L’année 2023 devrait voir la mise en place d’un nouveau dispositif de surveillance de la qualité de l’air dans certains établissements recevant du public (ERP) en application d’une mesure du PNSE4* lancé en mai 2021. Quels en sont les principaux points ? Et quelle est la place des micro-capteurs dont le marché connaît un véritable essor aujourd’hui ?
Loi Grenelle 2010 sur la Surveillance de la Qualité de l’Air
Introduite dans la loi Grenelle II en 2010, l’obligation de surveillance périodique de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public a été d’abord appliquée aux lieux d’accueil des enfants de moins de six ans (crèches, maternelles) et écoles primaires (2018) puis aux collèges, lycées et accueils de loisirs (2020).
Elle devait concerner d’autres ERP comme les structures sociales et médico-sociales, les établissements pénitentiaires pour mineurs et les piscines dès janvier 2023 mais pourrait être reportée à 2025.
Cette obligation de surveillance de l’air intérieur comprenait:
- une évaluation des moyens d’aération
- et, au choix, la mise en œuvre d’une campagne de mesure de polluants (benzène, formaldéhyde et, en cas de proximité du bâtiment avec un pressing, perchloréthylène) et du CO2 ou l’élaboration d’un plan d’actions de la qualité de l’air dans l’établissement.
Cependant, le retour d’expérience a montré que la périodicité des mesures des polluants n’était pas adaptée : la période définie de sept ans est trop longue et ne tient pas compte des étapes clés de la vie du bâtiment pouvant impacter la qualité de l’air (construction, aménagements, rénovation…).
C’est pourquoi un nouveau dispositif a été proposé dans le cadre du 4e Plan National Santé Environnement (PNSE4) lancé en mai 2021. Ce dispositif s’appuie désormais sur une évaluation annuelle des moyens d’aération:
- incluant la mesure du CO2 comme traceur du renouvellement de l’air,
- la réalisation au moins tous les quatre ans d’un auto-diagnostique,
- une campagne de mesure des polluants à chaque étape clé de la vie du bâtiment
- et un plan d’actions présentant les actions correctives les plus adaptées retenues pour améliorer la situation.
Benzène et formaldéhyde au cœur des campagnes de mesure
Si la campagne de mesures établit que les valeurs-limites des polluants (benzène, formaldéhyde, voire perchloréthylène) sont dépassées, l’exploitant de l’ERP doit engager une expertise pour identifier les causes de la pollution et fournir les éléments nécessaires au choix de mesures correctives adaptées et pérennes. De même, si les mesures sont dépassées sur le confinement (CO2)**, il faudra procéder à une aération manuelle (mais ponctuelle) ou intégrer une ventilation, plus pérenne.
Une évolution des valeurs-guides
Les valeurs-guides pour l’air intérieur doivent être revues en 2023. Ainsi notamment, la limite pour le formaldéhyde devrait passer de 30 µg/m³ à 10 µg/m³ et celle pour le benzène, de 5 µg/m³ à 2 µg/m³.
L’essor des micro-capteurs
Parallèlement à l’obligation de surveillance dans les établissements accueillant des personnes sensibles, toute une demande se développe pour vérifier la qualité de son air intérieur chez soi, au bureau, etc. De fait, un nombre croissant d’acteurs utilisent des micro-capteurs, y compris les particuliers.
Ainsi l’offre de ces systèmes capteurs (i.e. capteurs miniatures, à faible coût, prêts à l’emploi) continue de croître et d’intégrer toujours plus de technologies innovantes. Face à cela, les pouvoirs publics (DGS, DGPR et DGEC)*** ont demandé à l’ANSES de réaliser un état des connaissances sur l’utilisation de micro-capteurs par les citoyens. L’Agence a mené cette expertise pendant trois ans et a publié en mai 2022 un Avis spécifique dédié.
Rapport ANSES sur les capteur, pour résumer:
Il ressort de l’expertise ANSES que ces outils servent principalement à mesurer:
- les particules (PM10 ou PM2,5),
- le monoxyde de carbone
- ou les composés organiques volatils.
Ils sont utilisés par des particuliers aussi bien que par des collectivités ou associations qui s’en servent pour sensibiliser les populations aux enjeux de la pollution de l’air.
Depuis la pandémie, ils sont également utilisés pour connaître le taux de dioxyde de carbone dans les ERP afin de déterminer quand des actions de renouvellement d’air sont nécessaires. Cependant, selon les auteurs du rapport, la plupart de ces micro-capteurs ne mesurent qu’un polluant et n’offrent donc qu’une vision partielle de la qualité de l’air que l’on respire.
Autre point souligné : les données obtenues traduisent des niveaux d’exposition à certains polluants. Cela implique de connaître le risque sanitaire associé à ces polluants. Plus largement, comme tout outil de diagnostic, ces capteurs ne sont véritablement utiles que si des actions sont réellement engagées une fois qu’un dépassement des valeurs-limites a été identifié.
Au final, pour l’ANSES, si les systèmes capteurs sont un atout en termes de connaissance sur la pollution, leur usage doit être accompagné pour conduire à des changements de comportement durables. L’Agence reconnaît cependant que les micro-capteurs présentent l’intérêt, grâce aux multiples données collectées, de contribuer à alimenter les études en santé environnementale et celles relatives à l’exposome, approche encore récente qui vise à prendre en compte l’ensemble des expositions auxquelles un être humain est soumis tout au long de sa vie.
Quelques exemples de solutions
La jeune société Cozy Air propose une solution globale de surveillance et pilotage en temps réel de la QAI. Ce capteur connecté comprend 7 micro-capteurs qui évaluent 4 polluants (COV, PM, NO2, CO) et 3 paramètres de confort (température, humidité relative, taux de CO2). Elle vient de lever 1,5 M€ pour accélérer son développement. Ethera propose un analyseur QAI portable qui mesure en continu le formaldéhyde et le CO2. NanoSense propose des sondes / contrôleurs multi-capteurs qui mesurent en continu 13 paramètres d’environnement intérieur.
Tera Environnement développe toute une gamme de micro-capteurs connectés. Et de son côté, eLichens déploie son nouvel outil autonome et compact capable de détecter le CO2 et 3 paramètres de confort (température, pression, humidité relative), le tout avec une durée de vie de plus de 20 ans.
Pour aller plus loin :
L’Alliance HQE-GBC a publié en mai 2021 une note de cadrage « Qualité de l’air intérieur – la place des capteurs de mesure en continu lors de la réception ou de l’exploitation d’un bâtiment ». Cette note présente notamment les enjeux des capteurs et leurs spécificités techniques (www.hqegbc.org).
* 4e Plan National Santé-Environnement : « Un environnement, une santé » (2021 – 2025)
** Le CO2 est un indicateur du confinement (il est surtout lié à la respiration humaine) et non un indicateur de la qualité de l’air.
*** Direction générale de la Santé, Direction générale de la Prévention des risques, Direction générale de l’Energie et du Climat
À lire : L’air, un enjeu traité de façon global sur Pollutec