La Stratégie Nationale Biodiversité 2030 présentée fin novembre se décline en quatre grands axes, 40 mesures et plus de 200 actions. Elle vise à s’attaquer aux cinq pressions qui s’exercent sur la biodiversité (destruction et artificialisation des milieux naturels, surexploitation des ressources, changement climatique, pollution, espèces exotiques envahissantes) et à restaurer les écosystèmes terrestres et marins ainsi que les populations d’espèces en danger via la renaturation et la résilience face au changement climatique. En voici un décryptage.

 

Axe 1 : Réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité

Le premier axe vise à réduire les pressions directes et à accompagner les secteurs prioritaires dans la réduction de leurs impacts. Réduire les pressions directes passe par une limitation du changement d’usage des terres et des mers, autrement dit de la destruction et de l’artificialisation des milieux qui, toutes deux, participent à la disparition des paysages et réduisent la capacité de résilience des territoires face aux événements extrêmes (sécheresses, inondations…). Ceci comprend l’amélioration du degré de protection des aires protégées : 30 % du territoire national terrestre et marin, dont 10 % en protection forte d’ici 2030, 100 % des récifs coralliens en outre-mer protégés en 2025 et 65 % des mangroves sous conservation, 100 % des herbiers de posidonie méditerranéens protégés et 100 % des glaciers sous protection forte d’ici 2030.

Par ailleurs, la lutte contre la surexploitation des espèces en France comme à l’étranger va passer par une gestion adaptative pour de nouvelles espèces et par la lutte contre les impacts importés et les trafics d’espèces. Et pour réduire l’impact du changement climatique sur la biodiversité, plusieurs mesures seront prises en parallèle avec la SNBC(1) et la planification écologique (ex. : agroécologie, restauration de puits forestiers, lutte contre l’artificialisation, hausse des puits de carbone d’ici 2050).

Autre pression majeure sur la biodiversité : la pollution. Plusieurs objectifs sont fixés concernant les pesticides (réduction de moitié de l’utilisation des produits phytosanitaires à horizon 2030), la pollution lumineuse (réduction par deux sur la décennie), les plastiques (résorption des 94 décharges littorales répertoriées d’ici 2030 et engagement de 50 % des communes littorales dans la démarche « plages sans plastiques » d’ici 2025 et 100 % d’ici 2030) et la pollution sonore sous-marine qui affecte de nombreux animaux marins.

Pour prévenir et lutter contre les espèces exotiques envahissantes dont l’IPBES vient de faire un état des lieux alarmant(2), 500 opérations « coup de poing » sont prévues d’ici 2025 et le taux d’établissement de ces espèces doit être réduit d’au moins 50 % d’ici 2030.

Une autre mesure vise à renforcer la lutte contre les atteintes à l’environnement comme, notamment, l’orpaillage, la déforestation ou la pêche illégale.

Enfin, la nouvelle stratégie propose sept mesures visant à accompagner les secteurs prioritaires (agriculture, pêche, énergie, construction…) dans la réduction de leurs impacts.

 

Axe 2 : Restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible

Le deuxième axe compte plusieurs mesures dédiées à la restauration d’écosystèmes clés comme les sols, les forêts, les zones humides ou les prairies, le tout en lien avec le nouveau règlement européen sur la restauration de la nature et en préfiguration de sa future déclinaison nationale.

Plusieurs mesures portent sur la restauration des continuités écologiques terrestres et aquatiques (trames vertes et bleues) avec un effort particulier pour résorber les points noirs d’ici 2030, sur l’objectif de ramener la nature en ville (renaturation et désimperméabilisation soutenues par le Fonds vert, renforcement du plan « Nature en ville ») et sur d’autres actions visant à faire face aux événements extrêmes dont les inondations.

Pour renforcer la résilience des écosystèmes forestiers, un milliard d’arbres d’essences diversifiées adaptées au climat futur vont être plantés sur la décennie et une gestion durable des forêts doit être adoptée. Les haies seront favorisées, en application du récent Pacte en faveur de la haie visant un gain de 50 000 km de haies supplémentaires d’ici 2030.

Par ailleurs, 50 000 hectares de zones humides doivent être restaurés d’ici 2026. Diverses actions de protection des sols forestiers, agricoles et urbains doivent être déployées. Et une nouvelle mesure prévoit de mieux connaître le milieu des prairies permanentes pour mieux les restaurer.

Enfin, pour inverser le déclin d’espèces phares menacées, en particulier les espèces endémiques dans les outre-mer, vingt nouveaux programmes nationaux d’action doivent être définis et la mise en œuvre du Plan national « Insectes pollinisateurs et pollinisation » sera poursuivie tout comme la lutte contre les prises de dauphins, tortues ou oiseaux dans les filets de pêche.

 

Axe 3 : Mobiliser tous les acteurs

Pour parvenir à préserver et restaurer la biodiversité, tous les acteurs ont un rôle à jouer. L’axe 3 l’illustre à travers plusieurs mesures. Outre celle sur l’exemplarité de l’État et des services publics, une mesure spécifique vise à accompagner l’action des collectivités territoriales. Elle comprend un accompagnement à la formation des élus locaux sur les enjeux biodiversité et climat (ex. : comment les intégrer dans les documents d’urbanisme et de planification) et la mise à disposition d’outils comme les Atlas de la biodiversité communale. En outre, un volet Biodiversité devra être systématiquement intégré dans chaque nouveau contrat de relance et de transition écologique (CRTE).

