En complément des actions de protection, les projets de génie écologique contribuent à la reconstitution de milieux naturels, à la restauration de milieux dégradés et à l’optimisation des fonctions assurées par les écosystèmes (ou « services écosystémiques »). Concernant les milieux marins et littoraux, les actions se multiplient et se diversifient. En voici quelques exemples.

D’une manière générale, les opérations de génie écologique couvrent la restauration, la réhabilitation, la création, la renaturation, voire la compensation. Nous nous arrêterons ici sur la restauration écologique qui, quel que soit son type (passive, active ou autre), vise à rétablir un écosystème (faune, flore, habitat) en respectant sa composition, sa structure, ses fonctions, etc.

La restauration en milieu marin

En milieu marin, les actions de restauration portent surtout sur les petits fonds côtiers, les fonctions nurseries / reproduction dans des zones portuaires, les peuplements végétaux ou encore le coralligène et les coraux.

  • La restauration « passive » recouvre les actions permettant de réduire les diverses pressions comme la pollution, l’eutrophisation de l’eau ou les ancrages dans les herbiers de posidonie.
  • La restauration « active » désigne principalement la réintroduction d’espèces.

A titre d’exemple, une opération a été menée en Bretagne de 2018 à fin 2020 pour favoriser le retour de l’huître plate (Projet Forever). Cette huître – la seule huître native des côtes européennes mais aujourd’hui menacée – est une espèce « ingénieur d’écosystème » : elle construit, par sa production de coquille, des mini-récifs sous-marins qui servent de support et d’abri à de nombreuses autres espèces. L’opération s’est concrétisée par le semis de naissains, un enrichissement coquillier et la mise en place de récifs artificiels adaptés(1).

  • Un autre type de restauration est la création d’habitats artificiels.

Dans ce domaine, plusieurs acteurs sont déjà fortement positionnés. Par exemple, la société Ecocéan, qui développe un procédé de capture et culture de post-larves et de repeuplement, propose également une gamme d’habitats artificiels permettant de favoriser le taux de survie des larves et de redonner la fonction de nurserie à des zones endommagées.

Cette solution (Biohut) est déjà largement déployée en France et dans le monde par des gestionnaires de ports et des aménageurs côtiers. L’entreprise Seaboost développe différents modules (ex. : Oursins, Roselières) pour restaurer et développer la biodiversité marine.

Par exemple, la mise en place, en 2021, de modules Roselières a contribué à restaurer la fonctionnalité de nurserie des infrastructures portuaires de la Ciotat.

Notons aussi l’entreprise Purprojet qui mène des projets communautaires de restauration et préservation des écosystèmes destinés à régénérer les récifs coralliens endommagés tout en améliorant les pratiques des populations locales et les conditions de vie et l’économie de toute la région concernée (ex. : en Indonésie).

  • Enfin une autre restauration consiste à valoriser des ouvrages par l’ajout de microstructures artificielles ou le changement de matériaux les composant.

A cet égard, notons la société Géocorail qui propose une solution spécifique permettant à la fois de protéger les ouvrages et de lutter contre l’érosion du littoral. Cette solution se base sur un conglomérat rocheux synthétisé via un processus électrochimique. Le liant obtenu, de composition similaire à celle des coraux, a la capacité d’agglomérer les matériaux sous-marins.

La restauration en milieu côtier

En milieu côtier, la restauration écologique peut porter sur les continuités écologiques ou sur des zones humides (marais, mangroves…). Par exemple, en 2021, le Conservatoire du Littoral a contribué à l’installation d’une passe à poissons sur le Courant de Sainte-Eulalie (Landes) et est intervenu sur une zone humide alluviale dans l’Eure.

Les actions de restauration peuvent également porter sur les espaces dunaires qui, au-delà de l’emblématique Dune du Pilat (la plus haute d’Europe), sont nombreux en France.

L’ONF (Office national des forêts) est ainsi intervenu sur deux sites de Vendée début 2022 : l’un de ces sites (Pays de Monts) avait été planté de cyprès de Lambert au siècle dernier comme solution « brise-vent ».

