Plages de sable, falaises, marais, lagunes, deltas, estuaires…, le littoral recouvre tout un ensemble de réalités physiques différentes avec une dynamique propre, à l’interface entre la terre et la mer. Une grande part de ces « objets littoraux » fait face à deux aléas majeurs – lérosion marine et la submersion marine – accentués par l’élévation du niveau de la mer liée au changement climatique.

L’érosion marine se caractérise par le recul du ‘trait de côte’ (ou ‘linéaire côtier’) dont l’acception diffère selon le type de côte. Pour les côtes soumises aux marées, il correspond à la limite de la végétation ou la limite du haut des falaises. Et pour les côtes sans marée, il désigne la limite supérieure du jet de rive sable mouillé pour les côtes basses meubles ou la limite de la végétation pour les côtes à falaises. Selon le Cerema, près de 19% du trait de côte est en recul en France (hors Guyane), soit un linéaire de 920 km. Les côtes les plus concernées sont les côtes basses sableuses (près de 700 km concernés). Les conséquences de ce recul sont nombreuses. Par exemple, le Cerema estime qu’il pourrait toucher jusqu’à 50 000 logements en France d’ici 2100. Notons cependant que près de 11% des côtes avancent. C’est le cas par exemple de la partie sud de la baie de Somme.

La submersion marine désigne l’inondation (temporaire ou définitive) d’une zone côtière par la mer lors de conditions météorologiques et océaniques spécifiques. En Europe (UE) où près d’un tiers de la population vit à moins de 50 km de la côte, 72 000 personnes seraient directement exposées à ces inondations chaque année. Les dommages causés par les inondations côtières en UE sont évalués à un milliard d’euros par an, la France étant le pays le plus concerné avec 0,2 Mrd€/an.

Enfin, le niveau de la mer qui a déjà monté de 13 à 20 cm depuis le début de l’ère industrielle pourrait s’élever jusqu’à un mètre d’ici la fin du siècle. L’élévation du niveau marin accélère aujourd’hui du fait de l’expansion thermique des océans et de la fonte des glaciers et des calottes de glace. Si le phénomène est inéluctable, il est difficile d’en déterminer l’amplitude. C’est pourtant ce à quoi s’attellent le CNRS et 26 équipes de recherche multidisciplinaires (glaciologues, océanographes, experts en risques côtiers, en adaptation…) dans le cadre du projet PROTECT lancé en 2020 pour quatre ans. Ce projet européen qui doit permettre de produire de nouvelles projections du niveau de la mer pour le XXIe siècle et au-delà devrait intéresser de nombreux publics dont les compagnies d’assurances.

 

Des débats d’experts sur la disparition des plages


Dans le domaine de la recherche sur le littoral aussi des désaccords entre experts se font jour, laissant les non spécialistes plus ou moins désarmés. Début 2020, une équipe de chercheurs européens avait indiqué que la moitié des plages sableuses mondiales allait disparaître d’ici la fin du XXIe siècle*. Un consortium international a depuis réfuté cette thèse en arguant que si les plages ont un espace d’accueil à l’arrière (plaines côtières, marais littoraux, dunes), alors elles conserveront leur forme générale en migrant dans les terres. Autrement dit, le littoral reculera mais les plages survivront, bien qu’un peu surélevées et plus à l’intérieur des terres qu’aujourd’hui.

*“Sandy coastlines under threat of erosion”, Nature Climate Change 10, pages 260–263, 2 03 2020

**“Sandy beaches can survive sea-level rise”, Nature Climate Change 10, pages 993-995, 27 10 2020

 

Favoriser l’adaptation

Même si les aléas auxquels est soumis le littoral ne sont pas dus aux seuls effets du changement climatique, celui-ci a un rôle indéniable, en particulier à travers l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes. Certes les tempêtes ont toujours existé mais leur régime change (par ex., leur orientation évolue en Bretagne). Un des enjeux majeurs actuels est donc d’évaluer la capacité des environnements littoraux à s’adapter à ces changements. Dans ce domaine comme dans d’autres, il n’y a pas une solution meilleure que l’autre : il s’agit plutôt d’un mix de solutions possibles en fonction des zones concernées, de la population présente, des infrastructures en place et des ouvrages de protection déjà existants (digues, épis et autres enrochements). Certains de ces ouvrages, dont la construction s’était fortement développée dans les années 1970 mais pas nécessairement de manière adaptée, ont impacté le fonctionnement morpho-sédimentaire des plages et ont, au final, accru le phénomène d’érosion.