Une autre mesure vise à accompagner l’engagement des entreprises. Celles-ci doivent pouvoir identifier leur dépendance à la biodiversité et les impacts de leurs activités pour les réduire au maximum, d’autant plus depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier dernier, de la CSRD(3) qui accroît l’obligation de transparence et de reporting extra-financier. Un accompagnement est proposé aux TPE-PME par l’Ademe et Bpifrance dans le diagnostic de leurs enjeux et des leviers dont elles disposent pour réduire leur empreinte. L’OFB poursuit le programme « Entreprises engagées pour la nature » dans l’objectif d’en compter 5 000 d’ici 2030. En parallèle, le ministère a lancé fin novembre le « Roquelaure Entreprises et Biodiversité » (v. encadré). Enfin, mobiliser tous les acteurs suppose aussi de mobiliser les citoyens, ce qui passe essentiellement par la formation et la sensibilisation.

 

Axe 4 : Garantir les moyens d’atteindre ces ambitions

Le quatrième axe comprend le développement et la valorisation de la connaissance des données et enjeux biodiversité, la mobilisation de financements publics et privés, la mise en place d’une gouvernance interministérielle de pilotage et de redevabilité de la stratégie et le déploiement d’un pilotage fin via des indicateurs de moyens et de résultats compilés par l’OFB et rapportés au Secrétariat général à la planification écologique. Le Comité national de la biodiversité (CNB) est chargé du suivi annuel de la stratégie.

S’agissant plus précisément du financement, un milliard d’euros supplémentaire doit être ajouté dès 2024 au budget pour l’eau et la biodiversité, dont 264 M€ pour la SNB, 300 M€ par an pour le fonds Friches et 100 M€ par an pour la renaturation. Et un renforcement des effectifs est prévu, avec 141 emplois supplémentaires. Certaines des mesures envisagées sont territorialisées, en particulier celles portant sur les aires protégées et la restauration écologique. Enfin, un plan de sortie progressive des subventions néfastes à la biodiversité doit être défini (l’UICN évalue ces subventions à 6 Md€).

 

Le « Roquelaure Entreprises et Biodiversité »


Selon le ministère de l’Ecologie, « avec la moitié du PIB mondial qui repose sur des services rendus gratuitement par la nature, les entreprises sont particulièrement exposées aux risques liés à la disparition du vivant. Rupture des chaînes d’approvisionnement, perte de CA, hausse des coûts de production…, les enjeux économiques et financiers sont importants. Pourtant, trop d’entreprises restent encore aveugles à ces risques qui pèsent sur la viabilité de leurs modèles d’affaires ». Sarah El Haïry, secrétaire d’État en charge de la Biodiversité, estime ainsi que « les entreprises doivent prendre en compte ces risques, mesurer leur dépendance aux services écosystémiques et identifier les leviers d’action pour y répondre ».

Face à cela, le ministère a lancé fin novembre le « Roquelaure Entreprises et Biodiversité » pour entamer un cycle de travail sur ces sujets. Dans ce cadre, six groupes de travail sectoriels et deux plus transversaux ont été mis en place :

Agroalimentaire, piloté par Bertrand Swiderski, directeur Développement durable, groupe Carrefour et Sylvie Borias, directrice Engagement & RSE, groupe Bel

Cosmétique, piloté par Hélène Valade, directrice Développement Environnement, groupe LVMH et Hervé Navellou, président de L’Oréal France

Textile, piloté par Marie-Claire Daveu, directrice Développement durable & Affaires institutionnelles, groupe Kering

Energie, piloté par Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia

Matériaux, piloté par Antoine Sautenet, directeur Développement durable, groupe Michelin et Virginie de Chassey, directrice Développement durable & Engagement d’entreprise, Eramet

Bâtimentconstruction, piloté par Fabrice Bonnifet, directeur Développement durable / Environnement, groupe Bouygues, Emmanuel Normant, directeur Développement durable, Saint-Gobain et Gilles Vermot-Desroches, directeur Développement durable, Schneider Electric

L’objectif de ces GT est d’identifier les risques auxquels les entreprises de leur secteur sont confrontées et les leviers spécifiques que chacune d’elles peut activer, l’idée étant que les grandes entreprises embarquent avec elles celles qui composent leur chaîne de valeur. Les deux GT transversaux portent, eux, sur le financement (piloté par Antoine Sire, directeur Engagement d’entreprise, groupe BNP Paribas, Philippe Zaouati, DG de Mirova et Ulrike Decoene, directrice de la Communication, de la Marque et du Développement durable, groupe Axa) et sur la gouvernance des entreprises (piloté par Romain Mouton, président du Cercle de Giverny). Les résultats des travaux doivent être rendus dans le courant du premier semestre 2024.

 

1) SNBC : Stratégie nationale Bas Carbone.

2) Rapport IPBES sur les espèces exotiques envahissantes (« IPBES Invasive Alien Species Assessment »), Septembre 2023, https://www.ipbes.net/IASmediarelease (communiqué disponible en français).

3) La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, parue au JOUE du 16 décembre 2022) vise à harmoniser les reportings de durabilité des grandes entreprises et des PME cotées en bourse. Elle s’appliquera de manière progressive.

 

À lire :  Haie Bocagère- La continuité écologique au cœur des espaces ruraux

 

 

S’inscrire à la newsletter

Restez informé de l'actualité du secteur

S’inscrire

Partagez ce contenu

Partagez ce contenu avec votre réseau !