Le rapport 2020 de la Commission européenne sur l’économie bleue donne un large aperçu de la performance des secteurs économiques de l’UE liés à l’océan et au littoral. Pour sa troisième édition, il aborde en détails la dimension environnementale de l’économie bleue. Il démontre que, même si certains de ses secteurs sont durement touchés par la pandémie actuelle, l’économie bleue dans son ensemble présente un potentiel considérable pour contribuer à la relance verte.

L’environnement et le climat sont particulièrement présents dans l’ensemble des 180 pages du rapport.  Ainsi par exemple, le rapport montre le découplage clair entre la croissance du secteur pêche et aquaculture et sa production de GES (cf. diminution de 29% du CO2 par unité de valeur ajoutée brute entre 2009 et 2017). De même, il présente les nouvelles orientations du transport maritime (cf. énergies à moindre intensité carbone) et revient sur la tendance des « ports verts » visant à réduire leur empreinte écologique. Le rapport examine également la valeur économique de plusieurs services écosystémiques fournis par l’océan. Il présente les coûts et impacts socio-économiques liés à la montée du niveau de la mer dans les régions littorales selon les différents scénarios du GIEC et les investissements nécessaires pour protéger ces régions. Il analyse la question des GES de même que la manière dont les océans peuvent contribuer à la séquestration du carbone. Et il fournit une estimation des coûts générés par la pollution marine et des effets du changement climatique sur les pêcheries et l’aquaculture.

 

Des secteurs établis…

Le rapport Economie bleue 2020 distingue les secteurs « établis » et les secteurs « émergents ». Il dresse les principales caractéristiques et tendances pour chacun d’entre eux. Les secteurs « établis » correspondent aux activités traditionnelles : ressources marines vivantes (secteur primaire, transformation et distribution des produits de la mer), ressources non vivantes (« oil&gas » et autres agrégats : sable, granulats…), énergies marines renouvelables (éolien offshore seulement, les autres étant considérées émergentes), activités portuaires, construction et réparation navales, transport maritime et tourisme côtier.

Le secteur ressources vivantes a enregistré une hausse de 26% de son CA par rapport à 2017, avec 129 mrd € tandis qu’avec 43,3 mrd €, le secteur ressources non vivantes a accusé une baisse de 59% par rapport à 2009, du fait surtout du déclin de l’exploitation « oil&gas » en mer.

S’agissant de l’éolien offshore, l’Europe détient plus de 90% des capacités installées (Grande-Bretagne, Allemagne, Danemark, Belgique, Pays-Bas surtout). D’autres pays s’y mettent (France, Espagne, Portugal, Finlande, Suède…). Avec un CA de 4 mrd d’euros en 2018, le secteur a enregistré une croissance record de 1185% par rapport à 2009 et a multiplié par huit le nombre de ses salariés (cf. 4 624 en 2018 vs 582 en 2009).

Près de 90% du trafic de marchandises européen passe par l’un des 1200 ports maritimes répartis sur les 23 côtes des pays membres. De plus en plus de ports sont engagés dans une démarche « Green ports ». En 2018, les activités portuaires ont réalisé un CA de 91,4 mrd € (+ 39% vs 2009) et employait 549 340 personnes (+ 20% vs 2009). Outre les démarches liées à la transition écologique(1), les ports doivent investir fortement, en particulier du fait de l’augmentation de la taille des navires.

Le secteur « Construction & réparation navales » a réalisé un CA de 59,2 mrd € (+ 13% vs 2009) mais a vu sa masse salariale diminuer de 10% (318 315 en 2018). Il est toujours confronté à la nécessité de réduire ses impacts même si d’importantes avancées ont pu être menées, en particulier dans le domaine des eaux de ballast et des émissions de soufre et de NOx. Le transport maritime a quant à lui réalisé un CA de 173,2 mrd € (+ 11% vs 2009) avec 407 825 personnes (+ 7% vs 2009) dont près de la moitié dans les services, le reste se répartissant entre transport de passagers et fret.

Enfin, en 2018, plus de la moitié (51,7%) des touristes accueillis en Europe l’étaient dans des régions littorales (Canaries, Catalogne, côte adriatique, etc.). Le secteur « tourisme côtier » a enregistré un CA de 249,6 mrd € (+ 18% vs 2009) avec près de 3,1 millions de salariés (+ 13,5% vs 2016). Les enjeux environnementaux sont considérables : non seulement le secteur dépend des conditions environnementales (ex. : qualité de l’eau) et climatiques mais il a aussi une forte empreinte écologique et carbone. A cet égard, des mesures de restrictions sont déjà appliquées dans le domaine des croisières qui ont enregistré une hausse de 75% du nombre de leurs passagers en à peine dix ans.