 

Quelles solutions d’adaptation ?

Dans certains cas, il est nécessaire de renforcer les défenses côtières. Mais tout doit se faire de manière équilibrée : des structures peuvent être renforcées dans des zones précises, d’autres en revanche devront être abandonnées pour permettre la création de grandes plaines d’inondation. Il est également possible de laisser les dunes évoluer librement ou encore de « dépoldériser », i.e. laisser certains marais se reformer après avoir été asséchés artificiellement pendant des décennies, voire des siècles.

Les solutions fondées sur la nature constituent une autre possibilité. On connaît les mangroves, les herbiers et les récifs qui constituent autant d’écosystèmes naturels à fort potentiel d’atténuation. D’autres solutions de génie écologique se font jour avec des entreprises spécialisées. Ainsi par exemple,  dans le cadre du projet PEGASE porté par Seaboost, un pilote permettant d’atténuer l’énergie de la houle doit être installé sur la plage du Grau d’Agde (34). La solution, basée sur l’analyse et la modélisation  des récifs, herbiers et mangroves, met en œuvre un frottement au sein d’un ouvrage perméable et complexe et non sa réflexion par un ouvrage opaque. D’où une approche douce, intégrée à son environnement et compatible avec le fonctionnement des grandes cellules sédimentaires. De même, une solution de protection littorale contre l’engraissement et l’érosion en contexte portuaire / balnéaire est testée à Palavas-les-Flots (34) par P2A Développement et ses partenaires dans le cadre du projet CATCHSED Evo. La solution est résiliente et adaptable à l’évolution long-terme du système littoral.

Dans d’autres cas, des rechargements en sable peuvent être réalisés sur des plages émergées ou en avant-plage. Ces opérations coûteuses et complexes doivent se faire dans le respect des équilibres écosystémiques.

Enfin, si aucune solution spécifique ne peut être mise en place, on pourra envisager un ‘repli stratégique’, i.e. une relocalisation des infrastructures plus en arrière dans les terres, avec tout ce que cela comporte comme enjeux et contraintes.

On le voit, la question de l’adaptation du littoral est en pleine évolution. Notons d’ailleurs que le projet LIFE Adapto initié par le Conservatoire du Littoral pour tester une gestion souple du trait de côte doit s’achever fin 2021. Mené sur dix sites pilotes représentatifs des différents types de littoral français, il doit permettre de démontrer l’intérêt écologique et économique d’améliorer la résilience des espaces littoraux pour protéger les activités humaines en redonnant de la mobilité au trait de côte. Rendez-vous début 2022 pour en savoir plus…

 

Gestion intégrée du littoral : déjà 19 collectivités retenues


L’Anel (association nationale des élus du littoral) et le Cerema mènent ensemble une démarche visant à accompagner des territoires littoraux volontaires « dans une dynamique qui permette de répondre aux problématiques locales et de dégager des pistes de solutions concrètes pour accompagner ces territoires dans la durée et contribuer à faire vivre l’interface terre-mer de manière vertueuse ». L’objectif est de tirer des enseignements réplicables à l’échelle nationale, valoriser des expériences innovantes et mettre en réseau tous les acteurs concernés. La 2e session de l’appel à partenaires a permis de retenir 10 collectivités, ce qui porte à 19 le nombre des collectivités lauréates. Liste sur https://www.cerema.fr/fr/appel-partenaires-gestion-integree-du-littoral

 

Pour aller plus loin :

Rapport OECD

L’OCDE a publié “Adapting to a changing climate in the management of coastal zones – Policy Perspectives”, OECD Environment Policy Paper n°24 (14 avril 2021).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire aussi : L’adaptation en question

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