Mais ceci avait perturbé et réduit le cortège floristique naturel et contribué à l’érosion de la biodiversité alentour. L’abattage progressif de ces arbres doit permettre de restaurer l’habitat rare de ce milieu et de reconnecter l’arrière-dune aux contraintes marines. L’autre opération, sur l’île de Noirmoutier, vise à renforcer la robustesse du cordon dunaire via des principes de gestion douce.

Dans les Landes, le Conservatoire du Littoral a acquis un ancien centre hélio-marin en vue de reconstituer la trame naturelle dunaire et boisée. Enfin, plus au nord, le projet transfrontalier Life + Nature Flandres a déjà permis de restaurer les habitats naturels « pannes humides » et « dunes grises » associés au paysage dunaire ouvert. Et plus de dix mares ont été creusées pour servir de biotopes de reproduction à des espèces protégées d’amphibiens.

 

La question des espèces exotiques envahissantes


Les milieux marins ou côtiers sont confrontés à la question des espèces exotiques envahissantes. En effet, des espèces non indigènes marines peuvent arriver dans les zones portuaires via les eaux de ballast ou les bio-salissures (fouling) des coques de navires. D’autres peuvent être introduites par des échappements des systèmes d’aquaculture, des relâchés d’aquariums ou un transport d’organismes vivants. Concernant les espèces végétales, gérer ces invasions se concrétise généralement par des campagnes d’arrachage suivies d’actions de contrôle. C’est ce qui a été réalisé récemment sur l’Ile de Bagaud dans le Parc national de Port-Cros pour éradiquer les ‘griffes de sorcières’, des plantes grasses originaires d’Afrique du Sud ou sur l’Ile Jarre (Parc national des Calanques) pour supprimer le figuier de Barbarie, originaire, lui, du Mexique. Pour les espèces animales, plusieurs types de solutions peuvent être envisagés, des techniques de capture à l’empoisonnement, en passant par la pose de pièges ou des actions empêchant la reproduction. Le ministère de l’Ecologie a présenté le 15 mars dernier un plan national d’actions pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes, portant sur la période 2022-2030.

 

Des avantages multiples

Dans leur ensemble, les opérations de génie écologique marin et côtier visent à lutter contre la perte de biodiversité, la destruction d’écosystèmes clés (récifs coralliens, mangroves, herbiers…) et la perte de fonctionnalités écologiques essentielles (nurserie, reproduction). Elles contribuent également à récupérer les services écosystémiques apportés à l’humain comme les ressources marines mais aussi la lutte contre l’érosion et les risques d’inondation. Selon une étude de 2020 du WRI(2), rééditée à l’occasion de la Journée mondiale des océans le 8 juin, « chaque dollar investi dans la conservation et la restauration des mangroves génère un bénéfice de trois dollars ». Cela présente à la fois des « avantages quantifiés (augmentation de la productivité des pêcheries, prévention de dommages matériels causés par les tempêtes et séquestration du carbone) et des avantages non quantifiés (régulation de l’eau, réduction de l’érosion côtière, augmentation de la biodiversité et accroissement des recettes touristiques) ».

Enfin, preuve supplémentaire que la filière se structure, la Faculté des Sciences de Montpellier a mis en place un Diplôme d’Université « Restauration écologique des petits fonds marins côtiers », dont l’objectif majeur est de permettre aux professionnels d’acquérir ou de consolider leurs connaissances théoriques et pratiques pour concevoir, évaluer et réaliser des actions.

 

1) Mené par Ifremer, ESITC et les CRC Bretagne Sud et Nord, le projet Forever (pour Flat Oyster Recovery) s’inscrit dans une démarche plus large initiée par l’Alliance européenne pour la restauration de l’huître plate (NORA, Native Oyster Restoration Alliance) lancée en 2017.

2) « 4 Sustainable Ocean Strategies that Yield Economic Benefits », World Resources Institute, 13 07 2020, Economic Benefits of Sustainable Ocean Investments | World Resources Institute (wri.org)

 

À lire  : Les atouts de la bioéconomie marine

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