Au total, les « secteurs établis » de l’économie bleue de l’UE présentaient en 2018 un chiffre d’affaires global de 750 milliards d’euros et une valeur ajoutée de 218 milliards. Ils occupaient 5 millions de personnes, soit une hausse de 11,6% par rapport à 2017, en particulier dans le tourisme côtier.

 

…aux secteurs émergents, voire très émergents

Parmi les six secteurs émergents et innovants distingués par le rapport 2020 figurent les autres énergies marines renouvelables (éolien flottant, énergie des marées et des vagues mais aussi solaire flottant et hydrogène offshore), la bio-économie et biotechnologies, le dessalement, les minéraux des fonds marins, la défense maritime et les câbles sous-marins. Dans leur ensemble, ces secteurs présentent un potentiel important.

En matière d’énergies marines renouvelables, l’Europe est leader : elle détient 70% des capacités installées en énergie des vagues et de la houle et est en voie de produire jusqu’à 35% de son électricité à partir de sources offshore d’ici 2050. Dans ce domaine, deux sujets sont à suivre de près : le solaire PV flottant et la génération d’hydrogène offshore.

Au sein du secteur Bio-économie bleue, le domaine des algues prend un véritable essor et a enregistré un CA de plus de 350 M€ en 2018(2). Plus largement, les biotechnologies issues de la mer concernent un très grand nombre d’activités, de l’agriculture à la médecine en passant par la production d’énergie, les biomatériaux, la réhabilitation des sols et le changement climatique.

Autre point clé, l’UE compte aujourd’hui 1500 unités de dessalement, en particulier en Europe du Sud plus concernée par le stress hydrique. Ces unités produisent au total près de 7 millions de m3 d’eau par jour. Face à ces enjeux, de nouveaux projets sont enclenchés pour une capacité totale de 480 000 m3 par jour sur la période 2019-2024 et un investissement de 520 M€ est prévu. Un des sujets à suivre ici est le couplage dessalement et réutilisation d’eau.

S’agissant des ressources des fonds marins, la demande devrait fortement augmenter de manière à faire face aux besoins toujours croissants de matières premières (minerais et métaux). Mais ceci suppose des technologies et pratiques appropriées.

Enfin, cette édition du rapport a ajouté le secteur des câbles sous-marins du fait de leur importance stratégique majeure – ils canalisent en effet 99% des communications et des transferts de données. Pas moins de 378 câbles se répartiraient ainsi sous la mer (sur plus d’un million de km), dont 205 seraient connectés avec des Etats membres de l’UE. Ces câbles peuvent également servir au transport d’énergie.

Le rapport aborde plusieurs autres sujets de l’économie bleue tels que la formation et les compétences, les actions menées pour rendre multi-usages les applications offshore ou encore les avancées en matière d’observation marine (chap. 7) et propose des analyses par région ainsi qu’une comparaison avec les Etats-Unis (chap. 8). Plusieurs annexes chiffrées sont disponibles.

 

Les soutiens de l’UE pour l’économie bleue


L’UE soutient l’économie bleue à travers plusieurs instruments. Par exemple, le Fonds européen pour les investissements stratégiques a déjà investi plus d’1,4 mrd €  dans des projets d’éoliennes en mer et offert un important soutien au développement des ports et à la transition écologique du transport maritime. La plateforme BlueInvest (créée en 2019 pour les PME par la Commission) et le Fonds européen d’investissement ont apporté des subventions de 22 M€ en 2019 et 20 M€ en 2020 à des chefs d’entreprise innovants se lançant dans l’économie bleue.

Un nouveau fonds BlueInvest a été créé en février 2020 (75 M€). De même, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement finance différents projets spécifiques (ex. : augmentation des opérations portuaires en Pologne, amélioration des services d’eau en Bulgarie, soutien de l’infrastructure portuaire en Estonie, etc.).

Notons aussi le programme de la Banque européenne d’investissement en faveur d’océans propres et durables qui se décline en deux initiatives : la stratégie des océans bleus durables (« Blue SOS » : 2,5 mrd investis entre 2019 et 2023) et l’Initiative Clean Oceans (2 mrd pour des projets de réduction des déchets en mer).

 

1) V. aussi « Des ports plus respectueux de l’environnement : ça avance », Capteurs d’avenir, 4/06/2020.

2) V. aussi « Les algues : une question multi-facettes », Capteurs d’avenir, 16/04/2020.

 

En savoir plus

The EU Blue Economy Report 2020, European Commission, June 2020, 180 pages (https://blueindicators.ec.europa.eu/published-reports_en)

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