Rendre les navires plus “verts” ne se limite pas à changer leur motorisation même si celle-ci constitue une part importante du fait de ses impacts considérables sur le climat, l’environnement et la santé. Des solutions existent à toutes les étapes du cycle de vie des navires. D’autres sont en cours de développement. En voici quelques exemples.

Ce 26 septembre, la Journée mondiale de la Mer était placée sous le thème : « Des transports maritimes durables au service d’une planète durable ». L’occasion de rappeler que plus de 80% des marchandises échangées à l’échelle mondiale sont transportées par voie maritime et que la flotte mondiale compte quelque 95 000 navires parmi lesquels 40% de vraquiers, 30% de pétroliers et 13% de porte-conteneurs. De plus, pour certains, le fret maritime pourrait quadrupler d’ici 2050.

 

L’écoconception, à la base de tout

Les premières réflexions pour proposer des navires moins impactants commencent avant même le chantier naval, lorsqu’il s’agit de concevoir l’architecture des navires et de choisir les matériaux et les peintures (cf. matériaux biosourcés, vernis et peintures anti-fouling…).

Certains voiliers associent ainsi bois, fibres de jute, bambou, lin, chanvre ou basalte avec des résines biosourcées à l’image du Sterne 25 développé par l’association EcoTransat en partenariat avec l’Ecole des Mines d’Alès. Même si les produits ne sont pas à 100% biosourcés, ils constituent un premier pas dans la mutation.

Le fouling désigne l’ensemble des organismes végétaux et animaux qui se développent sur la partie immergée d’un bateau : algues, moules, coquillages… Une peinture ‘anti-fouling’ libère des toxines permettant de limiter le développement de ces organismes également appelés salissures de la coque, bio-salissures ou encrassement biologique. Elle contribue ainsi à limiter un phénomène qui pose des problèmes majeurs en termes de biodiversité : l’introduction d’espèces invasives, celles-ci pouvant perturber les écosystèmes où elles s’installent, voire contribuer à la disparition d’espèces endémiques. Les peintures anti-fouling étant généralement réalisées à base de dérivés du pétrole, l’Europe a lancé cet été un appel à projets pour faire émerger des solutions alternatives. Avant cela, un intéressant projet de recherche avait été mené en vue d’identifier des molécules marines tropicales pour les intégrer dans une nouvelle gamme de peintures (projet ‘Biopaintrop’, avec Arvam, Nautix et Bioalgostral). Notons aussi que, outre le fouling, l’introduction d’espèces envahissantes par les navires se fait également via les eaux de ballast et les caissons de prise d’eau de mer.

Un autre point important à étudier en phase de conception est la manière de limiter les nuisances sonores, vibrantes et électromagnétiques qui constituant un autre enjeu fort pour la biodiversité. Encore peu étudiée, la réduction de ces nuisances pourrait permettre d’éviter, par exemple, les échouages massifs de cétacés.

 

Des navires plus efficaces en énergie

Les principaux travaux concernant le « green ship » portent sur les sources d’énergie et la motorisation de ces navires. Sont ici concernés aussi bien la propulsion du navire que l’énergie à bord et le stockage d’énergie. Là, les possibilités sont diverses et encore progressives : on ne passera pas à des navires « zéro fuel » du jour au lendemain. Le choix du GNL (gaz naturel liquéfié) constitue une première étape. Selon les estimations, un navire GNL émet jusqu’à 20% de CO2 en moins qu’un navire au fuel lourd et le ce carburant permet d’éliminer 99% des oxydes de soufre et des particules fines ainsi que 85% des émissions d’oxydes d’azote, d’où son intérêt en termes de qualité de l’air et donc de santé publique. CMA CGM, par exemple, a annoncé fin septembre l’entrée en flotte du premier d’une série de neuf porte-conteneurs 23 000 EVP propulsés au GNL. Des solutions à base de bio-méthane voient également le jour, celles-ci disposent d’un atout supplémentaire d’une empreinte carbone plus faible.

Energy Observer

Stand Energy Observer présent sur Pollutec, en 2018

En parallèle, de nouvelles motorisations hybrides apparaissent avec les énergies et les solutions de stockage qui leur sont associées : PAC, hydrogène, batteries. Ces solutions sont déployées à petite échelle, sur des navires spécifiques mais pourraient à terme connaître un essor plus important. Rappelons ici tout l’intérêt d’Energy Observer, véritable laboratoire flottant de solutions alternatives depuis 2017. EODev (Energy Observer Developments) vient d’ailleurs de finaliser sa première levée de fonds (20 M€) pour accélérer l’industrialisation et la commercialisation de ses solutions hydrogène (générateurs électro-hydrogène de moyenne puissance GEH2, systèmes énergétiques hydrogène embarqués REXH2 pour une utilisation maritime et fluviale -propulsion et vie à bord- et stations mobiles flottantes de production et de distribution d’hydrogène vert STSH2).

