Si l’ingénierie maritime n’est pas nouvelle en soi, elle évolue et se renforce du fait des enjeux cruciaux que constituent l’accélération du changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution, pour la mer et le littoral. De fait, les questions de décarbonation des territoires portuaires, de circularité, d’énergies marines renouvelables ou de prise en compte renforcée des risques et des milieux s’intègrent toujours plus dans la conduite des projets.

D’une manière très schématique, l’ingénierie permet de passer d’une idée à la réalisation même d’un projet via trois grandes étapes : la phase d’étude, la conception puis la réalisation. La phase d’étude consiste à analyser la faisabilité du projet dans tous ses aspects (coûts, contraintes, implications sociales et environnementales).

La phase conception permet, à partir des calculs réalisés, d’identifier les outils, les techniques et les méthodes nécessaires. Enfin la phase réalisation est celle de la concrétisation du projet, autrement dit la construction de l’ouvrage, de l’équipement ou de l’aménagement prévu, avec les solutions les plus adaptées.

Appliquée au monde de la mer et du littoral, l’ingénierie maritime recouvre notamment les projets de construction ou d’adaptation d’aménagements et d’ouvrages pour les territoires maritimes et côtiers. Ces ouvrages vont des digues, jetées ou brise-lames aux infrastructures portuaires, en passant par les aménagements touristiques.

Aujourd’hui, face aux enjeux climatiques, environnementaux et économiques (souveraineté en énergie, réindustrialisation), les projets évoluent : ils deviennent plus complexes, doivent générer le minimum d’impacts (milieux naturels, climat) et doivent faire l’objet d’une acceptabilité sociétale.

Des projets variés au cœur de la transition éco-énergétique

Parmi les projets, beaucoup concernent la transition énergétique des infrastructures portuaires (ex. : électrification des quais). D’autres visent à favoriser la production d’énergie décarbonée ou d’hydrogène, dans le cadre du développement ou d’une reconversion des zones industrialo-portuaires longtemps dévolues aux industries fossiles.

C’est ainsi que, en plus du déploiement en cours de parcs éoliens, des usines sont installées directement dans les ports. L’usine d’assemblage d’éoliennes off-shore réalisée au Havre par Siemens Gamesa Renewable Energy en est une illustration. Le projet, qui compte trois entités (assemblage de nacelles, fabrication de pales, base portuaire logistique) a notamment associé l’entreprise d’ingénierie Artelia.

D’autres projets s’inscrivent dans la nécessaire adaptation aux changements climatiques (protection contre la submersion marine, gestion du trait de côte…). La société Egis, par exemple, a contribué au projet de nouveau terminal pour le port de Calais qui comprend une digue de 3,2 km capable d’absorber les effets de la houle et de l’élévation du niveau de la mer ainsi que 200 ha de bassins, 65 nouveaux ha de terre-pleins équipés (voirie, parkings, éclairage), 8 ouvrages d’art et une trentaine de bâtiments.

Autre exemple, après l’analyse structurale des digues de Saint-Malo confiée à Antea Group, l’Etat a entrepris une vaste opération de rénovation fin 2021 avec le remplacement ou la rénovation des centaines de brise-lames caractéristiques du littoral malouin. Deux digues et un escalier doivent également être rénovés. Enfin, face à la vague de l’hydrogène ‘vert’ ou ‘bas carbone’, de nombreux ports se positionnent pour accueillir des unités.

Outre les entreprises d’ingénierie, de grands acteurs du BTP et du génie civil disposent, pour la plupart, d’entités ou filiales consacrées à l’ingénierie maritime (ex. : Charier, Eiffage, Vinci…). Il en va de même pour certains acteurs « pure players » de la construction d’ouvrages maritimes qui disposent de leur propre bureau d’étude et de leur direction technique à l’image d’EJN Negri (groupe ETPO).

Des rencontres dédiées en juin 2022 et une nouvelle chaire

Preuve de la structuration de la filière, l’ingénierie maritime a été à l’honneur lors des premières rencontres dédiées, organisées par l’Ecole supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction (ESITC), avec Syntec Ingénierie, le Cerema, la Société hydrotechnique de France (SHF) et l’Association pour les infrastructures de transport maritimes et fluviales (AIPCN).

Cette première édition était axée sur l’adaptation des infrastructures maritimes et littorales au changement climatique. Outre le programme(1) et les échanges entre les divers professionnels réunis, la journée a été l’occasion pour l’ESITC de lancer avec le Cerema une Chaire d’enseignement et de recherche commune pour une ingénierie maritime et des matériaux durables.

L’objectif est de renforcer l’enseignement sur l’ingénierie maritime, d’assurer la promotion et l’exploitation du canal à houle (projet commun ESITC / Cerema), de collaborer dans le cadre d’actions de recherche finalisée ou d’innovation partenariale sur différents sujets (énergies marines, risques littoraux, aménagements côtiers, infrastructures portuaires) et de développer des actions communes sur les matériaux à faible impact environnemental et les questions thermiques et énergétiques des bâtiments.

D’autres projets sont également à l’étude comme l’usage de drones dans la qualification de la résilience des ouvrages maritimes ou encore l’élaboration de jumeaux numériques de territoires pour mieux connaître et maîtriser les risques d’inondation. Cette nouvelle chaire entend « œuvrer pour le développement d’une ingénierie maritime durable et le soutien de l’économie bleue ».

Dans ce contexte de complexification des enjeux et des opérations, une expertise toujours plus pointue et diversifiée est requise. Des approches de plus en plus spécifiques se font jour à l’exemple du projet Dikwe, première digue portuaire productrice d’énergie entrée en phase de tests cet été.

De nouveaux acteurs apparaissent, spécialisés dans des domaines précis à l’image de D-Ice Engineering qui met à disposition son expertise en hydrodynamique et en automatique avancée pour l’ingénierie off-shore et le contrôle des plates-formes marines. De fait, l’ingénierie maritime a un bel avenir devant elle.

1) Thématiques abordées : contexte d’incertitudes, adaptation des infrastructures au changement climatique, prise en compte des risques associés, gestion patrimoniale des aménagements, méthodes numériques pour la construction, énergies marines renouvelables, intégration environnementale et sociétale des ouvrages, point sur les normes et réglementations.

 

À lire  : Le numérique et l’IA au service de la transition du monde maritime

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