaves et bateaux abandonnés autour de l’étang de Thau » dans l’Hérault ; « Déconstruction d’un navire à l’état d’abandon » aux Sables d’Olonne, en Vendée ; « Résorption des épaves et navires abandonnés » en Polynésie française.

*Le FIM a été créé début 2022 par le ministère de la Mer pour « accompagner plus directement les projets locaux et soutenir le développement d’activités maritimes durables ». Il est doté de 17,5 M€ pour 2022.

 

Une filière REP pour les bateaux de plaisance en France

Contrairement aux navires commerciaux principalement métalliques, les bateaux de plaisance sont surtout constitués de composites (v. encadré). Ceux-ci représentent les deux-tiers de leurs déchets (67,5%), loin devant le bois (14,6%), les métaux ferreux (10%), les métaux non ferreux (3,4%) et d’autres déchets non dangereux (2,4%). En France, la filière REP(2) Navires de plaisance ou de sport est en place depuis janvier 2019 et c’est l’APER (Association pour une plaisance écoresponsable) qui est agréée éco-organisme national par le ministère de la Transition écologique. La filière est financée par une éco-contribution sur le prix de vente des navires neufs et une dotation annuelle de l’État (quote-part du DAFN : droit annuel de francisation et de navigation). Tous les bateaux pouvant être immatriculés de 2,5 à 24 mètres en eau intérieure ou en eau de mer sont concernés. L’APER dispose déjà de 26 centres de déconstruction agréés mais en prévoit une vingtaine d’autres sur tout le territoire dans les années à venir. Elle dispose également d’une filière dédiée aux feux et fusées de détresse (« APER Pyro »). D’août 2019 à septembre 2021, plus de 3 100 déconstructions ont été réalisées. Cependant, même s’ils saluent ces avancées, les auteurs de la feuille de route Green Ship(3) révisée en décembre 2021 considèrent que les « débouchés des matériaux récupérés restent encore trop peu nombreux ». Ils préconisent de ce fait deux axes de travail : développer des solutions / filières de recyclage des composites et travailler sur le recyclage des voiles, tissus et cordages.

 

Quels traitements pour les composites ?


Les bateaux de plaisance contiennent le plus souvent des composites à base de polyester (issu de la pétrochimie), renforcés par des fibres de carbone ou des fibres de verre. Selon les cas, ils peuvent être broyés pour être réincorporés ou soumis à un traitement mécanique, chimique (ex. : solvolyse) ou encore par vapothermolyse. A cet égard, notons que l’APER a publié et mis en ligne début mai le « Guide du recyclage et de l’écoconception des composites » (www.recyclermonbateau.fr).

 

Développer l’écoconception

Design de la carène, choix des matériaux (dont les biosourcés), réflexion sur les usages futurs du navire et sur les déchets qu’il générera jusqu’à sa déconstruction constituent autant d’éléments à prendre en compte pour accroître la recyclabilité, en parallèle aux enjeux de réduction des consommations énergétiques. La feuille de route « Green Ship » de décembre 2021 appelle au développement d’une méthodologie permettant de valider l’analyse du cycle de vie (ACV) des navires et productions des industriels de la mer. Outre les technologies innovantes de fabrication et les nouveaux matériaux, limiter l’empreinte environnementale des navires passe aussi par le recours au numérique. Celui-ci ouvre un large panel de possibilités, en particulier en matière de simulation des impacts à toutes les étapes du cycle de vie.

 

1) JO de l’UE du 2 05 2022 : Décision d’exécution (UE) 2022/691 de la Commission du 28 avril 2022 (pages 85 à 101).

2) REP pour Responsabilité élargie des producteurs. Les constructeurs de bateaux de plaisance doivent assurer le recyclage ou la déconstruction des navires en fin d’usage.

3) Les quatre feuilles de route de l’industrie navale (Smart Ship; Green Ship; Smart Yard; Next-Gen Offshore Industry) sont consultables sur le site du CORIMER (Conseil d’Orientation pour la Recherche et l’Innovation des Industriels de la Mer) lancé début mai : https://corimer.fr

 

À voir  : La transition environnementale au sein du CIMer 2022

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