Pour réduire encore les consommations énergétiques, d’autres solutions sont envisagées comme la réduction de la vitesse des navires, un travail plus précis sur les routages pour mieux utiliser les courants et les vents favorables mais aussi le déploiement de voiles, ailes ou cerfs-volants comme moyen de propulsion complémentaire. D’un caractère anecdotique il y a une quinzaine d’années (ex. : l’Allemand SkySails récompensé aux EEP Awards sur Pollutec en 2007), la traction des navires prend de l’ampleur et les solutions commencent à se déployer sur toutes les tailles de navires à l’image des kites de Beyond the Sea ou d’AirSeas. Il faut dire qu’elle peut contribuer à réduire jusqu’à 20% la consommation des navires, un pourcentage qui pourrait être accru en associant à d’autres modes de propulsion ‘propres’ alimentés par l’électricité d’origine hydrolienne ou solaire. Autre acteur français dans le domaine, Neoline travaille sur un cargo-roulier pilote à propulsion principale vélique et propulsion auxiliaire diesel-électrique. Et parmi les projets de recherche en cours figurent, par exemple, ‘Deriva’ qui vise à développer un nouveau concept de voile-aile basé sur un système breveté d’inversion de profil épais asymétrique (avec CWS) ou encore ‘JIB SEA’ labellisé en juin dernier pour mettre au point des voiles d’avant rigides pour paquebots ‘nouvelle génération’ (avec Multiplast, Gsea Design, les Chantiers de l’Atlantique et l’ENSTA Bretagne).

 

La qualité de l’air, autre enjeu fondamental des navires

Les évolutions technologiques liées aux navires portent sur la réduction des émissions de GES mais aussi de polluants dont les oxydes de soufre, l’azote et les particules fines. Selon Armateurs de France, « en l’état des technologies disponibles, les armateurs ont le choix entre utiliser un carburant à 0,5% maximum, installer un scrubber ou choisir la propulsion au gaz ». Depuis le 1er janvier dernier, le règlement OMI-MarpolGlobal Sulphur Cap 2020’ impose en effet d’utiliser un carburant dont la teneur en soufre est inférieure à 0,5% (contre 3,5% jusque-là). Il est toujours possible d’installer un scrubber (laveur de gaz d’échappement), ce qui permet aux gaz polluants d’être solubilisés et absorbés dans l’eau, les fumées épurées pouvant alors être rejetées dans l’atmosphère. Mais il reste ici la question du traitement des eaux de lavage, en cas de circuit ouvert. Enfin, la propulsion au gaz (que ce soit GNL ou bio-méthane liquide) devrait se développer, comme vu ci-dessus.

Notons par ailleurs le projet de recherche en cours CAPNAV dont l’objectif est de quantifier précisément les émissions en particules fines afin de proposer, à terme, des solutions techniques et de nouvelles normes règlementaires pour réduire ces émissions. Lancé en septembre 2019, ce projet de trois ans va appliquer au maritime une instrumentation embarquée en temps réel déjà validée dans l’automobile et l’aéronautique (cf. mesures de type RDE : Real Drive Emission).

 

Supprimer les rejets solides et liquides en mer

Aux termes de la directive du 17.04.2019, les déchets des navires désignent tous les déchets, y compris les résidus de cargaison, générés durant l’exploitation d’un navire ou pendant les opérations de chargement, déchargement et nettoyage (même ceux pêchés passivement, dans le cas des navires de pêche). La Convention Marpol (v. encadré) a évolué jusqu’à fixer des normes plus strictes et poser l’interdiction des rejets en mer des déchets de navires. Ceux-ci sont tenus de les rapporter dans les ports qui sont censés disposer des infrastructures nécessaires.

De son côté, le traitement des eaux de ballast a pour objectif de tuer ou inactiver les organismes présents dans ces eaux destinées à caler le navire. Comme tout traitement des eaux, il peut se faire de manière mécanique (filtration, floculation), chimique (chlore, ozone) ou physique (rayons UV, ultrasons, désoxygénation). De fait, de nombreux acteurs de l’eau sont positionnés dans ce domaine. Notons, par exemple, que Bio-UV propose la solution BioSea qui a déjà fait ses preuves et a été récemment choisie par CMA-CGM pour ses neuf nouveaux porte-conteneurs au GNL.

On le voit, des solutions existent pour chaque phase du cycle de vie des navires. Mais qui dit cycle de vie doit également penser au démantèlement. La question reste fondamentale. Selon les estimations, sur les 800 à 1000 navires de taille importante qui sont démantelés chaque année, 90% le seraient en Asie du Sud-Est dans des conditions peu -ou pas- respectueuses de l’environnement et de la santé des travailleurs. Une convention internationale a été adoptée en mai 2009 mais elle n’est toujours pas entrée en vigueur, faute de ratifications suffisantes (cf. critères de représentativité de flotte et de capacités de recyclage). Entre temps, l’UE a adopté un règlement obligeant les navires battant pavillon européen d’aller sur un chantier agréé par la CE. Au 1er janvier 2020, le nombre de ces chantiers s’élève à 41 dont 34 en Europe, 6 en Turquie et un aux Etats-Unis.

 

La Convention Marpol


Adoptée en novembre 1973 et entrée en vigueur en 1983, la Convention internationale pour la prévention des pollutions marines par les navires « Marpol » couvre les pollutions par hydrocarbures, les pollutions par substances liquides nocives transportées en vrac ou par substances nuisibles transportées en colis, les eaux usées et déchets des navires, et la pollution de l’atmosphère. Il est intéressant de noter que, dès les années 1970, la convention indiquait dans le cadre de son annexe V : « Les ordures provenant des navires peuvent être tout aussi mortelles pour la faune et la flore marines que les hydrocarbures ou les produits chimiques. Le plus grand danger vient des matières plastiques, qui peuvent flotter pendant des années »…

 

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