En 2010, l’UE adoptait une directive relative aux émissions industrielles pour donner un cadre précis en matière de prévention et de contrôle de la pollution émise par les installations industrielles et les grandes exploitations d’élevage. Si cette directive a conduit à la réduction des pressions exercées par ces installations sur l’environnement, l’évaluation qui en a été faite en 2020 a montré qu’il était nécessaire d’aller plus loin. C’est tout l’objet de la révision en cours proposée par la Commission européenne.
Des bénéfices indéniables en termes d’émissions et de rejets…
Lors de son adoption fin 2010, la directive IED(1) concernait 50 000 installations dans toute l’UE (30 000 installations industrielles et 20 000 exploitations agricoles). Elle leur demandait notamment de s’engager à respecter les conditions relatives aux émissions en appliquant les meilleures techniques disponibles (MTD) spécifiques à leur activité. On estime aujourd’hui que cette réglementation a contribué à réduire les émissions de polluants atmosphériques de 40% à 75% selon les polluants et à réduire les rejets de métaux lourds dans l’eau de près de 50%(2).
…mais une modernisation nécessaire dans l’optique d’une économie « Zéro pollution »
Cependant, en plus de problèmes de cohérence dans la mise en œuvre même de la directive au sein des différents Etats membres, le nouveau contexte d’une transition de l’Europe vers une économie « Zéro pollution » à horizon 2050 a amené le législateur à moderniser les règles en place en vue d’une plus grande efficacité. La transformation industrielle attendue doit contribuer à atteindre les objectifs clés du Pacte vert : neutralité carbone, amélioration de l’efficacité énergétique, création d’un environnement exempt de substances chimiques toxiques et déploiement d’une économie toujours plus circulaire.
Les MTD en clair
Les MTD sont les techniques disponibles les plus efficaces pour prévenir ou réduire au minimum les émissions et les impacts sur l’environnement. Elles sont élaborées conjointement par l’industrie, des experts européens et nationaux et des représentants de la société civile. L’Inéris, qui est particulièrement impliqué dans la mise en œuvre de l’IED en France, précise que « par techniques, on entend les technologies employées (procédés de production et/ou de traitement des rejets) mais aussi la conception de l’installation, sa construction, son entretien et son exploitation (dispositions d’organisation et mesures de prévention) et sa mise à l’arrêt ».
Les principales évolutions proposées
La directive révisée prévoit de renforcer les autorisations d’exploiter pour les installations. Il s’agit notamment d’atteindre les meilleures performances en matière de valeurs limites (et non plus de se cantonner au minimum comme c’est le cas aujourd’hui pour près de 80 % des autorisations) et de revoir les règles liées aux dérogations.
Autre point majeur, le nouveau texte s’attache à mieux soutenir l’innovation et les technologies émergentes. Ainsi, au-delà des MTD déjà établies, de nouvelles MTD peuvent être envisagées en cas de preuve d’efficacité avérée. Un Centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles (INCITE) doit être créé pour aider l’industrie à identifier les solutions émergentes recensées dans le monde entier et, le cas échéant, les intégrer dans les MTD.
La nouvelle IED va par ailleurs favoriser l’économie circulaire avec, entre autres, des niveaux de performance contraignants en matière d’utilisation des ressources (énergie, eau, matières) dans les MTD et un soutien à l’utilisation de produits chimiques plus sûrs et moins toxiques dans les process. Elle doit aussi contribuer à développer les synergies entre dépollution et décarbonation, en particulier en mettant l’accent sur l’efficacité énergétique.
Un plus grand nombre d’installations concerné
La nouvelle directive IED propose d’élargir le périmètre des installations concernées. Pour renforcer la réduction des émissions de méthane, un nombre plus élevé d’élevages industriels de volailles et de porcs sera couvert et les installations d’élevage intensif de bovins seront intégrées dans le champ d’application.
Côté industrie, les installations d’extraction de minéraux et de métaux – dont beaucoup sont fortement sollicités dans le cadre de la transition éco-énergétique ou numérique – doivent également être couvertes. C’est aussi le cas pour les usines géantes (« giga-factories ») de production à grande échelle de batteries destinées à l’électromobilité et pour la production et l’utilisation d’hydrogène où de nombreuses évolutions sont en cours ou prévues (nouveaux modes de production, utilisation en alternative à d’autres sources d’énergie).
Au total, ce sont entre 1500 et 1900 installations industrielles supplémentaires qui sont concernées par le nouveau texte en consultation.
Quels bénéfices attendus ?
Si la directive IED révisée est adoptée d’ici fin 2023 comme annoncé, les nouvelles MTD pourraient être présentées en 2024 et les nouvelles techniques pourraient commencer à être déployées en 2027. A compter de la publication du texte, les industriels auront quatre ans et les agriculteurs, trois ans et demi pour se mettre en conformité.
Concernant les exploitations d’élevage, la mise en œuvre de la nouvelle IED pourrait conduire à une réduction des émissions d’ammoniac de 128 kt par an et une réduction des émissions de méthane de 265 kt par an. Plus généralement, les émissions de polluants des nouveaux secteurs couverts pourraient connaître une baisse globale de l’ordre de 35 % à 70 %(3).
1) Directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010, associée au Règlement relatif au registre européen des rejets et des transferts de polluants (règlement E-PRTR).
2) Ex. : SO2, NOx, ammoniac, particules mais aussi mercure et autres métaux lourds.
3) Ces estimations de la Commission se basent sur l’expérience acquise dans l’application de l’IED depuis 2010.
Le contrôle des rejets : une des actions prioritaires de l’Inspection des ICPE pour 2023
Au-delà de ses actions pérennes en lien direct avec ses missions de police, l’inspection des installations classées a retenu trois actions thématiques prioritaires pour 2023. Parmi celles-ci figure le contrôle des rejets atmosphériques des installations classées soumises à autorisation*. L’objectif est de contrôler le captage à la source des rejets dans l’air et les installations de traitement, de vérifier la réalisation des contrôles réglementaires par un organisme agréé des rejets atmosphériques** et de conclure sur le respect des valeurs limites d’émission. L’action portera sur les modalités de canalisation / captage des effluents, sur la pertinence et la représentativité des mesures par rapport aux conditions de fonctionnement de l’installation et sur la conformité aux normes des mesures effectuées.
*Les deux autres portent sur la sécheresse et la limite des fuites de méthane.
**Le dernier arrêté portant agrément des laboratoires et organismes a été pris le 16 décembre 2022 (JO du 24 12 2022) et est entré en vigueur le 1er janvier dernier.